Camouflage derrière une élection téléguidée d’un fils ou d’un neveu, organisation d’un faux complot « troublant l’ordre public », telles sont les deux hypothèses que nous avons déjà évoqués dans le cadre de notre série d’articles intitulée : « Sassou-Nguesso l’entêté devant 2016 ». Poursuivons notre traque du renard. Voyons ce qu’il peut, encore, imaginer afin de tenter de faire échec à la règle qui lui interdit de briguer, en 2016, un troisième septennat, à la tête de son pays, après ceux de 2002 et 2009, successivement assumés par lui. Au contraire des deux précédentes hypothèses, Afrique Education n° 416 du 1er au 15 juin et 417 du 16 au 30 juin), celle que nous abordons, maintenant, a, déjà, montré ses nervures. Oui, il s’agit de cette manœuvre qui consiste à impliquer, directement, et, solennellement, le peuple dans sa manœuvre, à lui faire porter la responsabilité de la reconduction du tyran à sa tête, en 2016. Pratique, déjà, utilisée après nos indépendances, au temps des régimes monopartites. Oui, la réduction du peuple à la servitude par le moyen d’urnes, elles- mêmes, sans liber té, a caractérisé la vie politique dans de nombreux pays d’Afrique peu après leur accession à l’indépendance. Une fois au pouvoir, des présidents s’y sont accrochés par des scrutins qui répètent la même voix, le même verdict. Cette période a disparu, remplacée au début de 2000 par celle dite du nombre limité des mandats : pas plus de deux successivement. Mais la règle nouvelle acceptée, tous les esprits ne se sont pas préparés à l’appliquer. Presque partout, on a rappelé les présidents en fin de leur deuxième mandat à se « conformer » à leur constitution et serment. Très peu d’entre eux ont considéré cette règle nouvelle comme un devoir, une fois que le carillon du départ a sonné à la porte.
Et Sassou à qui elle doit s’appliquer au Congo, en 2016 ? Quelles oreilles semble-t-il montrer ? Celles d’un respectueux de cette loi ? Celles d’un têtu ? D’un renard ? Va-t-il la juger comme Midas aux oreilles d’une âne traita jadis la lyre d’Apollon ? Nous avons, déjà, répondu à cette question en disant qu’il jouera au renard jusqu’au bout s’il trouve devant lui qui tromper, qui transformer en complice… Hélas, ce schéma est, déjà, en route : c’est son fameux projet d’un référendum devant 2016 ; c’est sa fameuse politique de consultation en son palais de tous ceux que les billets de banque peuvent facilement rendre semblables aux papillons tantôt cocon, tantôt, chenille, tantôt, voyageurs dans l’espace, l’espace de nuit comme de jour.
Sassou-Nguesso à la recherche de complices sur tout l’espace congolais
« Tous, soutenez-moi ! ». C’est le cri qu’il laisse, déjà, entendre au bout de sa fameuse menace : « Si la constitution m’empêche d’être candidat, en 2016, alors, il y aura débat, lequel débat pourra être tranché par voie de référendum ». Voilà résumé ce qu’il déclare, déjà, pour faire entendre qu’il ne partira pas « comme ça » en 2016.
1 – « Si la constitution m’empêche »… Il n’y a pas de « si ». Sa « constitutionnette » lui interdit de briguer un troisième mandat, en 2016, après en avoir consommés deux successivement. Et il n’y a pas bien sûr, lieu de parler de débat, en l’occurrence. Il sait quel texte il a promulgué en 2002 et quel serment il a prêté cette année-là, puis, en 2009 au début des deux longs septennats qu’il vient de passer, sans interruption, à la tête du pays.
2 – Non, il n’y a pas lieu de parler de « débat constitutionnel » devant 2016 concernant son départ. Le seul débat que suscite son texte est plus ancien que ses articles. C’est son existence et non le contenu de ses articles. Le seul débat devant lequel se trouvent les Congolais, est celui concernant leur liber té assassinée sur tous les plans par Sassou-Nguesso depuis 1997. En clair, c’est celui relatif à la grande question du retour du pays à la belle constitution, issue de toutes les intelligences réunies et de toutes les mains rassemblées. Constitution dont les magnifiques acquis devaient être sauvegardés et consolidés. Comme un barbare, Sassou est venu tout briser. Chers Congolais, nous n’avons qu’un débat : l’organisation du retour à ce grand moment de raison.
