La liberté internationale d’investir, de la finance, du commerce s’oppose à la liberté de l’autonomie locale, de la relocalisation et la création de normes sociales et environnementales internationales et nationales. Relocaliser l’économie peut générer un nationalisme économique égoïste, prenant parfois la forme d’un protectionnisme déguisé ou excessif, au détriment des pays en développement (PED). Or, il est possible d’éviter cet écueil grâce à la mise en œuvre d’un système de préférence généralisé (SPG) fortement incitatif.
Rappelons succinctement, l’histoire des accords commerciaux internationaux qui ont exercé une action constructive ou nuisible vis à vis des normes sociales et environnementales. En 1998, afin de favoriser la libéralisation des investissements, l’OCDE a tenté de faire signer par ses membres l’Accord multinational sur l’investissement (AMI). Les accords de partenariats économiques (APE) entre les pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) et l’Europe Afrique ont été signés en 2009. En 2013, fut créé le Grand marché transatlantique (GMT ou TAFTA) sous l’impulsion du Transatlantic Business Council Dialogue (TABD), de l’European Round Table of Industrialists (l’ERT) et de l’US Business Round Table (BRT). Ils sont parvenus à lancer à la Commission européenne, des négociations officielles. Le TAFTA vise à libéraliser le commerce entre les USA et l’Europe. Ce qui aboutira à la privatisation de l’ensemble des services publics (santé, éducation…) au profit des transnationales. Mais aussi, à une disparition à terme des normes sociales, telles que le SMIC et des normes sanitaires, considérées comme des obstacles techniques au commerce libre et non faussé ! Les négociations ont été interrompues grâce à la pression des mouvements sociaux, mais, continuent avec le Canada et l’Afrique. Le TAFTA, les APE relèvent de la normalisation internationale, au même titre que les normes sociales internationales.
Les clauses sociales visaient à réguler le système commercial international concernant les normes fondamentales du travail. Il n’existe actuellement aucun organisme international disposant de la capacité de sanctionner les infractions aux normes sociales et en particulier aux normes fondamentales du travail par une transnationale. Afin de renforcer la mise en œuvre des normes environnementales et sociales (droit de l’homme, droit du travail), l’idée d’une clause sociale a émergé progressivement et a été envisagée en particulier au sein des organisations internationales publiques. Des clauses sociales ont tenté d’être mises en œuvre dans les activités bilatérales ou multilatérales, telle que l’OMC, dans le SPG (système de préférence généralisée) européen ou au sein de l’ALENA. Les clauses sociales sont liées aux relations commerciales. Elles visent à garantir que les produits importés ont été fabriqués en respectant les normes sociales les plus fondamentales. En cas d’infraction, le pays ou le secteur du pays s’expose à des taxes douanières plus élevées sur les produits importés de pays où ces normes ne sont pas appliquées durant leur fabrication.
Au plan international, il y eut deux tentatives principales pour mettre en œuvre une clause sociale, liée au commerce international qui portaient sur des droits fondamentaux des travailleurs. Il y eut le huitième Round1 des accords du GATT (l’ancêtre de l’OMC) signé à Marrakech, le 15 avril 1994, par les représentants des gouvernements, et le lancement du Millénium Round à Seattle en 1999. Mais, ils ont abouti à des échecs. Car une majorité de pays à bas salaires (telle l’Inde) s’y opposa vigoureusement et les clauses sociales furent ajournées. Ainsi, en 1995, l’OIT, par la voix de son directeur, abandonna cette solution, devant la levée de bouclier des pays à bas salaires.
Une nouvelle tentative fut entreprise, au Sommet de l’OMC, à Seattle, en 1999, elle-même, soldée par un échec et sensiblement pour les mêmes raisons. La déception, face aux échecs de la mise en œuvre des clauses sociales a été proportionnelle à l’espoir qu’elle avait suscité. De nombreuses ONG se sont alors lancées dans la promotion des codes de conduite afin de prolonger au moins localement la mise en œuvre des normes sociales.
