Cela fait plus d’une décennie que Denis Sassou Nguesso mène le processus de médiation de l’Union africaine pour la paix en Libye. Malgré sa torpeur légendaire, la plus haute instance du continent africain avait, à l’époque, estimé nécessaire de devoir s’impliquer directement dans la résolution de la crise libyenne. Mais dix ans après, on est toujours au point presque mort. Presque rien n’a bougé ? Les positions des belligérants sur le terrain sont toujours antagonistes. Que dire sinon que cette position a été avantageuse pour le prestige personnel du négociateur congolais et n’a pas avancé les Libyens à se relancer leur pays et encore moins l’Union africaine à se distinguer par rapport aux partenaires étrangers qui ont aussi leurs propres propositions de paix.
C’était quand même la moindre des choses à faire au regard du silence criminel dont elle s’était rendue coupable pendant la destruction, devant ses yeux, du pays du guide, Mu’ammar al Kadhafi, par l’OTAN (Alliance de l’Atlantique Nord). En se disant capable de réconcilier Mohammed el-Menfi et Khalifa Haftar (notre photo), le dirigeant congolais espérait blanchir son passé obscur de sanguinaire en celui d’un faiseur de paix.
Mais, le fait qu’il ait mis 13 ans avant de se rendre (personnellement) en Libye, lui, « l’homme de paix qui entend réconcilier les Libyens après avoir échoué de faire la paix chez lui au Congo entre les Congolais dont beaucoup sont en exil involontaire ou en prison à Brazzaville) témoigne soit de l’ignorance de la complexité de la mission pour laquelle il s’était porté volontaire, soit, de son désintérêt pour celle-ci. Par comparaison, Joao Lourenço a probablement effectué plus de visites en RD Congo et au Rwanda que partout ailleurs en Afrique, à cause du suivi du processus de Luanda. Cherchez donc l’erreur chez « l’homme de paix » !
Il est donc surprenant de constater, au travers de tout le cinéma auquel elle se livre, qu’il ait fallu autant de temps à Brazzaville pour songer à proposer aux deux responsables libyens la signature d’une Charte sur la réconciliation. Et de préciser que les autorités de Tripoli et de Benghazi y ont d’ores et déjà apporté des amendements que ni les unes ni les autres n’approuvent.
A cette allure, Denis Sassou Nguesso ne sera probablement plus à la tête de la République du Congo quand la médiation de l’UA aura réussi à faire asseoir les leaders libyens pour des discussions poussées. Toutefois, la perte de toutes ces années sera à mettre à son compte pour avoir, entre autres nombreuses erreurs de sa part, mandaté un individu (très) loin de faire l’unanimité parmi les siens. Une erreur de casting certes. Mais pas seulement !
Paul-Patrick Tédga
MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)