3 – Non, Sassou ne doit être écouté par personne lorsqu’il semble dire qu’il croit aux vertus du référendum, des urnes et, donc, du peuple. Ne fût-ce que pour la raison suivante : il a assassiné le 25 octobre 1997, la constitution du 15 mars 1992 issue d’un référendum sans tâche. Il a, donc, clairement, montré par là qu’il ne sait ni ne respecte la valeur de cette belle institution. On pourrait subsidiairement ajouter à cela le fait qu’il foule aux pieds sa constitutionnette de 2002 adoptée, elle aussi, à la suite d’un… référendum (totalement voyou car non étendu à tout le pays).
4 – Non, le peuple congolais ne doit pas se laisser ridiculiser par quelqu’un qui ignore ce que référendum veut dire et cela dans le fond et dans la forme ; qui se révèle sans le moindre souci à l’esprit de connaître ce à quoi il s’engage ; ne parlons pas de celui d’apprendre comment l’appliquer. Après plus de 3 décennies au pouvoir, Sassou a brillé par le mépris de ce qu’il promulgue et jure de respecter. C’est comme nous l’écrivons souvent, un « Andzimba » (un être diurne et nocturne à la fois).
« Tous au Dialogue ! ». Afin que le complot qu’il veut organiser contre sa constitutionnette passe, démocratiquement (sic), il met en avant quelque chose à laquelle il s’était opposé sous Lissouba et devant le médiateur, feu le président du Gabon, à savoir, le dialogue. Il l’a repoussé et donné la priorité à la constitution de milices privées armées et au règlement des contradictions par la guerre civile.
1 – Lissouba avait, au mois de juillet 1997, un ou deux mois de retard dans l’organisation du scrutin présidentiel. Etait-ce vraiment une raison suffisante pour plonger le pays dans une effroyable guerre civile dont le pays peine toujours à se relever plus de 2 décennies après ? Celui qui a pris cette option, c’est-à-dire, Sassou-Nguesso est, depuis ce temps, incapable de dire quels fruits elle lui a mis sur les bras. Ce vainqueur se sent nu et penaud à chaque anniversaire du 15 octobre 1997 (2). Lui qui repoussait le dialogue à une époque où il fallait le mettre en avant, afin que ce qui est arrivé n’arrive, le voici aujourd’hui en train d’hurler : « Dialogue, Dialogue ».
2 – A coup sûr, c’est un dialogue particulier, très particulier. Ce qu’il a en tête, ce qu’il projette, c’est rouler tout le monde. Un dialogue de renard, sans foi ni ver tu. Un dialogue au bout duquel ceux qui accepteront d’y prendre part se retrouveront au fond du puits, comme le bouc dans la célèbre fable de Jean de La Fontaine (Le renard et le bouc).
Une fable dont Sassou a voulu s’inspirer en 2014, en invitant les chefs coutumiers à un débat sur la constitution.
1 – Une invitation catégoriquement rejetée par eux. Et pour cause ! Ils sont, totalement, ignorés dans la constitutionnette de 2002 (bien que Sassou s’amuse à se draper dans leur tenue vestimentaire et leurs rites lors de ses déplacements dans les régions : coiffe des sages de la Sangha quand il se rend à Ouesso ; toque de ceux du Kouilou quand il est à Loango ; pagne de ceux des Plateaux quand il est à Djamballa, etc.
