Au Cameroun, pendant que Mgr Jean Mbarga (archevêque métropolitain de Yaoundé) invitait ses compatriotes à prendre leurs responsabilités en octobre 2025, mois de la prochaine élection présidentielle, l’archevêque de Douala et les évêques de Yagoua et de Ngaoundéré (Grand Nord du Cameroun) faisaient clairement savoir que Paul Biya a mal géré le pays pendant 42 ans et qu’il ne devrait pas briguer un huitième mandat.
Paul Atanga Nji, ministre de l’Administration du territoire, Ferdinand Ngoh Ngoh, ministre d’Etat secrétaire général à la présidence de la République et René Sadi (ministre de la Communication porte-parole du gouvernement), qui font partie des griots et adorateurs de Biya, ne tardèrent pas à réagir. Pour eux, le gouvernement doit faire preuve de fermeté à l’égard de ces « frondeurs » car, croient-ils, les hommes d’église doivent, non pas, se mêler de la politique, mais se limiter à prier pour le pays et ses habitants.
Quand on pense aux nombreux ecclésiastiques que ce régime a déjà éliminés (Mgr Yves Plumey, Père Engelbert Mveng, Soeurs Marie Germaine et Marie Léone, Mgr Jean-Marie Benoît Bala, Joseph Mbassi, Anthony Fontegh, Alexander Sob, Christophe Komla Badjougou, entre autres), on peut craindre pour la vie de l’archevêque de Douala, Samuel Kléda, et des évêques, Barthélémy Yaouda et Emmanuel Abbo, mais que peut faire ce régime qu’il n’a déjà fait contre l’église catholique ? Par ailleurs, les prélats, qui ont osé jeter un pavé dans la mare, connaissent trop bien le conseil du Nazaréen dans Mt 10, 28 (« Ne craignez pas ceux qui tuent le corps mais qui ne peuvent pas tuer l’âme ») pour se laisser intimider facilement par un régime dont la hiérarchie catholique, hormis Christian Cardinal Tumi et Mgr Verzekov, a tardé à condamner les crimes et pratiques mafieuses. Enfin, les tueurs de ce pouvoir médiocre et assassin ne devraient jamais oublier que eux aussi mourront un jour et qu’ils feront face à celui qui a le pouvoir de jeter dans la géhenne.
Pour l’heure, il importe de leur dire que leur interprétation de la fameuse phrase de Jésus (« Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ») est fausse. Car, si l’on admet que César a été créé par Dieu, il est tout à fait normal que ceux qui servent ce Dieu de vérité et de justice portent un jugement sur la manière dont la cité est gérée par César.
Jésus n’a-t-il pas fouetté et chassé les gens qui avaient transformé le temple en un lieu de trafic ( Mt 21, 12-13) ?
Les politiciens, qui veulent enfermer le prêtre dans la sacristie, que disent-ils des hommes de Dieu, qui mangent à leurs tables, bénissent leurs maisons, voitures et mariages ou encouragent un troisième ou un quatrième mandat ? Ceux-là ne font-ils pas de la politique ? Ne sont-ils pas blâmables ?
Je serais curieux de connaître la réaction du Vatican à la prise de position des trois évêques camerounais (sur notre photo le Saint-Père est resté muet : Le silence est d’or). En Côte d’Ivoire, pour avoir dit des choses vraies à l’occasion du 20e anniversaire de la mort d’Houphouët, Mgr Marcellin Kouadio fut muté par le Vatican de Yamoussoukro à Daloa, sans que les évêques de Côte d’Ivoire ne lèvent le petit doigt, comme s’il était interdit à un évêque de dire la vérité.
L’an dernier, lorsque le même Marcellin Kouadio exposa les tares, mensonges et crimes du régime Ouattara et qu’il fut copieusement insulté par les militants du RDR (parti politique d’Alassane Ouattara), il ne fut soutenu publiquement ni par les laïcs ni par les clercs, ce que je trouve honteux et indigne. Tout se passe comme si être chrétien dans nos pays se limitait à porter le pagne catholique, à avoir de belles messes, à prier, à jeûner, à bâtir grottes, presbytères et églises, à faire des retraites, etc.
Pourquoi Jésus dont nous nous réclamons, a-t-il été tué ? Passa-t-il son temps à construire des bâtiments ou à racketter les foules à travers des quêtes multiples ?
Je soutiens totalement les 3 évêques camerounais qui se sont dressés contre le régime de Biya et je souhaite que d’autres leur emboîtent le pas le plus tôt possible. Car la foi n’est pas un business mais un engagement qui peut vous coûter la vie.
Jean-Claude Djéréké
est professeur de littérature à l’Université de Temple (Etats-Unis).