Les discours d’ouverture et de clôture du 2e Congrès extraordinaire du Rdpc prononcés par Paul Biya, ainsi que les actes, résolutions et autres motions dudit Congrès ont prouvé que « l’homme-lion » maîtrise le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), ses troupes et l’Etat, du Sommet à la base, de la base au Sommet. Le rendez-vous du 7 juillet 2001 a montré que le calendrier des activités du Rdpc obéit plus à l’emploi du temps et des opportunités de son président que des dispositions statutaires de ce parti. Exactement comme cela se passe au niveau de l’agende de l’Etat.
Créé le 24 mars 1985 à Bamenda, le Rdpc fonctionne sur la base des statuts et du règlement intérieur. S’agissant du congrès qui « définit l’action générale et l’orientation politique, économique, sociale et culturelle du parti », il se tient tous les cinq ans. Ce sont les statuts qui le disent. Normalement donc, le premier congrès ordinaire devait se tenir en mars 1990, le deuxième en mars 1995 et le troisième en mars 2000. Ce calendrier n’a pas été respecté. En octobre 1995, les militants ont été convoqyés à une session extraordinaire qui avait pour objet le renouvellement du mandat du président national. Les observateurs n’ont pas manqué de poser la question de savoir si un congrès ordinaire convoqué dans les délais, ne pouvait pas renouveler ce mandat. Avant ce congrès extraordinaire, ça bruissait, ça grognait dans les rangs du Rdpc. Dans les coulisses, des militants – et pas seulement ceux de la base – posaient le problème de la paralysie du parti, paralysie occasionnée par le président Paul Biya.
Que Biya quitte la direction du Rdpc
Face à cette situation de paralysie décriée tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Rdpc, le débat a été ouvert (par journaux interposés) sur la responsabilité de sa direction. Des opinions, dont on se doutait qu’elles prenaient leurs sources dans les rangs du parti au pouvoir, ont alors souhaité que Biya quitte sa présidence pour se consacrer à la direction de l’Etat, se mettant du même coup au-dessus des clans politiques. Du moins formellement. A un moment donné, la création du poste de secrétaire général du comité central du Rdpc avait fait penser que son titulaire pourrait devenir le n° 1 du parti avec le « détachement » de Paul Biya, devenant automatiquement le secrétaire général du Rdpc et non plus du comité central.
Tous ceux qui ont manifesté cette intention d’une façon ou d’une aure, ont reçu les réponses des caciques du Rdpc : Paul Biya est la providence du Rdpc. En dehors de lui, personne d’autre n’est outillé pour présider à ses destinées. Joignant l’acte à la parole, alors que les rumeurs disaient que le Congrès extraordinaire d’octobre 1995 allait être houleux parce que des voix allaient demander que le président actuel du parti au pouvoir laisse sa direction, tout se passa comme si les coulisses du palais des congrès n’avaient pas abrité des apartés sur la question. Certains avaient d’ailleurs dit que ce premier congrès extraordinaire verrait au moins un autre candidat s’opposer à Paul Biya. Ce match n’eut pas lieu. Au contraire, une unanimité (de façade ?) s’était faite autour de « l’homme-lion » pour qu’il reprenne les rênes de cette famille politique pour cinq nouvelles années.
Lorsque la constitution fut promulguée le 18 janvier 1996, et compte tenu de ce que c’est le président national du Rdpc qui est son candidat à l’élection présidentielle, il apparut nettement que Paul Biya, qui tenait à briguer un nouveau mandat à la tête de l’Etat, un mandat de sept ans cette fois, ne pouvait pas quitter le commandement de ce parti, au risque de voir quelqu’un d’autre se servir de cet appareil pour ses ambitions. C’est pour cela que le mot d’ordre de modernité fait tiquer.