2 – Une fable qu’il vient d’utiliser devant l’opposition en parlant de sa disponibilité de discuter, en son palais, avec chacun de ses grands noms. Manœuvre qu’il a appelée « consultations ». Fort heureusement, une grande partie de l’opposition a refusé de descendre au fond du puits car aller discuter un à un au palais de Sassou, c’est se faire planter des cornes sur la tête, se faire bouc au profit du renard. On sort de là ridicule, tenu par une bizarre loi de silence, de réserve, mais, sur tout, parce que Sassou vous aura corrompu, couvert de « nguiri » (gros sacs ou enveloppes d’argent) ou « éventuellement renouvelé votre salaire de ministre, de grand fonctionnaire, bien que vous ne soyez plus ministre ou fonctionnaire en activité depuis longtemps ». Oui, ça se murmure : il y a des anciens ministres qui continuent de percevoir leur ancien salaire comme si de rien n’était.
3 – Ah, les consultations de personnalités par Sassou-Nguesso
« Le président vous consulte, mais pourquoi ? Est-il malade ? Etes-vous médecin ? Guérisseur ? Politologue ? Gourou indien ? » (d’après Ep).
Drôles de consultations en effet ! Celui qui les lance et ceux vers qui elles tombent apparaissent comme des sphynx. Recueillir des avis… Mais à propos de quoi ? Auprès de Yhombi, Mbéri, Bokamba, etc… Est-ce là un échantillon suffisamment représentatif de la nation ? D’ailleurs, doit-on encore parler en termes de personnalités, d’individualités dans une nation qui veut se libérer d’une dictature ? Tout le monde doit se lever comme un seul homme.
4 – Fort heureusement, l’opposition a déjoué ce qui apparaît clairement comme une manœuvre de renard. Elle a refusé de se rendre auprès du demandeur d’avis sans savoir au préalable à propos de quoi celui-ci est souhaité ; sans surtout être rassuré que le requérant en ferait un loyal usage.
Or Sassou a toujours brillé dans le jeu qui consiste à laisser l’autre, c’est-à-dire, le compagnon – au fond du trou, au fond du puits, après qu’ils aient, ensemble, discuté, convenu d’un programme de salut.
Rejeter à cet égard un regard vers le passé. Le putsch manqué du 23 mars 1970 contre la révolution et le marxisme-léninisme n’était pas l’œuvre des seuls militaires du Sud. Les Sassou et Yhombi se sont éclipsés au dernier moment, livrant à la mort, leurs compagnons Kinganga, Miawama, Kiyindou (tous du Pool).
Semblablement, celui qui a éclaté le 22 février 1972 et qui a encore été un échec : un bon nombre de conjurés s’éclipsèrent au dernier moment. La plupart d’entre eux étaient au service de Sassou.
On a observé la même manœuvre le 18 mars 1977. Feu Thystère-Tchicaya (absent de Brazzaville le 18 mars) fut étonné de voir qu’aucun grand responsable du Service de sécurité n’avait été interpellé dans ce crime commis au siège même des Forces armées du pays. Résultat : on lui mettra, un peu plus tard, sur le dos, la responsabilité de deux attentats à la bombe, initialement, attribués à des inconnus.
Le but de l’invitation en 2014 des chefs coutumiers « au débat » et celui des consultations au palais lancées à certaines personnalités est le même.
1 – Il s’agit pour Sassou-Nguesso d’être en mesure de pouvoir dire ceci : « De nombreuses voix – et non des moindres – sont d’accord pour que la solution au présent « débat » soit recherché et trouvé dans le cadre d’un référendum. En d’autres termes, il cherche depuis 2014 les moyens de rejeter sur d’autres ce qu’il n’a pas le courage d’assumer seul. Toujours le même besoin de bouc à berner, le même besoin de « larges masses » sur lesquelles rejeter la responsabilité de toutes les décisions et conséquences. Encore une fois, bravo, les chefs coutumiers qui ont envoyé le renard glapir ailleurs ! Bravo l’opposition qui a résisté aux consultations qui se terminent par des « nguiris » (contrat de vente de sa personnalité).
