Alors que l’ancienne rébellion tutsi du M23 (Mouvement du 23 mars) est remontée en puissance récemment dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), le président, Félix Tshisekedi, a estimé, dimanche, 5 juin, à Oyo, dans le fief natal du président congolais, Denis Sassou-Nguesso, que le Rwanda soutenait ces rebelles. Pourquoi faire une telle déclaration au Congo-Brazzaville alors qu’il y a quelques jours, Félix Tshisekedi était à Luanda, chez le président, Joao Lourenço, qui préside le CIRGL (Conférence internationale sur la région des Grands Lacs). Le 31 mai, un sommet a, en effet, réuni les trois présidents dont Paul Kagame en visioconférence car n’ayant pas fait le déplacement de Luanda. De la même manière, lors de la réunion de haut niveau sur la sécurité dans la région Est de la RDC, tenue le 21 avril, à Nairobi, au cours de laquelle la question du M23 était évoquée dans le cadre de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Est (EAC), Paul Kagame avait, également, brillé par son absence. Alors que Félix Tshisekedi, le Kenyan, Uhuru Kenyatta, le Burundais, Evariste Ndayishimiye et l’Ougandais, Yoweri Museveni, étaient, physiquement, présents, le chef de l’Etat rwandais s’était fait représenter par son ministre des Affaires étrangères, Vincent Biruta. On peut donc conclure que dans ce dossier du M23, Paul Kagame a beaucoup à se reprocher. Voilà pourquoi il adopte une politique de fuite en avant. Il refuse d’assumer son soutien au M23 et redouterait une condamnation du Conseil de sécurité dans la mesure où la RDC a, formellement, saisi la présidente dudit Conseil, le 25 mai.
Félix Tshisekedi, affirme n’avoir « aucun doute » sur le soutien du Rwanda à une rébellion venue « agresser » son pays, tout en répétant son souhait d’entretenir des relations apaisées avec ses voisins (sur notre photo, Félix Tshisekedi effectue un court voyage le 5 juin à Oyo chez Denis Sassou Nguesso).
La nouvelle crise congolo-rwandaise, provoquée par la résurgence dans l’Est de la RDC de l’ancienne rébellion tutsie du M23, était au menu de discussions ce week-end entre Félix Tshisekedi et son homologue et voisin congolais, Denis Sassou Nguesso, dans son fief, à Oyo, à quelque 400 km au Nord de Brazzaville.
Le gouvernement de Kinshasa accuse le Rwanda de soutenir le M23, que de violents combats ont opposé fin mai à l’armée de la RDC. Kigali dément, mais en représailles, Kinshasa a suspendu les vols sur son territoire de la compagnie RwandAir et convoqué l’ambassadeur du Rwanda pour lui notifier une « mise en garde sévère ».
Le président Tshisekedi n’avait pas encore évoqué publiquement cette crise. « J’ai toujours soutenu qu’il fallait plutôt construire des ponts que construire des murs », a-t-il déclaré à la radio-télévision publique congolaise. « Malheureusement, aujourd’hui, nous en sommes là où nous sommes », a-t-il regretté.
« Le fait de vouloir la paix, la fraternité et la solidarité n’est pas une faiblesse », a-t-il affirmé. « Cela ne doit pas constituer une occasion pour des voisins de venir nous provoquer ».
« J’espère que le Rwanda a retenu cette leçon parce que, aujourd’hui, c’est clair, il n’y a pas de doute, le Rwanda a soutenu le M23 pour venir agresser la RDC », a poursuivi Félix Tshisekedi.
Le chef de l’Etat a rappelé que ces rebelles avaient été vaincus, « totalement défaits », en 2013, par l’armée rdcongolaise et « leur arsenal confisqué ». « Si aujourd’hui, ils ont repris du poil de la bête, ça veut dire qu’ils sont partis de quelque part, (ont été) armés par quelque part », a-t-il conclu.
Le président Sassou Nguesso s’est de son côté déclaré « confiant » quant à la résolution de cette crise. « Je pense que nous allons rapidement surmonter ces difficultés et ramener la paix à travers le dialogue », a-t-il déclaré.
Denis Sassou-Nguesso sait de quoi il parle. Il est aussi proche de Tshisekedi qu’il l’est de Kagame. A ce dernier qui venait d’effectuer, du 11 au 13 avril, une visite officielle au Congo-Brazzaville, il a mis à sa disposition, plusieurs milliers d’hectares de terrain pour son agriculture. Les relations sont donc très bonnes entre les deux hommes. Et comme le président Sassou a toujours adoré le rôle de médiateur comme dans le dossier libyen pour le compte de l’Union africaine, nul doute que c’est sans grande difficulté qu’il réconciliera ses deux homologues qui ne sont pas à leur première entorse.