En effet, contrairement, à ce qu’on avait pensé, la non tenue d’un congrès ordinaire du Rdpc n’était pas due au laxisme de son président ou au mauvais fonctionnement du parti. C’était une manoeuvre politicienne de « l’homme-lion » qui, aux dires de ses admirateurs, s’est encore révélé un fin stratège politique. Il savait que la convocation d’un congrès ordinaire allait susciter des appétits quant au contrôle de la tête du parti et, surtout, donner le temps aux ambitieux qui convoitent « sa » place de peaufiner leurs stratégies en fonction de la date du congrès. N’oublions pas que les délais de tenue d’un congrès ordinaire sont plus longs que ceux d’un congrès extraordinaire, ne serait-ce que parce que c’est le comité central qui fixe la date de convocation du congrès sur proposition du président national…
Paul Biya était donc au courant des voix qui s’étaient élevées pour souhaiter qu’il laisse le volant du Rdpc. Il soupçonnait ceux qui souhaitaient cela de vouloir lui faire un putsch politique. Il a esquivé ce coup d’état politique en verrouillant le calendrier électoral du Rdpc et le prochain septennat. Aujourd’hui, il peut décider d’organiser une présidentielle anticipée comme il peut décider d’attendre le terme normal de son mandat. Dans l’un et l’autre cas, Biya tient la barre fermement. Comment admettre que « le Rdpc dont être à l’avant-garde du combat politique » quand, en son sein, le choc des idées est toujours considéré comme un délit, un crime. Comment accepter que, pour être à l’avant-arde du combat politique, le Rdpc doit « animer l’action des militants sur le terrain, mais aussi être une force de proposition » lorsque les propositions allant dans le sens de la pluralité des idées et des orientations à l’intérieur ne sont pas encouragées. Y a-t-il une période précise, un âge précis pour la libre expression de ces propositions ? La période et l’âge de la libre expression de ces propositions sont l’affaire de Paul Biya, preuve qu’il maîtrise le Rdpc et ses troupes.
Rempiler pour un deuxième septennat
Entre décembre 1996, date du dernier congrès ordinaire du Rdpc (preuve que la périodicité des congrès ordinaires de ce parti a connu un dérèglement) et le 7 juillet 2001, l’on n’a plus entendu parler du Rdpc, excepté lors des échéances électorales. Dans son discours d’ouverture, le président national a déclaré que la vocation de son parti « est d’être chaque jour, et non pas seulement à la veille des échéances électorales, le porte-drapeau des libertés et des droits de l’homme et le champion du dialogue et de la tolérance ». En dénonçant la léthargie de son parti, en condamnant cet endormissement que, pourtant, on met sur son compte, Paul Biya a essayé de faire croire à ceux qui l’ont écouté (ou qui ont lu ce discours) que si le Rdpc ne bouge qu’à la veille des élections, c’est la faute aux autres, aux structures de base…
Au sortir de ce 2e congrès, des militants ont admiré la tactique de leur président : « Notre président est très fort. Quand on pense que la situation est en train de lui échapper, il rebondit. Il vient de tout retourner à son avantage. Les sections, les sous-sections, les comités de base et les cellules sont dos au mur. Les militants de base vont bousculer les bureaux de ces structures persuadés par le discours d’ouverture que ce sont eux qui bloquent le fonctionnement normal de leur machine politique. Mais peuvent-ils seulement se poser la question de savoir si ces structures de base ont les moyens de faire respecter le calendrier politique du Rdpc si le président national ne le fait pas (ou ne le veut pas) pour des raisons qu’il est seul à connaître ?… » C’est ce que nous a dit sous anonymat un membre d’une sous-section de la banlieue de Yaoundé.
S’agissant du dialogue et de la tolérance, l’opposition – à l’exception de celle qui est au gouvernement – s’interroge sur ce que le président Biya entend par ces termes en même temps qu’il affirme que le Rdpc est le parti politique le plus fort et compte garder cette position ? Le plus fort ne dialogue pas avec les faibles : il impose ses vues, d’une façon ou d’une autre. La preuve : les échéances électorales nationales (municipales, législatives et présidentielle), bien programmées selon la durée des mandats, ne se tiennent pas toujours conformément à la durée de ces mandats, mais seulement quand le président Biya le veut. La tolérance, elle, cadre bien avec la position que le Rdpc occupe (comme l’affirme son président). Il n’y a que le plus fort qui peut tolérer, parce qu’il a les moyens de ne pas tolérer et de sévir. Le faible ne peut que se résigner parce qu’il ne peut pas imposer ses volontés.
A la fin donc, le 2e Congrès extraordinaire du Rdpc a prouvé que Paul Biya maîtrise ses troupes et l’Etat. Sa réélection signifie que l’homme veut rempiler pour un deuxième septennat à la présidence de la République. Cette élection devrait normalement avoir lieu en 2002, si l’emploi du temps du chef de l’Etat le permet
A.-F. Bounougou Fouda
à Yaoundé