2 – Je voudrais terminer, sur ce point, par quelques phrases d’un Congolais très engagé. « Tant que je vivrai, je ne cesserai de me lever devant ce qu’il convient d’appeler les nébuleuses qui environnent notre vie communautaire… Je fustige (rai) les comportements de complicité des autorités politico-administratives. Je les traite(rai) avec fermeté, de mauvais guides pour le peuple. Notre élite intellectuelle est déjà majoritaire pour l’esclavage politique. C’est maintenant vous, les analphabètes, qui êtes annoncés sur les médias nationaux et ailleurs pour trancher, par voix de référendum, un débat hautement politique et intellectuel sur la constitution du pays. C’est encore là une nébuleuse. Comment peut-on prétendre transmettre à la compétence des analphabètes un dossier d’intellectuels concernant la démocratie (on est simplement) en face d’un débat de dupes…, d’une affaire d’esclavage politique » (Dieudonné Dhird, un « Nouveau cri du cœur aux parents et concitoyens de la Sangha – vendredi 8 mai 2015).
Sassou-Nguesso peut-il organiser un référendum crédible ?
Lors de la Conférence nationale souveraine de 1991, un orateur, Monsieur Bombête, fit rire, pendant longtemps, toute la salle.
1 – C’était au moment des propositions des noms pour la composition du gouvernement de transition. Au poste de ministre des Finances, un participant avança celui du général Yhomby Opango. Aussitôt, Mr Bombête s’indigna à très haute voix : « Qui proposez-vous aux Finances ? Yhomby Opango ? Mais c’est comme si vous choisissez de confier la vente de vos cacahuètes à un coq ! ».
2 – Sassou-Nguesso organisateur d’un référendum ? Tous ceux qui se sont déroulés jusqu’ici sous son contrôle ont été des scènes de poulailler. A la proclamation des résultats, il se lève, se dresse sur ses ergots, puis, chante victoire. La suite : il s’amuse, entouré de poules. Il oublie qu’un référendum est plus qu’un chant de coq, qu’il signifie qu’un soleil, qu’un chant nouveau s’est élevé au-dessus ou à l’horizon du pays.
3 – Un référendum, pour Sassou, c’est aussi comme les joyeux cris des femelles dans un poulailler. Elles caquettent mais c’est à la gloire de leur Kaka ngé : le coq. Elles demeurent dans la servitude joyeusement.
Un vrai référendum, c’est une consultation de l’opinion populaire à propos d’une importante question ; par exemple : l’adoption d’une constitution ou d’une modification de celle-ci. Pour cela, un débat clair doit avoir lieu à propos de ce qu’on veut quitter ou abandonner et de ce que par quoi on veut le remplacer. Un débat clair et non un « ouaouaronnage » comme font les grenouilles quand les marécages commencent à se dessécher.
4 – De 1979 à aujourd’hui, Sassou-Nguesso a, déjà, promulgué plus de 6 constitutions et lois fondamentales ; preuve qu’il ne sait pas ce qu’il arrache et ce qu’il met en place. Ce n’est pas après la constitutionnette de 2002 qui a « montré ses limites » qu’il saura mettre sur pied une autre de pur bronze. Ce n’est pas après 2016 qu’il apprendra qu’une constitution n’est pas une termitière en argile. Le fait qu’il sculpte sa prochaine dans les coins secrets montre déjà qu’elle sera aussi fragile que toutes les précédentes car le solide ne se médite sous terre ou dans des cavernes. En démocratie, le solide se forge dans des ateliers de jour et non au fond des termitières tribales.
Les termites ne peuvent bâtir que des termitières
1 – Après plus de 3 décennies au pouvoir, Sassou-Nguesso n’est connu dans le monde que comme l’homme des tragédies dans son pays : guerres miliciennes, massacres dans les villages et quartiers des villes, élimination de ceux qui se sont mis à douter de lui après avoir été, corps et âme, à son service ; détournements des biens publics, etc. Il est incapable de vivre les principes qu’il inscrit dans ses constitutions et lois fondamentales. Comme il est incapable d’être propre moralement. Toujours bien habillé, comme un colibri. Mais à l’intérieur, c’est un malfaisant qu’attend le Tribunal pénal international. Ce que je dis ici, ce n’est pas moi qui l’invente. C’est son dossier devant les juridictions internationales, dossier qui le fait s’accrocher au pouvoir.
