Après avoir indigné, en février dernier, en saluant l’initiative des Forces de soutien rapide (FSR), depuis Nairobi, de créer un gouvernement soudanais parallèle, le ministre kényan des Affaires étrangères, Musalia Mudavadi, a rétropédalé, deux mois s’étant écoulés depuis cette ingérence inédite dans la politique interne du Soudan. Dans un soutien aveugle apporté à son président, William Ruto, Musalia Mudavadi a commis une faute diplomatique lourde, préférant bafouer l’éthique.
Son changement de ton est intervenu lors d’un entretien téléphonique accordé à la BBC en marge d’une conférence organisée à Londres, à la mi-avril, sur la situation humanitaire au Soudan. Alors qu’affluent divers rapports attribuant le gros des atrocités perpétrées contre les populations soudanaises aux FSR, Musalia Mudavadi évoque aujourd’hui l’idée d’un seul Soudan pour les deux belligérants, al-Burhan et Hemedti. Il est vrai que la honte ne tue pas. Mais, quand même ! (sur notre photo, le président Abdel Fattah al-Burhan chez le président William Ruto à Nairobi en 2024).
S’étant lui-même discrédité, le diplomate kényan a certainement aussi fait preuve d’insincérité dans sa réfutation des accusations faites par Rigathi Gachagua contre William Ruto. En effet, l’ancien vice-président était sorti de sa réserve, fin février, en soutenant qu’Hemedti et le président kényan auraient scellé un accord de commercialisation illicite d’or. Et d’ajouter que seules des sanctions appliquées contre ce dernier permettraient de désarmer les FSR et de stopper le conflit.
En Afrique, on a bien envie de croire à ces allégations extrêmement graves de Gachagua contre son ancien patron, William Ruto. A force de le voir dans tous les mauvais coups depuis l’année dernière, il est difficile de ne pas entrevoir sa décadence prochaine. A ce sujet, une première mèche a été allumée par l’actuel vice-président soudanais, Malik Agar, via une lettre adressée aux parlementaires kényans leur demandant de restreindre les agissements de leur chef d’Etat.

Cette lettre n’est qu’une mise en garde des autorités de Khartoum, qui continuent de faire preuve de retenue dans leur colère contre Nairobi, car ne voulant pas voir les liens bilatéraux entre leur deux pays se dégrader davantage. Le retournement de veste de William Ruto, par la voix de Mudavadi, indique une prise de conscience de la part du controversé leader kényan, qui redoute le dépôt d’une plainte contre lui à l’ONU, comme cela fut le cas pour le président émirati.
Paul-Patrick Tédga
MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)