En effet, les systèmes de sanctions sont généralement peu appréciés des pouvoirs publics importateurs et encore moins des importateurs, qui redoutent de limiter leurs échanges commerciaux. Cependant, si nous examinons plus en détail les motivations des différents acteurs, nous pouvons observer des positions inverses. Certains préférant la sanction, afin d’obtenir un instrument efficace pour améliorer les conditions de travail, tandis que d’autres y voient surtout une opportunité de se protéger de la concurrence des pays à bas salaires. Pour ces derniers, la clause sociale s’avère en fait une mesure de protectionnisme déguisé en faveur des pays les plus riches. Les gouvernements des pays à bas salaires (l’Inde, la Chine, le Brésil en tête) sont donc suspicieux vis-à-vis de la volonté réelle des pays plus industrialisés d’améliorer les conditions de travail par le biais des clauses sociales et peut-être même des codes de conduite. Ainsi, ces deux instruments pourraient être un moyen de diminuer l’avantage comparatif relatif aux bas salaires à bas salaires. Selon les gouvernements des pays à bas salaires, un signe de la bonne volonté réelle des gouvernements des pays plus industrialisés consisterait par exemple, à créer des règles plus équitables à l’OMC, à annuler la dette que ces pays ont déjà remboursée parfois plusieurs fois du fait des intérêts, qui accroissent sans arrêt le montant de la dette initiale. Or, actuellement, rien de significatif ne se dessine.
Pour mettre en œuvre une relocalisation éco-solidaire, cela peut s’organiser en inscrivant l’ensemble des négociations nécessaires dans le cadre général des règles de l’OMC. L’OMC est peut être le bon cadre, car une grande part de la gouvernance néolibérale s’y décide, cependant, il est difficile d’en changer, les règles car les acteurs sont nombreux et les rapports de force souvent en faveur des grandes puissances.
La quête d’autonomie peut être solidaire ou non. La relocalisation écolo-solidaire diffère du protectionnisme nationaliste égoïste. Pour mettre en œuvre une relocalisation éco-solidaire, cela peut s’organiser en inscrivant l’ensemble des négociations nécessaires dans le cadre général des règles de l’OMC. L’OMC est peut être le bon cadre, car une grande part de la gouvernance néolibérale s’y décide, cependant, il est difficile d’en changer, les règles car les acteurs sont nombreux et les rapports de force souvent en faveur des grandes puissances.
Compte tenu du niveau de mise en œuvre des sept normes fondamentales du travail, on peut considérer que de nombreuses entreprises des pays les plus industrialisés risqueraient elles aussi de subir des sanctions commerciales à l’OMC, dans le cadre de clauses sociales. Le droit syndical, par exemple, s’avère loin d’être appliqué dans l’ensemble des entreprises des pays les plus industrialisés. Une représentation erronée de cette réalité aurait des conséquences importantes sur les relations commerciales internationales. En effet, les acteurs des pays plus industrialisés, qui défendaient surtout un protectionnisme déguisé, dans le cadre des clauses sociales et des codes de conduite, risquent de se retrouver pris à leur propre piège. Du moins, l’impact de telles mesures pourrait se révéler beaucoup moins lucratif que prévu et aussi plus complexe à évaluer. Cependant, les grandes puissances réussissent souvent à éviter de s’infliger à elles-mêmes ce qu’elles exigent des autres.
Les clauses sociales portent généralement sur l’ensemble des entreprises d’un secteur économique du pays souligne Horman2. Le danger de la clause sociale réside dans la sanction économique liée aux normes sociales, qui serait trop lourde ou injuste à infliger à tout un secteur ou à l’ensemble d’un pays, alors que le délit n’a été commis que par quelques entreprises. C’est pourquoi ces pénalités peuvent en effet être ciblées sur les transnationales et non pas sur l’ensemble d’un pays, d’une région ou d’un secteur. Si on peut craindre en effet que les pays à bas salaires aient des difficultés à supporter l’introduction de normes sociales, il est par contre peu probable qu’une entreprise transnationale ne dispose pas de la puissance économique suffisante pour rester compétitive, tout en appliquant les 7 normes fondamentales du travail. Le rapport de l’OCDE (1997) l’atteste du moins pour quatre d’entre elles.