2 – Pourquoi cet homme est-il ainsi fait ? Pourquoi ne voit-il pas qu’il a fini par faire du Congo (4 e pays producteur de pétrole du continent africain), un des pays les plus pauvres et endettés du monde ? L’histoire nous le dira un jour. Mais on peut déjà trouver une partie de la réponse dans le fait qu’il donne la priorité à sa tribu et à son clan face à la nation congolaise. Il ne voit pas, il ne veut pas voir au-delà de sa termitière. L’histoire moderne le dépasse. Tribalisme, clanisme, « termitiérisme », voilà ce qui aveugle Sassou-Nguesso, le rend incapable de comprendre que le Congo va de Loango à Bétou et non seulement de Tsambito à Edou. Cette vision termitiériste de la nation le plonge dans le comportement que nous venons de décrire : Nations = une tribu, celle placée au pouvoir par des mercenaires le 15 octobre 1997.
3 – Le référendum qu’il présente comme la solution suprême après « le débat lancé en 2014 » et les consultations (qui pourront reprendre à tout moment) est, fort heureusement, une « solution déjà rejetée par l’opposition et l’opinion internationale. S’il s’entête à l’organiser, le peuple déjà averti de sa nature de consultation répondra de façon spécifique par un « Non » qui ne sort pas des urnes, mais méprise, boude celles-ci. C’est le boycott total. Une attitude des citoyens qui va au secours des urnes avant que les tyrans ne les dénaturent, ne les transforment en trompettes qui proclament une victoire truquée ou imposée au peuple.
Oui, le boycott des scrutins d’escroquerie est le grand moyen de prendre un tyran à son propre jeu. Les urnes ainsi privées de voix, de bulletins, ne peuvent plus parler, émettre un verdict préfabriqué, personne ne s’étant approché d’elles. Et quel retentissant message au dehors du pays ! Par tout, journaux et radios diront : « les électeurs ont boudé les urnes, les salles de vote sont restées vides. C’est un fiasco pour le tyran. C’est une grande victoire pour le peuple. « Ne pas bouger le jour du « vote » » et cependant faire bouger le régime ce jour- là ».
4 – Conclusion : Sassou est resté longtemps en place parce que l’opposition, toujours, vaincue à chaque présidentielle, n’a pas compris que chacune de ces élections n’en était pas une, et qu’elle y est toujours allée croyant que les urnes feraient entendre l’exacte volonté du peuple. L’opposition a toujours ignoré la fable du Renard et du Bouc. A chaque élection organisée par Sassou-Nguesso, elle a toujours dit : « Allons-y tous ; non à la politique de la chaise vide ». Résultat : à la fin de chaque scrutin, quelques sièges (au parlement) pour toute l’opposition, tandis que Sassou s’octroie tout le reste (98%), et quelques sièges seulement pour l’opposition dans les assemblées. N’est-ce pas se retrouver devant le vide ? Le vide que par ailleurs on voulait éviter ? Mieux vaut donc refuser de s’asseoir sur une chaise mal agencée que de vivre l’aventure et de se retrouver finalement par terre. La chaise, surtout, avec un renard comme Sassou, mieux vaut la refuser que de s’y aventurer. Le dialogue, il l’a rejeté en 1997 et 1999. Voici qu’il le préconise, voire, veut l’imposer à tous.
« Sassou trompe, corrompt ».
Pour avoir conscience de son existence, nous venons de le voir – Sassou-Nguesso ne se réfère pas au fait qu’il pense mais qu’il trompe et fait dévier les autres. Et pour tant, la bonne et juste pensée en démocratie, c’est l’adhésion aux grandes règles choisies par tous dans un groupe social donné pour son développement. A cet égard, le Congo a choisi, dans les textes officiels, la démocratie. Il a donc mis en avant des principes et des modalités pour leur application : assemblée nationale et autres décors qui effacent le passé.
