La communication dans les pays occidentaux est différente de celle dans les pays du tiers-monde. On le voit, tous les jours, avec le traitement des faits de guerre Russie-Ukraine, qui sont très favorables pour Kiev dans les pays membres de l’OTAN, et totalement différents dans les autres pays du monde. Le putsch perpétré au Niger n’échappe pas à cette logique. La France et les Etats-Unis qui auraient beaucoup à perdre de l’éviction de leur poulain, Mohamed Bazoum, continuent d’affirmer que rien n’est joué et que ce dernier garde ses chances pour retrouver son fauteuil. Pourtant les choses sont totalement pliées au Niger.
Sans être dans le secret des dieux, le CNSP (Conseil national pour la sauvegarde de la patrie) se porte bien. Après avoir obtenu l’adhésion consensuelle de toute l’armée, de la gendarmerie et de la police à la cause des putschistes de la Garde présidentielle, on s’active, désormais, à pourvoir les postes au sein du futur gouvernement et de son organe directeur, le CNSP. Le principe est simple : « L’homme (ou la femme) qu’il faut à la place qu’il faut ». Le gouvernement ne se retrouvera pas avec 200 ministres, loin de là, mais les officiers supérieurs et les hauts gradés, comme au Mali, pourront être nommés en province, dans les sociétés et organismes étatiques, et dans les unités décentralisés des états majors. Le principe, c’est l’unité et le consensus : ne mécontenter personne. Cela prend forcément du temps. Mais, selon une source, les nominations devraient sortir avant la tenue du Sommet extraordinaire de la CEDEAO, à Abuja, prévu au plus tard, lundi.
Seul point positif : l’émissaire de Bola Tinubu (qui lui-même a peur d’effectuer le déplacement de Niamey en personne et préfère donner les ordres depuis Abuja), pourrait être le président béninois, Patrice Talon, mais on parle aussi, de son homologue bissau-guinéen, Umaru Cissoco Embalo, qui est aussi général dans l’armée de son pays. La CEDEAO établirait, ainsi, un contact officiel avec le CNSP. Autant dire que Mohamed Bazoum fait, désormais, partie de l’histoire du Niger. On comprend le forcing actuel des autorités françaises de vouloir le maintenir en place, mais, plus elles insistent en disant que son retour est encore jouable, plus elles compliquent la situation de la France au Niger où elle devrait faire profil bas, au regard de son (mauvais) passé et de ses intérêts.
Les dignitaires du PNDS, le parti de Bazoum, avaient essayé, hier, de tenir une réunion au siège du parti pour apporter leur soutien au président déchu. Cette situation a entraîné une violence qui a abouti au saccage dudit siège et à l’incendie de plusieurs véhicules supposés appartenir aux dignitaires du régime. De manière générale, le coup d’état de l’armée est, désormais, salué à l’intérieur du pays. La société civile et une partie de l’opposition l’ont, également, rallié.
Mohamed Bazoum refuse de signer le texte de sa démission parce qu’il aurait l’espoir d’un changement en sa faveur. Du moins, le lui laisse-t-on entendre. Mais, son refus peut coûter cher en biens et vies humaines. Il faudrait qu’on lui fasse comprendre qu’il ne reviendra plus au pouvoir et qu’une nouvelle page est en train de s’ouvrir au Niger.
Son prédécesseur, Ingénieur, Mahamadou Issoufou, n’était certainement pas un saint. Mais, il faudra se poser la question de savoir comment lui a pu diriger, sans dommage, le Niger, pendant deux mandats de cinq ans, et transmettre démocratiquement le pouvoir à ce successeur appelé Bazoum qu’il avait lui-même désigné, et qui a gagné l’élection présidentielle, haut la main, pour se retrouver deux ans après, victime d’un coup d’état militaire ? L’Afrique a des problèmes parce que les Africains refusent, souvent, de se poser les bonnes questions. Les réponses à celles-ci pouvant les mettre en difficulté. C’est le cas actuellement au Niger. Dans cette résidence où il est enfermé de force depuis quelques jours, Mohamed Bazoum, lui-même, sait ce qu’il a fait de mal, ce qui lui est reproché, pour être dans cette fâcheuse situation.