Maurice Lauré a émis une autre proposition originale de clause sociale. « Il s’agirait d’opérer des prélèvements aux importations en faisant jouer une combinaison des indicateurs de l’OIT et du PNUE et éventuellement du PNUD, mais de reverser les sommes ainsi dégagées, soit, au pays de départ selon de strictes conditions d’utilisation à des fins sociales, environnementales et éducatives, soit, à des organisations internationales et/ou régionales qui les utiliseraient dans le pays concerné selon les mêmes critères. Ces prélèvements seraient variables entre pays ou ensemble, en fonction de leurs «notes » respectives fixées par les indicateurs (…). L’application mécanique des critères quantitatifs de prélèvements devrait être complétée par des préférences fiscales accordées aux initiatives qualitatives telles que les diverses formes de commerce équitable »3. Cette proposition relève plus d’un système de clause sociale et elle court donc le risque de générer du protectionnisme déguisé en faveur des pays les plus riches. Mais, pour limiter ce problème, ce système de clause sociale vise donc à reverser la pénalisation par la taxe, en la reversant sur un secteur du pays concerné par la clause sociale. Cependant, cette proposition, n’a jamais été appliquée. De plus, elle s’avère plus dangereuse pour les pays à bas salaires que les différents systèmes de SPG.
Les systèmes de préférence généralisée (SPG) fortement incitatif permettrait un véritable commerce éthique et équitable. Pour éviter les écueils de la clause sociale liés à des stratégies parfois contradictoires, les pouvoirs publics nationaux et les organisations internationales publiques ont donc préféré jusqu’à présent des mesures incitatives notamment des SPG (systèmes de préférence généralisée). Ils consistent à abaisser les droits de douane pour les pays qui respectent les normes fondamentales du travail.
Un SPG a été créé par l’Union européenne en 1971. En 1975, dans le cadre des Accords de Lomé, avec les pays ACP (Afrique, Caraïbe, Pacifique), ainsi qu’avec quelques autres pays de l’Est notamment. Ce SPG spécifique aux Accords de Lomé accordait la possibilité d’importer à taux zéro ou à des tarifs préférentiels les produits industriels finis et semi-finis originaires des pays à bas salaires sans réciprocité obligatoire.
«Si les préambules des troisième et quatrième Conventions de Lomé signés en 1986 et 1989, mentionnent bien le respect des droits de l’homme, il n’établit cependant aucun mécanisme de contrôle et de surveillance » (Horman, 1997 : 10).
Dans le cadre de l’Union européenne, les droits préférentiels sont de deux types : le système de préférences généralisées depuis 1971 et les droits préférentiels négociés dans les traités bilatéraux de libre-échange, tels les APE (les Accords de partenariat économique avec les ACP/Afrique, Caraïbes, Pacifique). Depuis, 2014 et jusqu’en 2024 : « L’UE propose 3 régimes différents dans le cadre du SPG :
a) Le régime général : Il concerne 176 pays et couvre 6.300 lignes tarifaires qui bénéficient, lors de leur importation sur le territoire de l’UE, soit de droits réduits, soit d’une franchise de droits.
b) Le régime “SPG+” : Il vise les pays les plus vulnérables qui ont ratifié et effectivement mis en oeuvre des conventions essentielles dans le domaine des droits du travail, des droits de l’homme, de l’environnement et de la bonne gouvernance.
c) Le régime “PMA” : Il prévoit l’accès en franchise de droits pour tous les produits, à l’exception des armes et munitions, des 50 pays les moins développés. Toutefois, la libéralisation des importations de riz et de sucre est toujours en cours »4.
