Le premier ministre malien par intérim a pris la parole à la 77e session de l’Assemblée Générale des Nations-Unies, le 24 septembre 2022. Son discours rappelle celui de Martin Luther King (« I have a dream », à Addis-Abeba (Ethiopie), le 29 juillet 1987, discours dans lequel le président burkinabè appelait l’Afrique à ne pas rembourser la dette parce que cette dette avait été contractée non par les Africains mais par ceux, qui avaient colonisé et exploité pendant longtemps leur continent.
Après la mort de Sankara, aucun dirigeant n’avait plus parlé de la sorte, c’est‐à-dire, haut, clair et fort. Comme l’a bien dit Yayi Boni, l’ancien président béninois, c’est du jamais vu.
C’est un discours d’anthologie parce que chacun y prend pour son grade. D’abord, Antonio Guterrès accusé de prendre position sur l’affaire des 46 mercenaires ivoiriens, qui ne relève pas des attributions du secrétaire général de l’ONU ; ensuite, les autorités françaises qui « ont renié les valeurs morales universelles et trahi le lourd héritage humaniste des philosophes des lumières et se sont transformées en une junte au service de l’obscurantisme, une junte qui refuse une simple réunion où le Mali veut présenter les preuves démontrant que l’armée française a agressé le Mali et violé son espace aérien de manière répétitive » ; le Bissau-Guinéen, Umaro Embalo, qui ignore qu’il existe un principe non de mimétisme mais de subsidiarité entre la CEDEAO et les Nations-Unies ; le donneur de leçons, Dramane Ouattara, comparé au chameau qui se moque de la bosse du dromadaire.
Quand le Dr, Abdoulaye Maïga, s’exprimait, j’avais le sentiment d’entendre, aussi, Modibo Keïta, Kwame Nkrumah, Sékou Touré, Ruben Um Nyobè, Félix-Roland Moumié, Patrice Lumumba, Victor Biaka Boda, Jerry Rawlings, Thomas Sankara, tous, assassinés pour avoir voulu une Afrique libre et souveraine.
Enfin, si le discours d’Abdoulaye Maïga est historique, c’est parce qu’il nous donne des raisons d’espérer encore que tout n’est pas perdu pour l’Afrique et que ce continent peut renaître plus fort et plus beau.
Deux amis m’ont dit qu’ils tremblaient en écoutant le premier ministre malien parce qu’ils craignaient qu’il ne prenne une balle dans la tête en pleine allocution. Moi, plutôt que d’avoir peur, j’ai jubilé, j’ai été heureux et fier d’entendre ce discours de rupture prononcé par Maïga, symbole d’une Afrique, qui a décidé de répondre du tac au tac, qui refuse de se laisser piétiner par qui que ce soit, qui ne veut plus tendre l’autre joue quand elle est injustement giflée.
Je n’ai vu aucune injure dans ce grand discours. J’ai retrouvé l’Afrique des fiers guerriers de David Diop, j’ai vu la Négraille debout dont parlait Aimé Césaire dans « Cahier d’un retour au pays natal ».
Le Mali nous a remis debout. Il n’est plus question ni de se coucher ni de reculer.
Jean Claude Djereke
est professeur de littérature à l’Université de Temple (Etats-Unis).