Initialement, prévu, le 28 février, le premier tour de la présidentielle a été reporté au 6 mars, à cause des retards dans la production et la distribution des cartes des 4,7 millions d’électeurs.
Avec 33 personnalités en lice (notre photo montre les principaux candidats), dont le candidat du pouvoir soutenu par deux partis d’opposition, et une quinzaine d’anciens collaborateurs de l’actuel président, Thomas Boni Yayi, cette élection promet d’être « la plus étonnante possible », puisqu’elle « défie toute logique politique et toutes les habitudes électorales depuis 1990 », date de l’avènement du multipartisme, estime le juriste et analyste politique béninois, Simon Asoba.
Le Franco-Béninois, Lionel Zinsou, a quitté, en juin dernier, son poste à la tête de PAI Partners, le plus important fonds d’investissement français, pour devenir premier ministre du Bénin, à la surprise générale. Puis, il a été désigné comme le candidat des Forces Cauris pour un Bénin Emergent (FCBE, au pouvoir) de M. Boni Yayi, qui quitte les affaires au terme de deux mandats, conformément, à la Constitution. Une leçon de démocratie pour le chef de l’Etat sortant dans une Afrique où les chefs d’Etat préfèrent mourir au pouvoir.
M. Zinsou a, aussi, été adoubé par le Parti du renouveau démocratique (PRD), dont le leader, Adrien Houngbedji, était le principal opposant de M. Boni Yayi à la présidentielle de 2011, et par la Renaissance du Bénin (RB), une autre formation d’opposition dirigée par un fils du couple Soglo, qui, lui, est très hostile à la candidature de Zinsou.
Lionel Zinsou est loin de faire l’unanimité et nombreux sont ceux dans le monde politique et syndical qui lui reprochent d’être « parachuté » par Paris, l’ancien colonisateur, pour raviver les réseaux de la « Françafrique ». C’est, justement, le cas de Rosine et Nicéphore Soglo. Mais aussi, le professeur, Albert Tévoèdjré, qui, lui soutient, Pascal Irénée Koupaki.
Face à lui, deux des plus puissants hommes d’affaires du pays : Sébastien Ajavon, le patron des patrons, qui a fait fortune dans l’agro-alimentaire, et Patrice Talon, magnat du coton.
Les deux hommes ne sont pas nouveaux en politique, puisqu’ils ont, chacun, apporté leur soutien à des partis, par le passé, rappellent les observateurs.
M. Talon a financé les deux campagnes victorieuses de M. Boni Yayi avant d’être accusé d’avoir cherché à l’éliminer dans une affaire rocambolesque de tentative d’empoisonnement pour laquelle il a, finalement, bénéficié d’une grâce présidentielle.
Sa candidature est « peut-être une façon de se protéger en devenant un acteur politique important au lieu d’être un homme d’affaires riche mais vulnérable », analyse Gilles Yabi, fondateur du cercle de réflexion ouest-africian, Wathi, basé à Dakar. Pas faux ce raisonnement !
L’ancien premier ministre, Pascal Irénée Koupaki, et l’ancien président de la BOAD (Banque ouest-africaine de développement), Aboulaye Bio Tchané –ABT pour ses partisans–, ex-directeur Afrique du Fonds monétaire international, font, aussi, partie des candidats qui pourraient mobiliser les foules lors de ce premier tour, selon les observateurs. Les deux sont de redoutables concurrents à prendre très au sérieux. Avant de devenir pendant quelques années le premier ministre de Yayi Boni, Pascal Irénée Koupaki, fut membre du Cabinet d’Alassane Ouattara, quand il était premier ministre de Côte d’Ivoire sous Félix Houphouët-Boigny.
ABT, qui avait fait figure de troisième homme lors de la présidentielle de 2011, a fait de la création de 500.000 emplois, sa principale promesse de campagne. Un thème, particulièrement, populaire chez les moins de 35 ans, qui représentent 60% de la population active et dont beaucoup vivotent de petits boulots, faute de débouchés.
Le Bénin et ses 10,6 millions d’habitants est classé par la Banque mondiale dans la catégorie des pays à faible revenu, avec des indicateurs bas sur la santé et l’éducation.
Mais les débats de société ont été occultés par les calculs politiciens et le marchandage de voix lors de la campagne électorale.
« Le mercato est ouvert », déplore M. Asoba, pour qui les « grands électeurs », ces responsables locaux, chefs traditionnels et autorités religieuses qui servent de relais d’opinion, sont achetés « à coup de millions de F CFA ». Bien évidemment, aucun nom n’est cité à cause des risques de procès.
« Tout le monde ou presque semble trouver normal que la campagne se résume sur le terrain à la distribution de billets aux +militants+ qui remplissent les meetings », se désole M. Yabi.
Les premiers résultats sont attendus dans les 72 heures.
Avec AFP