Parallèlement au système du SPG avec ses trois sous-types de SPG, on relève le système «des droits préférentiels négociés dans les traités bilatéraux de libre-échange (ALE) hors APE, comme ceux conclus avec la Colombie et le Pérou en décembre 2012, ainsi que, le même mois avec 6 pays non ACP d’Amérique centrale. Comme pour le SPG+, les produits non sensibles pour l’UE y entrent à droits de douane nuls. Mais ce régime est plus avantageux que le SPG+, car les critères qui le définissent ne s’y appliquent pas. On doit souligner la contradiction morale entre le fait de conditionner l’octroi du régime SPG+ au respect des droits de l’homme alors que les ALE conclus par l’UE ne posent aucune contrainte de ce type, attestant du postulat que le libre-échange conduit ipso facto à leur respect ou, plus réellement, que l’UE s’en moque puisqu’elle gagne des parts de marché ! Qu’importe que le Honduras ait le taux d’homicides le plus élevé du monde et que 115 paysans y aient été assassinés et 3.050 persécutés de 2010 à 2012– dont Rafaele Alegría, ancien président de la Via Campesina – pour la défense des droits à la terre, puisque sa participation à l’ALE conclue avec l’UE en décembre 2012 avec l’Amérique centrale permet à ce pays d’y exporter à droits nuls tous ses produits (sauf les produits sensibles de l’UE soumis à des quotas tarifaires) » conclut Jacques Berthelot5.
Au sujet du SPG de l’Union européenne, François Nizery représentant de la DG I B (Relations extérieures) de la Commission européenne tire le bilan du précédent système de SPG entre 1971 et 1999, en déclarant que « le résultat en matière de SPG est de zéro ! (…). Il n’y a pas de pays actuellement à part la Moldavie qui nous ait demandé l’application de cette clause sociale incitative. Le jour où j’aurai une demande de l’Inde, du Pakistan (…) là, il y aura un résultat intéressant »6. Svetlana Pogodina en tire un bilan un peu moins calamiteux en 2008. « Le SPG système apporte certes un bien être accru à certains pays les moins avancés, cependant, les importations restent encore relativement limitées au titre du programme. Les gains potentiels (400 millions de dollars) pour les 50 Etats concernés sont très limités pour une telle initiative. De plus, une grande partie de ces gains vient de produits sensibles (notamment le sucre) qui ne sont pas encore réellement libéralisés. Il s’agit donc d’une minorité de produits, qui ne vont probablement concerner qu’une minorité de pays. L’initiative européenne paraît donc louable, cependant lorsqu’on s’y attache de plus près, elle reste très limitée et représente un investissement quasi nul pour la communauté européenne. Les préférences tarifaires ne semblent donc pas vraiment jouer le rôle qui leur avait été assigné dans les années 1960. En effet, plus les barrières à l’échange diminuent entre les Etats membres de l’OMC, plus les Etats bénéficiant du SPG voient leurs préférences diminuer7.
Le nouveau système de SPG de l’UE, instauré depuis, 2014 sera-t-il plus efficient ? En 2016, cette fois, 49 pays étaient impliqués avec 62,6 Mds€ de marchandises qui ont été exportées vers l’UE, sous SPG, tous régimes confondus8. Cependant, il n’est pas aisé d’évaluer l’intérêt réel pour ces pays et surtout le niveau d’incitation qu’il opère en matière sociale et environnementale. De plus, actuellement, la priorité de l’UE relève plutôt des accords de libre échange bilatéraux, avec les pays les plus pauvres, tels les APE.
