Contre toute attente, le président, Faustin-Archange Touadéra, a décidé d’organiser un référendum, le 30 juillet, pour proposer une nouvelle constitution dont la particularité est de porter le mandat de 5 à 7 ans et de permettre au président de se représenter de façon illimitée tant que les Centrafricains lui apporteraient leur soutien. Inutile de dire que toute l’opposition est vent debout contre cette réforme. D’où la manifestation de ce vendredi, 14 juillet, qui par ailleurs, était interdite mais que les manifestants ont tout simplement bravée.
A Bangui, on commence à retenir son souffle le pays pouvant basculer dans un cycle de violence. La manifestation du 14 juillet pour dire Non à la réforme constitutionnelle ayant été formellement interdite par le pouvoir, cette interdiction n’a fait reculer personne dans l’opposition et la société civile. En effet, le 13 juillet, le porte parole du BRDC (Bloc républicain pour la défense de la constitution), Martin Ziguélé, lui-même, président du MLPC (Mouvement de libération du peuple centrafricain), l’un des partis les plus importants du pays, dans un communiqué qui nous est parvenu à Afrique Education, n’avait pas hésité à monter au créneau : « Dans le cadre de sa marche pacifique du 14 juillet 2023, suivie du meeting, le BRDC a régulièrement saisi les autorités de notre pays et la MINUSCA pour solliciter l’encadrement de ces manifestations. C’est avec indignation qu’en guise de réponse, nous avons pris connaissance du communiqué officiel du ministre de la Défense, Monsieur Claude Rameaux Bireau, assurant l’intérim du Ministre de l’Intérieur, et dont les termes sont incendiaires, inutilement, agressifs et outrageants. En effet, la protection des civils, et des acteurs politiques, fait partie du mandat de la MINUSCA et c’est certainement à ce titre qu’elle a eu à protéger la marche non autorisée du MCU (Mouvement cœurs unis) et de ses alliés en fin juin 2023, ainsi que plusieurs autres de ce parti au pouvoir par le passé ». Et de conclure : « Le BRDC prend à témoin le peuple centrafricain, et la communauté internationale de ce qui adviendra avant, pendant et après les manifestations pacifiques du 14 juillet 2023 ».
La réaction du ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique par intérim ne s’est pas faite attendre. Dans un communiqué « large diffusion », il dénonce ce même 13 juillet : « Il m’a été donné de constater que les responsables des partis et associations politiques réunis au sein du BRDC ont distillé des tracts dans les quartiers de Bangui projetant ainsi de mener une manifestation publique (Marche) le vendredi 14 juillet 2023 sur les voies publiques. Je tiens à rappeler que l’arrêté N° 006 du 4 juillet 2022 portant suspension des Marches et manifestations sur les voies publiques sur l’ensemble du territoire demeure en vigueur. Compte tenu de la situation sécuritaire qui prévaut en raison du caractère subversif de l’initiative prise par le BRDC et autres, les activités projetées par le BRDC et autres sont formellement interdites jusqu’à nouvel ordre. A cet effet, je mets en garde les auteurs, complices et commanditaires d’éventuels troubles à l’ordre public que l’article 2 de cet arrêté s’appliquera, s’ils s’obstinent dans leur manœuvre déstabilisatrice ». Et de décider : « Pour des raisons évidentes, le procureur de la République, les directeurs généraux de police, de la gendarmerie et des opérations sont tenus chacun en ce qui le concerne de faire mettre au pas tous les contrevenants qui n’observeront pas la réglémentation en vigueur. La force reste à la loi » (fin du communiqué).
Ce discours du gouvernement est resté lettre morte. Pire, il a compté pour du beurre. Et de mémoire de Centrafricain, on avait rarement vu marée humaine participant à une manifestation publique comme celle de ce 14 juillet, à Bangui. En effet, la Place des Martyrs était noire de monde au point où le succès de la manifestation a dépassé les prévisions les plus optimistes. Tous les chefs et grands leaders de l’opposition y ont pris part, sans aucune peur. On a vu tour à tour, Martin Ziguélé, Me Nicolas Tiangaye, Mahamat Kamoun, Anicet-Georges Dologuélé, et tous les autres leaders de l’opposition sans aucune exception.
Les opposants parlent d’une affaire de vie ou de mort politique car l’actuel projet de constitution écarterait certains d’entre eux de la course présidentielle, outre le principe de centrafricanité qui risque de provoquer des ravages (comme hier en Côte d’Ivoire) alors que les frontières du Centrafrique, fruit du charcutage des colons, ne tiennent aucunément compte des réalités sociologiques et ethniques des différentes communautés. Cette constitution serait-elle d’inspiration russe (selon certaines indiscréditions), la traduction mot à mot de russe à français, ayant fait ressortir des incongruités contraires aux valeurs centrafricaines ?
D’autre part, le mandat présidentiel passerait de 5 à 7 ans et on pourrait se présenter de façon illimitée à la fonction supprême. Sauf, si on est victime d’un coup d’état militaire ou d’une rébellion armée. Bref, la nouvelle constitution permet de mourir au pouvoir après y avoir passé de longues décennies.
L’exemple venant du Sénégal où le président, Macky Sall, a reculé (avec sagesse) pour préserver la paix sociale, ainsi que, des vies humaines et les biens, il n’y a pas de raison qu’à Bangui, on soit inconséquent sauf s’il faut désesépérer de l’opposition et de la société civile. N’est-il pas écrit quelque part : « Aide toi et le ciel t’aidera » ? Si les Centrafricains échouent là où ont réussi les Sénégalais, ils n’auront qu’à s’en prendre à eux-mêmes.