Tout le premier trimestre a été envoyé en l’air : zéros cours magistraux, zéros travaux dirigés, zéros travaux pratiques, zéro présence dans les bibliothèques, zéro, zéro, zéro… Le très regretté capitaine-président, Marien Ngouabi, n’est pas fier, depuis son mausolée, de constater que son successeur (qui est d’ailleurs à l’origine de son assassinat), piétine la vénérable institution qui porte son nom : l’Université Marien Ngouabi de Brazzaville.
Car, il ne faut pas occulter les faits : le Congo-Brazzaville, à cause d’une mauvaise gestion congénitale de ses dirigeants, est le seul pays de la CEMAC, qui accumule des arriérés de salaires de ses fonctionnaires et autres sans commune mesure. Le problème est tellement grave que son dirigeant suprême, le généralissime, Denis Sassou-Nguesso, a préféré sécher le Sommet extraordinaire de la CEMAC convoqué à Yaoundé, le 16 décembre, pour examiner la très grave situation financière que traversent les six pays membres. Ayant choisi d’éviter les questions gênantes de ses homologues, il a préféré envoyer son premier ministre, Anatole Collinet Makosso, au feu, sachant qu’il ne pourrait que bénéficier des circonstances atténuantes car il n’est en rien responsable de la faillite du Congo-Brazzaville.
Seuls les ministres, députés, sénateurs et forces armées de défense et de sécurité perçoivent leurs salaires payés cash, en espèces sonnantes et trébuchantes (et non via les virements bancaires) à partir des deniers qui sortent droit d’Oyo. Et encore !!! Ce n’est pas régulier. Même à ce niveau, on entend les pleurs et grincements de dents. Il y a deux mois, le premier ministre des Finances de Sassou (après son coup d’état militaire d’octobre 1997), Mathias Dzon, lui a posé ouvertement la question de savoir ce qu’il avait fait des 14.000 milliards de F CFA qui étaient considérés comme le Fonds des générations futures logé, pensait-on, à la BEAC. Du jour au lendemain, cet argent a, mystérieusement, disparu et d’aucuns affirment qu’il aurait pris la direction de la Chine où le système opaque en place ne permet d’avoir aucune information sur cette somme. Denis Sassou-Nguesso refuse de s’en expliquer. Pourquoi. Lui seul le sait.
Il est donc normal que les étudiants, enseignants et personnels non enseignants de l’Université Marien Ngouabi se soient révoltés d’un tel brigandage à ciel ouvert en acceptant de sacrifier leur année académique pour tenter de se faire entendre.
Le pouvoir a-t-il réellement bougé ? Consent-il à octroyer le minimum que réclame cette vénérable institution ? Rien n’est moins sûr. Toujours est-il dit qu’après trois mois de grève paralysante, l’Université Marien Ngouabi de Brazzaville a retrouvé un semblant d’activité. Pour combien de temps ? Personne n’en sait rien, même pas Sassou-Nguesso, la dévaluation du F CFA (que Paul Biya a évité de justesse) continuant de pendre sur les six pays de la CEMAC à cause de la mauvaise gouvernance des dirigeants comme Sassou. Les enseignants, le personnel non-enseignant et les étudiants renouent, nous dit-on, avec les bancs de l’université, suite à des négociations fructueuses entre les syndicats et le gouvernement.
Cependant, la levée de ce mouvement social soulève des questions sur la pérennité des engagements pris et l’avenir des réformes universitaires au Congo.
La grève déclenchée le 27 septembre 2024 par le Collège intersyndical de l’université faisait suite à une accumulation de problèmes sociaux. Des arriérés de salaires et de bourses, des heures supplémentaires non payées depuis 2018 et un protocole d’accord dépassé, avaient plongé l’établissement dans une crise profonde. Et bien d’autres griefs encore. Les personnels débrayant comptaient alors près de trois mois (parfois plus) de salaires impayés.
Face à cette situation alarmante, la mobilisation syndicale, soutenue par des actions disciplinées et pacifiques, a contraint le gouvernement à agir.
A l’issue de longues négociations, le gouvernement a consenti au paiement de deux mois d’arriérés de salaires (sur plusieurs encore en attente), le règlement partiel des heures dues pour les vacataires et permanents, ainsi qu’à un engagement pour des paiements réguliers à l’avenir. Ces mesures, associées à un dialogue ouvert avec la ministre de l’Enseignement supérieur, Delphine Edith Emmanuel (notre photo), et le président de l’université, Gotran Ondzotto, ont conduit à la signature d’un relevé de conclusions qui symbolise une sortie de crise.
Cela dit, le calendrier académique est d’ores et déjà sous pression. La reprise des cours prévue le 30 décembre s’accompagne d’un défi majeur : réaménager le calendrier académique sans nuire à la qualité de l’enseignement. Ce réaménagement vise à éviter une année blanche et garantir un cursus conforme au système LMD (Licence-Master-Doctorat). Mais, l’année blanche est-elle encore évitable ? Parce qu’il est improbable que les salaires soient régulièrement payés alors que la situation financière du pays reste catastrophique à cause des détournements de fonds massifs des pontes du régime, tous proches de Sassou. Les premiers mois de l’année 2025 ne tarderont pas à nous situer.