Si les résultats s’avèrent peu probants à l’UE, ils paraissaient plus prometteurs dans l’ancien SPG instauré entre les Etats-Unis et le Vietnam notamment, jusqu’en 2005, même si seulement 1,6 % des importations des Etats-Unis étaient concernées par ce système. A partir de 1985, les Etats-Unis ont développé deux programmes commerciaux qui attribuent un système de facilités tarifaires aux pays partenaires. Il s’agit du SPG et du CBI (l’Initiative pour le Bassin des Caraïbes). « Cela a consisté à donner aux pays les plus pauvres la possibilité d’exporter aux Etats-Unis sans payer les droits de douane” qui sont payés par la majorité des exportateurs »9. « Selon ce système, n’importe quel groupe (pas seulement américain) peut demander formellement au gouvernement américain une enquête sur la situation des travailleurs d’un pays donné (…). De 1985 à 1995 sur 101 demandes d’enquête, 12 se sont conclues par la suspension des préférences »10. Ainsi, de nombreuses améliorations des conditions de travail ont pu être observées notamment au Salvador, en Indonésie selon Harvey, Directeur de l’ONG International Labor Rights Fund aux Etats Unis11. Un SPG a été ensuite instauré entre les Etats-Unis et le Vietnam notamment, jusqu’en 2005.
Un SPG fortement incitatif peut s’avérer efficace. Si des résultats plus importants ont été obtenus dans le SPG états-unien par rapport au SPG européen, nous pouvons faire l’hypothèse que l’incitation économique était plus forte. Plus l’incitation s’avère forte, plus elle peut compenser les pertes éventuelles liées à l’application des normes sociales. A la différence d’un système de clauses sociales classiques sanctionnant les infractions et risquant de développer un protectionnisme déguisé en faveur des pays les plus riches. Le SPG des Etats-Unis évitait donc cette dernière dérive. Car, en cas de non-respect des normes sociales, les pays à bas salaire perdaient seulement leurs avantages (exonération des droits de douane) et ne subissaient alors que des taxes à l’importation équivalentes aux pays les plus industrialisés (PPI). Tandis que, dans un système de clause sociale fondé sur la sanction, les pays à bas salaires auraient subi une situation concurrentielle défavorable par rapport aux pays les plus industrialisés. Par conséquent, même si c’est loin d’être suffisant, la mise en œuvre d’un SPG fortement incitatif au plan international paraît être le dispositif le plus efficace parmi les propositions émises pour mettre en œuvre les normes fondamentales du travail et aussi des normes environnementales.
Les SPG excluent les pays les plus riches, qui ne peuvent en bénéficier. Sans ce système, étant donné que la majorité d’entre eux appliquent plus les normes fondamentales du travail, ils verraient leurs droits de douane baisser plus que ceux des pays à bas salaires. Ce serait donc une nouvelle forme de protectionnisme déguisé en faveur des pays les plus riches, telles que le furent la plupart des propositions de clause sociale. Cependant, en matière environnementale, les pays les plus riches ne parviendraient pas à respecter les normes requises. Une dizaine de normes environnementales sont mentionnées dans le SPG de l’UE et en particulier, celle du « protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques » de 199812. Or, en matière d’émission de CO2, les pays les plus riches polluent beaucoup plus que les pays à bas salaires et ne respectent pas leurs engagements. Par conséquent, si les pays les plus riches disposaient du droit d’intégrer aux aussi le SPG, ils ne pourraient pas bénéficier des allègements de taxe.
Il y a plusieurs critères possibles qui peuvent être combinés concernant les modes de relocalisation ou de souverainisme. Ainsi, la relocalisation de la production peut avoir pour but :
De consommer plus localement ou nationalement :
Pour préserver l’environnement,
Pour favoriser l’emploi local,
Mais au risque de nuire à l’emploi des PED (pays en développement).
Pour une autonomie économique et donc démocratique,
Mais au risque de manquer de solidarité internationale.
D’exporter dans un but concurrentiel ou solidaire vis-à-vis des PED,
Mais en important ce qui ne peut pas être produit localement, (tel le café),
A un prix équitable,
A un prix non équitable (exploitation néocoloniale).
Sans protectionnisme au risque de subir la concurrence internationale,
Avec protectionnisme de type :
Clause sociale (avec risque de desservir les PED)
SPG (afin d’aider les PED).