Oui, depuis la fin du communisme, Sassou-Nguesso déclare qu’il a opté pour la démocratie. Mais comme nous venons de le voir, ses actes montrent un indécrottable tyran. Ses constitutions affichent démocratie mais ses actes traduisent tyrannie. Malheur à celui qui se laisse prendre dans le filet.
Sassou-Nguesso est un trompeur. Il affirme, il proclame, il promulgue à travers discours et constitutionnette : « volonté du peuple, force des urnes, pouvoir exécutif, pouvoir législatif, pouvoir judiciaire, droits de l’homme et du citoyen… ». Mais mettez le droit là-dessus, tout est poreux ; sauf là où l’on parle de lui en termes d’autorité (et jamais de devoirs ou obligations). Des paroles et textes qui n’ont pas besoin de vents pour laisser apparaître tout leur creux ; chaque geste que fait Sassou comme gérant de l’ordre public est en violation de celui-ci. Il y a en lui un péché originel contre tout ce qui doit être fait dans l’intérêt de tous, contre les principes, les lois et les mœurs qui garantissent la démocratie au sein d’un peuple.
Sassou-Nguesso est un corrupteur et comme tout corrupteur non démasqué, à temps, il entraîne beaucoup de monde, voire, la société dans le vice.
1 – Il corrompt la République et ses lois comme nous venons de le voir. Il corrompt également le peuple et ses représentants, c’est-à-dire, la conscience collective. Le peuple congolais, conscient de former une entité commune, a apparu avec la colonisation. Sous ce régime, les Congolais servaient les Congolais « sans discrimination entre eux. Infirmiers, enseignants, etc… œuvraient partout où ils étaient affectés sans se mépriser ni se repousser » (Jacques Opangault).
2 – Les premiers signes de décadence apparaîtront curieusement à la veille de l’indépendance (1959). Comme si celle- ci était au-dessus de leur capacité. Il faudra toutes les mises en garde de Paris pour que les forces politiques, au Congo, se ressaisissent et marchent unies vers 1960 (année de l’indépendance). Cette unité historique, relancée par Youlou et Opangault, faiblira à nouveau à par tir de 1963… pour devenir avec l’arrivée de Sassou au pouvoir par le sang de Marien Ngouabi, en 1977, une longue période de guet-apens et d’élimination de l’autre, des autres, par la discrimination, le crime, par le massacre.
3 – Mais devant les nombreuses réactions d’indignation suscitées à travers le monde par ses actes de barbarie, Sassou-Nguesso a choisi une autre façon d’être tueur : ne plus tuer sauvagement son adversaire, lui épargner même la vie, mais lui ôter son âme, sa force de combat, c’est-à-dire, le corrompre par de lourds « ngiri » (sacs de billets de banque). Etre « ngirisé » au Congo, c’est se faire acheter par le tyran. C’est rouler sous le poids de la corruption, c’est choisir de devenir un vaut rien, moralement).
L’arme réussit bien dans un Congo devenu pays de grande misère et dans lequel certains disent volontiers ceci : « ce n’est pas son argent ; c’est l’argent du peuple, de tout le monde ». Comme si l’acceptant, on ne se fait pas voleur aussi, on ne participe pas à une politique qui ruine les caisses de l’Etat et démolit les consciences.
« Ngiri », le fléau « ngiri » ! Une des armes inventée par Sassou-Nguesso pour faire du Congo un pays sans conscience. C’est si facile de tenter des gens par l’argent dans un pays qu’on a réduit à la misère. Heureusement, tout le monde ne ploie pas sous le « ngiri ». De nombreux congolais traversent de plus en plus « les corridors de la tentation » de Sassou-Nguesso comme des Zadig : ils méprisent, ils piétinent ses ngiri.(3).
Résister aux « ngiri », c’est bien. Mais résister à celui dont la politique consiste à vous affamer afin de vous rendre ensuite couchants, c’est mieux. Oui résister à Sassou-Nguesso qui règne en vous privant de tout, est un devoir citoyen. Et ce d’autant plus que dans le monde, les soutiens ne manquent pas, à commencer par les Etats-Unis et la France.
