Décidément, les Nations-Unies ne laissent pas la France tranquille depuis l’assassinat, par la police, du jeune Français du nom de Nahel, bien né en France mais dont les parents sont originaires d’Algérie. Comme son nom l’indique, il n’est pas un Français de souche (comme ils disent en France dans certains milieux), et cela compte beaucoup dans les comportements de certains corps de l’Etat comme la police et certains partis politique de droite et d’extrême-droite. Les émeutes qui ont sécoué la France pendant cinq jours à la suite de cet assassinat, montrent un pays totalement divisé, irréconciliable sur la question de l’immigration, où chaque camp fait face à l’autre, avec le gouvernement au milieu dont l’incapacité à trancher se passe de tout commentaire. Voilà pourquoi les remontrances viennent de loin. Et les Nations-Unies dont c’est rare qu’elles donnent des leçons de démocratie et de droits de l’homme à la France, sont en pointe. Vendredi, 30 juin, le porte-parole du Haut-Commissariat des Nations-Unies aux droits de l’homme a dénoncé des problèmes de « racisme et de discrimination raciale » en France, après la mort de Nahel, 17 ans, tué par un policier à Nanterre. Les Nations-Unies ont demandé à la France (et ce n’est pas coutume), de se pencher sur « les sérieux problèmes de racisme » chez les forces de l’ordre. Comme si cela ne suffisait pas, c’est le Conseil des droits de l’homme des Nations-Unies, ce vendredi, 7 juillet, qui vient, à son tour, mettre son grain de sel dans cette confusion qui règne en France où le gouvernement peine à prendre position, ouvertement, en faveur des droits de l’homme et contre certains éléments de sa police qui ternissent l’image de tout un corps dont le rôle est de protéger tout le monde en France, les Français comme les Non-Français. Pour un pays très (très) grand donneur de leçons de droits de l’homme et de démocratie à la terre entière, particulièrement, dans les pays africains, en Chine, en Russie, en Corée du Nord, à Cuba, en Iran, en Syrie et on en passe, c’est la douche froide. Paris n’a plus aucune autorité morale pour s’adresser sur cette question à un pays : même les Nations-Unies dont la neutralité est reconnue, lui demandent de savoir d’abord et avant tout balayer devant sa porte car le devant de celle-ci est très sale. Voici, en intégralité, la déclaration publiée, ce vendredi, 7 juillet, à Genève, aux Nations-Unies, sur cet assassinat odieux de Nahel, par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale :
COMITE POUR L’ELIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE
Déclaration 3 (2023) Prévention de la discrimination raciale, y compris les procédures d’alerte précoce et d’action urgente France. Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale,
Agissant dans le cadre de ses procédures d’alerte précoce et d’action urgente ; Alarmé par le meurtre de Nahel M., 17 ans, d’origine maghrébine, par un policier en France, le 27 juin 2023 ;
Profondément préoccupé par la pratique persistante du profilage racial combinée à l’usage excessif de la force dans l’application de la loi, en particulier, par la police, contre les membres de groupes minoritaires, notamment, les personnes d’origine africaine et arabe, qui se traduit fréquemment par des meurtres récurrents, de façon disproportionnée, dans une quasi-impunité ;
Profondément préoccupé également par le fait que la pratique du profilage racial des membres des groupes minoritaires, qui prend la forme de contrôles d’identité excessifs, d’interpellations discriminatoires et de l’utilisation d’un langage raciste par les forces de l’ordre, crée un climat de tension permanente entre les forces de l’ordre et ces groupes ;
Préoccupé par le fait que la discrimination structurelle au sein des forces de l’ordre, en particulier, dans la police, et les disparités raciales à l’encontre des personnes d’origine africaine et arabe, se perpétuent et se renforcent notamment dans la jouissance du droit à l’égalité de traitement devant les tribunaux, de la sécurité de la personne et d’autres droits consacrés par la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ;
Déplorant le pillage et la destruction de biens privés et publics ainsi que les informations faisant état d’arrestations et de détentions massives de manifestants ;
Se félicitant de l’ouverture d’une enquête sur les circonstances qui ont conduit à la mort de Nahel M. ;
Rappelant ses observations finales du 29 novembre 2022 (CERD/C/FRA/CO/22-23, par. 23- 26) concernant la France, dans lesquelles le Comité a fait part de ses préoccupations concernant 1 Voir CERD/C/FRA/CO/22-23, paragraphes 25 et 26. le profilage racial et l’usage excessif de la force par les forces de l’ordre à l’encontre de membres de groupes minoritaires ;
Rappelant ses recommandations générales n° 36 (2020) sur la prévention et la lutte contre le profilage racial par les responsables de l’application de la loi ; n° 35 (2013) sur la lutte contre les discours de haine raciste ; n° 31 (2005) sur la prévention de la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale ; et n° 13 (1993) sur la formation des responsables de l’application de la loi à la protection des droits de l’homme ;
et Réaffirmant les droits de réunion, d’expression et d’opinion pacifiques :
- Exhorte la France de respecter pleinement ses obligations internationales, en particulier, celles qui découlent de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, à laquelle elle est partie ;
- Réitère sa recommandation aux autorités de s’attaquer en priorité aux causes structurelles et systémiques de la discrimination raciale, y compris dans l’application de la loi, en particulier, dans la police ;
- Demande instamment à la France de veiller rapidement à ce que l’enquête sur les circonstances qui ont conduit à la mort de Nahel M. soit approfondie et impartiale, de poursuivre les auteurs présumés et, s’ils sont reconnus coupables, de les sanctionner d’une manière qui soit à la mesure de la gravité du crime ;
- Exhorte la France d’adopter une législation qui définisse et interdise le profilage racial et d’élaborer des lignes directrices claires à l’intention des responsables de l’application de la loi, en particulier, de la police, qui interdisent le profilage racial dans les opérations de police, les contrôles d’identité discriminatoires et tout autre comportement raciste ;
- Demande instamment à la France à revoir son cadre législatif régissant l’utilisation de la force létale par les responsables de l’application de la loi afin d’assurer une conformité totale avec le droit et les normes internationales en matière de droits de l’homme ;
- Demande instamment à la France à respecter les principes de légalité, de nécessité, de proportionnalité et de non-discrimination lors de la lutte contre les protestations et les manifestations de masse, et à veiller à ce que toutes les allégations de recours excessifs à la force par les forces de l’ordre dans le contexte des protestations en cours fassent l’objet d’une enquête, notamment, par l’intermédiaire d’organes de contrôle indépendants afin de garantir l’obligation de rendre des comptes ;
- Exhorte la France à prendre des réformes immédiates et appropriées visant à éliminer la discrimination structurelle dans le système de justice pénale, à garantir les droits des victimes de crimes à motivation raciale, à promouvoir la diversité ethnique au sein de la police et à favoriser ainsi la compréhension entre la police et la population en général, en particulier, les groupes minoritaires ;
- Exhorte la France à mettre en place une formation continue pour les responsables de l’application des lois, en particulier, sur les techniques de désescalade et sur les normes internationales pertinentes telles que le Code de conduite pour les responsables de l’application des lois, les orientations des Nations-Unies en matière de droits de l’homme sur les armes moins meurtrières dans l’application des lois et les principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois, ainsi que, la Convention elle-même ;
- Invite le peuple français à revendiquer et à exercer ses droits de l’homme pacifiquement et dans le respect des valeurs consacrées par la Déclaration universelle des droits de l’homme.
- Genève, le 7 juillet 2023.