Il existe 4 formes principales de relocalisation avec ou sans protectionnisme. C’est-à-dire, 2 formes de relocalisation éco-solidaire et 2 formes de relocalisation non solidaires. Nous venons de présenter auparavant l’axe de l’autonomie avec ces deux pôles opposés : l’autonomie solidaire et non solidaire. A présent, nous y ajoutons la dimension du protectionnisme faible ou fort. Nous pouvons distinguer deux axes principaux : une relocalisation de la production (nationale – internationale) et un protectionnisme (fort ou faible). La relocalisation peut avoir pour but l’emploi local (ou national), la préservation de l’écologie (en diminuant notamment l’empreinte carbone), ou l’autonomie économique et politique. Ce qui aboutit à 4 principales orientations en matière de relocalisation de la production :
1) Une relocalisation protectionniste et non solidaire (de droite). C’est-à-dire, la priorité sur la production nationale,
mais avec des barrières protectionnistes, en usant d’une clause sociale, au détriment de l’emploi dans le PED.
En continuant néanmoins une exportation vers les autres nations, telle que le pratiquent les Etats-Unis dans de nombreux secteurs.
Et poursuivant l’importation de produits indispensables de manière néocolonialiste (c’est-à-dire en exploitant les PED). Cette politique économique n’est donc ni solidaire, ni très écologique, elle relève d’une politique de relocalisation de droite forte.
2) La relocalisation peu protectionniste non solidaire (de droite modérée) : c’est une relocalisation de la production nationale (par exemple pour des raisons écologiques ou d’emplois, ou même de rentabilité liée aux coûts de transport), mais, sans barrière protectionniste et sans système de solidarité internationale, c’est-à-dire, sans l’obligation de prix équitables, pour les rares produits importés ne pouvant être produits sur place. Il s’agit d’une relocalisation qui relèverait de la droite modérée, mais qu’on n’observe pas véritablement dans la réalité concrète. C’est donc surtout une possibilité théorique.
3) La relocalisation éco-solidaire sans protectionnisme. Il s’agit d’éviter de nuire à l’emploi des PED (pays à bas salaires), mais au risque de subir la concurrence internationale et donc de ne pas parvenir à rester compétitif concernant la production nationale et donc ne pouvoir tenir cette relocalisation à long terme. Cela semble donc une voie assez angélique et peu tenable.
4) La relocalisation éco-solidaire avec un protectionnisme ciblé : c’est-à-dire fondé sur un SPG permettant aux pays en développement les plus faibles de continuer à exporter en partie leur production, afin de ne pas nuire à leur emploi. Par contre, les pays industrialisés sont contraints à relocaliser leur production. Il s’agit donc d’une politique sociale plus réaliste et pragmatique.
A l’inverse, de ces politiques de relocalisation, il y a deux grandes politiques économiques globalistes : l’internationalisme de gauche et le mondialisme de droite (autoritaire ou libéral). Dans le cadre de ce dernier, la politique commerciale mondiale défendue par l’OMC prône une production internationale sans protectionnisme, dans le cadre de la politique néolibérale mondialisée. C’est donc au détriment de l’écologie et des pays les plus fragiles économiquement. Tandis que les politiques internationalistes sociales défendent des échanges économiques entre nations, mais au détriment de l’écologie et de l’autonomie économique et politique.
Au plan économique, la relation entre l’intérieur et l’extérieur différencie aussi les protectionnismes économiques de droite et de gauche. Le paradoxe du souverainisme de droite c’est qu’il prône l’ordre protecteur économique vis à vis de l’extérieur de son territoire (national, continental, régional…), via une politique protectionniste. Mais, en même temps, il défend la liberté socio-économique à l’intérieur de son territoire, c’est à dire, les inégalités socio-économiques. Précisons, qu’au plan économique, le souverainiste de droite relève du capitalisme, donc, de la propriété privée des moyens de production régulée par le libre marché.
