Le Syndicat national des enseignants du supérieur (SYNES) n’y va pas par quatre chemins. Il refuse que l’université devienne une chambre d’enregistrement du pouvoir exécutif et réaffirme son refus de légitimer des candidatures politiques dont celle du candidat du RDPC, Paul Biya, qui devrait briguer un huitième mandat à l’âge de 92 ans dont 43 passés à la tête de l’Etat sans alternance.

Pourtant, le bilan du président sortant, dans le domaine de l’enseignement supérieur, est de loin enviable à ceux produits dans d’autres secteurs : l’économie est en faillite, les infrastructures routières sont en piteux état, les coupures d’eau et d’électricité sont légion, dans les deux grandes villes de Yaoundé et de Douala, les poubelles s’amoncellent faisant le bonheur des rats dans l’indifférence générale. Dans le domaine de la sécurité, Boko Haram continue de narguer les Camerounais dans l’extrême-nord du pays tandis que les deux provinces anglophones, continuent de connaître une rébellion qui ne permet pas le retour à une vie normale.

L’enseignement supérieur est l’un des secteurs où Paul Biya peut défendre un bilan acceptable : Les rémunérations ont été revues à la hausse, ainsi que, le départ de l’âge à la retraite. Le président a fait un effort de construire au moins une université publique dans chacune des dix régions du pays même si elles demandent à être correctement équipées (sur notre photo, l’Université de Yaoundé 1, la toute première construite au lendemain de l’accession à l’indépendance). Le résultat dans les concours d’agrégation du CAMES montrent que le Cameroun est en pole position par rapport aux pays à niveau comparable comme la Côte d’Ivoire et le Sénégal. Bref, l’enseignement supérieur toutes proportions gardées ne se débrouille pas mal si on le compare aux autres secteurs de la vie nationale. On attend beaucoup de sa professionnalisation et du concept étudiant-entrepreneur que le patron des lieux, le professeur, Jacques Fame Ndongo, essaie d’implanter afin de limiter au maximum le chômage des diplômés de l’enseignement supérieur. Ceux-ci se retrouvent comme conducteurs de motos-taxis, vendeurs à la sauvette, avec des diplômes Bac+4 ou +5 en poche. Un drame national !

Le Synes, dont c’est le rôle, voit les choses autrement. Il établit un catalogue d’insuffisances qui montre un long chemin à parcourir :

« 1. Le sous-financement de la recherche, qu’elle soit fondamentale ou appliquée

2. Un capital humain moins valorisé
3. Les difficultés structurelles d’appropriation efficace du système Licence-Master-Doctorat
4. Le prolongement inexpliqué de la suspension des sélections en Thèse de Doctorat/Ph D depuis le 17 juillet 2023
5. Des enseignants-chercheurs contraints de travailler dans des conditions déplorables sans budgets de recherche suscitant la fuite de cerveaux et l’exil.
6. Une corruption endémique dans l’attribution des logements étudiants ou des bourses
7. Le désengagement de l’Etat et la privatisation des écoles normales au bénéfice des auditeurs libres portent atteinte à la qualité de la formation des formateurs
8. L’abandon de la formation des formateurs qui devrait être directement intégrés à la fonction publique à l’issue de leur cursus met en péril l’avenir du fer de lance de la nation camerounaise ».

Le Synes milite pour une université au service de la science, de l’éducation et du développement humain, et appelle à un sursaut collectif pour réinventer une université ancrée dans les réalités sociales loin des calculs politiciens. Le syndicat récuse la vision d’une institution universitaire réduite à un outil de propagande et propose trois axes de refondation :

1. Restaurer l’autonomie universitaire
2. Promouvoir un enseignement universitaire critique
3. Ouvrir le débat sur l’alternance

A la suite de l’énonciation de ces trois axes de refondation, le Synes conclut que « L’université pense, elle ne se prosterne pas ».