Chef de l’opposition camerounaise dans la mesure où son parti, le SDF (Social Democratif Front) compte le plus grand nombre de députés à l’Assemblée nationale et au Sénat (ce qui n’est pas le cas du MRC de Maurice Kamto (qui est sorti deuxième à l’élection présidentielle d’octobre 2018 derrière le candidat du pouvoir Paul Biya), Ni John Fru Ndi a été enlevé puis libéré, samedi, 27 avril, après six heures de croisement de positions idéologiques et politiques avec ses compatriotes de l’Ambazonie, partisans de la sécession du Cameroun. Agé de 77 ans, Ni John Fru Ndi avait refusé de se (re)présenter à la dernière élection pour laisser la place à la nouvelle génération. C’est le jeune député de Douala, Joshua Osih, qui l’avait remplacé à l’issue d’un vote interne du parti. Malheureusement, Joshua Osih (sorti quatrième avec 3,35% des votes) a pâti de l’impossibilité de ses électeurs du Nord et du Sud-Ouest (sa principale base électorale) de voter à cause des fâcheux événements qui s’y déroulent. La position de John Fru Ndi a toujours été constante : pas de sécession, pas de partition du Cameroun, mais, un fédéralisme bien pensé, ce qui ne semble pas être l’avis de ses ravisseurs, qui voulaient une déclaration de sa part comme quoi il soutenait leur combat pour la sécession du Cameroun. Le Vieux a tenu bon et ses jeunes compatriotes l’ont finalement libéré sans rien obtenir.
C’est à Kumbo, dans le Nord-Ouest, l’une des deux régions anglophones du pays en proie à un conflit armé depuis plus d’un an, que celui qu’on appelle, affectueusement, « le chairman » a été enlevé.
« Le président Ni John Fru Ndi a été enlevé par des ravisseurs ce matin à Kumbo », a déclaré, en effet, samedi, 27 avril, l’un des responsables du SDF, Jean Robert Wafo, dans un communiqué, en français et en anglais.
Le président du SDF a été kidnappé alors qu’il était à la tête d’un cortège funéraire. Un député du SDF vient de décéder.
Les séparatistes anglophones militent pour la création d’un Etat indépendant (sous le nom d’Ambazonie) dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
Fin 2017, après un an de protestation, ils ont pris les armes contre le pouvoir de Yaoundé. Depuis, les deux régions sont devenues le théâtre d’un conflit armé et les kidnappings empoisonnent, notamment, la vie des populations, qui désertent, massivement, ces deux régions.
Certains séparatistes multiplient les enlèvements de responsables, de militaires et policiers, ainsi que, des civils, pour maintenir la pression sur le régime de Yaoundé et pour exiger des rançons permettant aux groupes armés de tenir. En effet, les envois d’argent venant de la diaspora camerounaise en Amérique du Nord et en Grande Bretagne, n’arrivent pas à financer l’effort de guerre des Ambazoniens. Cela dit, la frontière est devenue étanche entre le simple banditisme de certains Ambazoniens et les séparatistes qui expriment de vraies revendications.
Le banditisme prospère dans les zones non sécurisées, l’Etat ne pouvant pas mettre un gendarme ou un militaire à chaque kilomètre.
Des membres et responsables du SDF ont déjà été victimes récemment de telles attaques.
En octobre, la maison de Ni John Fru Ndi avait été incendiée et sa sœur kidnappée avant d’être libérée. Son frère venait, aussi, d’être kidnappée il y a quelques jours avec d’autres personnes.
Les séparatistes avaient appelé au boycottage de la dernière élection présidentielle en octobre au Cameroun anglophone, mais, le SDF y avait participé (sur notre photo John Fru Ndi avec le candidat à la présidentielle du SDF Joshua Osih).
La position de Paul Biya reste conforme à ce qu’il avait annoncé pendant sa campagne électorale : pas d’Ambazonie, pas de sécession ni partition du Cameroun, pas de fédéralisme non plus, mais, une accentuation de la mise en place de la décentralisation afin que certaines prérogatives étatiques soient confiées à des régions dont les représentants seront élus cette année au suffrage universel.