A la différence du souverainisme socio-économique égalitariste qui peut prendre la forme d’Etats souverainistes communistes ou socialistes, de fédéralismes communistes, socialistes ou éco-socialistes. Ces trois derniers se caractérisent par un gouvernement démocratique fédéraliste, qui mène une politique économique égalitariste à l’intérieur du territoire et aussi à l’extérieur. Cette dernière peut prendre la forme d’un système de préférences généralisées (SPG) voté démocratiquement dans le cadre d’une fédération internationale des nations. A l’intérieur du territoire, il y aura un équilibre entre une régulation démocratique du marché et planification démocratique de l’économie, donc, entre la liberté et l’ordre économique.
Quant au souverainisme communiste (d’Etat ou dans une fédération communiste), il prône un ordre égalitaire économique à l’extérieur (par le protectionnisme) et aussi un ordre égalitaire économique à l’intérieur (par la planification).
La préservation des biens communs, la relocalisation éco-solidaire et la décroissance solidaire de la consommation des ressources non renouvelables supposent une régulation publique internationale démocratique fondée sur la subsidiarité. Mais, la mondialisation néolibérale développe au contraire une centralisation des instances de régulation dans le cadre du développement progressif d’une forme de gouvernement mondial libéral sous la direction des organisations internationales, telles l’OMC, la Banque Mondiale, le FMI ou le Conseil de Sécurité. Cette mondialisation libérale s’oppose donc à la relocalisation qu’elle soit sociale ou d’extrême droite. Cette dernière relève quant à elle d’une relocalisation non sociale et non sélective qui s’inscrit dans une politique autarcique, relativement égoïste. Parfois, elle affirme son autonomie et sa souveraineté économique concernant les importations, mais, perpétue pourtant une politique néocoloniale vis-à-vis du Sud, en exploitant leurs ressources.
Par Dr Thierry Brugvin,
Sociologue, Chargé de Conférence à l’Université de Besançon (France)
Auteur de l’ouvrage « Commerce équitable et Ethique », Ed. L’Harmattan.
Notes :
1) DEMBINSKI Paul, “Effets de l’Uruguay Round sur les Pays à bas salaires”, Wirtschaft, Swiss, septembre 1995.
2) HORMAN Denis, Mondialisation et droits sociaux, La clause sociale en débat, GRESEA, Bruxelles, 1997.
3) Lauré Maurice, « Rapport sur le chômage », La Jaune et la Rouge, octobre 1994, cité par Cassen Bernard, Inventer ensemble un «protectionnisme altruiste », Le monde diplomatique, Paris, février 2000.
4) GLOSSAIRE INTERNATIONAL, https://www.glossaire-international.com/pages/tous-les-termes/systeme-de….
5) BERTHELOT Jacques, Les aspects tarifaires agricoles du TAFTA et de l’APE Afrique de l’Ouest, Attac, 15 septembre 2014, https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-4-ete-201….
6) NIZERY François, représentant de la DG I B (Relations extérieures) de la Commission Européenne , Le Commerce Ethique, Pour une mondialisation du progrès social, Actes du Colloque, 20 mai 1999, p. 67.
7) POGODINA Svetlana, FLAGEUL Aude, Le système des préférences généralisées, 2008, http://www.thomas-orliac.net/enseignement/cours2008/conf/expose/14%20mai….
8) DIRECTION GENERALE DU TRESOR, Le système de préférences généralisées, 14 février 2018, https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2018/02/14/le-systeme-de-pr…
9) HARVEY P.J. “Le système de préférence généralisé des Etats Unis”, in Cetim, 1996, p 74.
10) CETIM, CENTRO NUOVO MODELLO DI SVILUPPO,Sud Nord, Nouvelles alliance pour la dignité du travail, Cetim, Genève, 1996, p. 54.
11) HARVEY, 1996, p. 78.
12) PARLEMENT EUROPEEN, REGLEMENT (UE) N° 978/2012 DU PARLEMENT EUROPEEN ET DU CONSEIL du 25 octobre 2012, appliquant un schéma de préférences tarifaires généralisées et abrogeant le règlement (CE) no732/2008 du Conseil (mise en œuvre en 2014).