Depuis un certain moment, le torchon brûle entre l’Angola et le Gabon, les relations diplomatiques entre les deux nations d’Afrique centrale ayant largement dévié de tout cadre normatif lors des quatre derniers mois. En cause, l’arrivée, pour le moins inattendue, au pouvoir de Brice Oligui Nguema, à la faveur du coup d’état du 30 août 2023. En effet, quelques jours après, son homologue angolais, Joao Lourenco, alors en déplacement au Congo-Brazzaville, exprimait sa stupéfaction aux cotés de son hôte, Denis Sassou-Nguesso, non sans condamner ce développement, et réclamer le rétablissement de son ancien compère déchu, Ali Bongo Ondimba, dans ses fonctions. Une requête, évidemment, jugée irrecevable par les autorités gabonaises.
Seulement, bien que toute l’Afrique et la communauté internationale aient tourné la page, le leader angolais continue de contester cette nouvelle réalité. L’une des raisons principales étant la mise à mal de la dynamique de réforme engagée au niveau de la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale (CEEAC), et vis-à-vis de laquelle son pays a, jusqu’à présent, fait montre d’un engouement particulier. Entérinée en fin 2019 par les dirigeants des membres de la CEEAC, cette initiative porte sur la nécessité de redonner un élan à l’organisation sous-régionale, en accélérant l’intégration au sein de la communauté qu’elle constitue. Un projet auquel avait largement adhéré Joao Lourenco au point de s’en saisir personnellement, avec pour objectif de susciter un intérêt similaire chez ses homologues du bloc.
Son implication s’était, notamment, traduite par la régularisation de plusieurs milliards de F CFA d’arriérés versés dans le cadre des cotisations statutaires par son pays pour accompagner la mise en application de ladite réforme, et inciter les autres chefs d’Etat à faire de même. En anticipant les retombées à venir de l’intégration régionale, Joao Lourenco pouvait, ainsi, entrevoir les effets positifs sur l’économie de son pays, laquelle est appelée à se diversifier car la baisse progressive de ses capacités de production pétrolière ne lui permet plus de se reposer essentiellement sur l’exportation de l’or noir, comme dans le passé.
Donc, après l’annonce, l’été dernier, par l’Arabie Saoudite de la baisse des quotas pétroliers de l’OPEP, l’Angola a tenté, en vain, de s’opposer à cette décision, voyant que la mise en application de la réforme de la CEEAC n’était qu’à un stade préliminaire. La survenance du coup d’état de Brice Oligui Nguema, quelques mois plus tard, a complètement désemparé le président angolais puisqu’elle a entraîné la suspension du Gabon du bloc, stoppant, ainsi, tout élan de ladite réforme pour une durée indéterminée. Ce qui embête beaucoup Joao Lourenço, surtout, après tous les efforts consentis.
Le chef d’Etat angolais a, donc, de bonnes raisons d’en vouloir au général-président, Oligui Nguema, et l’assume d’ailleurs pleinement puisqu’il est le seul dirigeant de la sous-région à ne toujours pas l’avoir reçu dans son pays. Si son agacement reste compréhensible, il est, toutefois, très peu probable que cette attitude lui permette d’obtenir gain de cause, ni au sein de la communauté d’Afrique centrale, ni ailleurs.
Paul-Patrick Tédga
MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)