« C’est un baobab qui s’est effondré », a réagi le comédien burkinabè Gérard Sanou.
« C’était le maestro du cinéma burkinabè. C’est douloureux, une perte inestimable pour nous et pour l’Afrique toute entière », a déploré, de son côté, Rasmané Ouédraogo, l’un des principaux acteurs du film, « Tilaï » (« La loi »), qui avait été couronné du Grand Prix au festival de Cannes en 1990.
Idrissa Ouédraogo est mort « ce matin à 5h30 (locales et GMT) des suites de maladie » dans une clinique de Ouagadougou, a annoncé l’Union nationale des cinéastes du Burkina dans un communiqué transmis à la presse.
Il avait débuté sa carrière cinématographique en 1981 avec une fiction intitulée « Poko », qui avait obtenu la même année le prix du meilleur court-métrage au Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco).
Après avoir complété sa formation à l’école de cinéma de Moscou, puis, à l’Institut des hautes études cinématographiques (Idhec) de Paris, il réalise, en 1986, son premier long métrage, « Yam daabo » (Le choix), récompensé par la Caméra d’Or, à Cannes, en 1987, suivi, deux ans plus tard, de « Yaaba » (Grand-Mère), qui obtient le Prix de la critique internationale sur la croisette.
Il s’impose comme le chef de file des cinéastes au Burkina Faso, une des terres d’élection du septième art en Afrique.
Pour le cinéaste et documentariste burkinabè, Michel Zongo, « il a inspiré toute une génération de jeunes cinéastes africains. Il a réussi à partager nos histoires avec le monde ».
Cinéaste prolifique malgré les conditions économiques difficiles pour tourner en Afrique, Idrissa Ouédraogo a imposé son esthétique particulière.
« Il a raconté la vie de gens ordinaires, plantant sa caméra dans les zones rurales plutôt que dans les villes, il a su rendre la beauté des zones sahéliennes », explique Abdoulaye Dragoss Ouédraogo, cinéaste et professeur d’ethnologie visuelle à l’Université de Bordeaux.
Tilaï, transposition d’une tragédie grecque dans l’Afrique contemporaine, avait été tourné dans un village du pays Mossi, au Nord du Burkina Faso, la région où le cinéaste a grandi.
« J’aime ce décor beau et brutal », déclarait Idrissa Ouédraogo en 1990.
Servi par un casting d’acteurs non-professionnels, le film était en langue mooré, plutôt qu’en français, pour préserver son authenticité.
« Dans les années 90, j’avais montré deux de ses films : Yaaba et Titaï, pas parce qu’il était burkinabé mais parce qu’ils étaient beaux. Hier, Idrissa Ouedraogo a fermé les yeux pour de bon, au moment où se couchait le soleil qui a illuminé son oeuvre », a déclaré dans un tweet, Gilles Jacob, ancien délégué général du festival de Cannes.
Après Cannes, il avait, aussi, reçu l’Etalon de Yennenga au Fespaco 1991. Il en présidera le jury en 2003.
En 1993, « Samba Traoré », qui raconte le retour au village d’un homme qui prétend avoir fait fortune à la ville – en réalité grâce à un braquage – et qui n’échappera pas à son destin, obtient l’Ours d’argent à Berlin.
Idrissa Ouedraogo tournera, par la suite, en France (« Le cri du coeur » avec Richard Bohringer), au Zimbabwe (Kini and Adams ») et il sera le seul réalisateur africain à participer au film collectif « 11’09’01 » sur les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, présenté à la Mostra de Venise.
Idrissa Ouédraogo s’est, aussi, essayé au théâtre. En 1991, il avait mis en scène, « La Tragédie du roi Christophe » d’Aimé Césaire, à la prestigieuse Comédie-Française à Paris.
« Le Burkina Faso vient de perdre un réalisateur à l’immense talent », qui « aura beaucoup oeuvré au rayonnement du cinéma burkinabè et africain hors de nos frontières », a réagi le président du Burkina Faso, Roch Marc Christian Kaboré, dans un communiqué (notre photo montrant Idrissa Ouedraogo en train d’être décoré en 2016 à Tunis par le président Béji Caïd Essebsi).
Avec AFP