Si les Congolais ne saisissent pas cette chance pour se débarrasser enfin du tyran, ils risquent de demeurer longtemps encore sous sa botte. Opposition à l’extérieur à sa politique de transformation, à l’intérieur, de sa propre constitutionnette, en une arête qui se met en travers de sa gorge, voilà deux merveilleux atouts pour le cri : « Sassou doit partir en 2016 au plus tard ».
Mais encore une fois, il ne suffit pas de crier : « Sassou doit partir » ni de sauter de joie le jour où il sera en bas de son trône. Il faudrait que dans la foule, il ne se trouve plus encore des gens qui se demandent : « Et maintenant qu’allons- nous faire ? ». Le jour où Sassou tombera ne doit pas être accompagné d’interrogations sur l’avenir, du moins, en ce qui concerne les principales orientations à prendre. Ce qui implique l’obligation suivante : nous devons savoir pourquoi nous ne voulons plus du régime de Sassou par quel autre le remplacer. Faute de quoi, nous nous retrouverions, comme en 1963, quand le président Youlou fut renversé par des syndicalistes. La suite fut, tour à tour, le socialisme scientifique, bantou, le marxisme-léninisme, le Kaka Sassou, etc.
2 – Sassou doit être cette fois comme jeté aux puissants de cataractes qui grondent en aval de Brazzaville, de telle sorte qu’il ne puisse plus réapparaître en amont, du côté de Mpila ou de Mossaka. Il doit être, cette fois emporté pour toujours par les eaux profondes de l’Océan.
Oui, réfléchir sur Sassou sans réfléchir sur sa constitutionnette de 2002, ôter l’un sans l’autre, c’est oublier la mésaventure survenue à Héraklès qui se drapa dans la tunique d’un centaure qu’il venait de vaincre : elle était empoisonnée, très empoisonnée. Le mal qui était en son maître ou propriétaire faillit lui survivre.
3 – La constitutionnette de Sassou est une tunique empoisonnée (Ebola). Le fait qu’un de ses articles l’étrangle en ce moment (bravo) ne doit pas faire oublier ce caractère général : garder cette tunique, c’est mettre un autre Sassou en place, un autre centaure, un autre tyran. Drapé dans cette tunique de 2002, même le plus adversaire actuel de Sassou deviendra son semblable, c’est-à-dire, un tyran du peuple congolais, Kaka ngé.
4 – Parlant de la constitutionnette, certains disent ceci : « Ne critiquons pas un texte qui étrangle en ce moment le tyran. Quand celui-ci sera mort étouffé, nous verrons ce qu’il conviendra de faire de sa tunique à ce moment-là ». Erreur d’analyse et de procédure. Il ne faut pas exclure l’hypothèse de voir quelques-uns parmi les actuels adversaires de Sassou, porter, en ce moment là, leur regard sur cet outil de la tyrannie que sur le Congo à libérer, à replacer sur le beau chemin, tracé par la Conférence nationale souveraine de 1991.
5 – « Vous n’aurez aucune excuse si, en 2016, au plus tard, vous ne par venez pas à vous libérer du tyran Nguesso. Vous avez le soutien des Etats-Unis, de la France et d’autres pays encore contre ce tyran. Et au niveau de votre histoire, vous avez réalisé un beau moment de réflexion sur l’avenir de votre pays ; un acquis qui est à garder et honorer. C’est la Conférence de 1991. Deux atouts donc qui vous simplifient la tâche en 2016 » (un journaliste).
Puissent les Congolais, soutenus au dehors et éclairés à l’intérieur par ce qu’ils ont su réaliser en 1991, organiser leur marche devant 2016, sans trébucher ni glisser, encore moins tomber sous la coupe d’un autre tyran, d’un autre Kaka ngé (4).
Puissent les grandes idées-forces qui ont remis notre pays sur le bon chemin en 1991 et 1992, renaître dans notre pays, du Nord au Sud, afin que 2016 compte parmi nos grandes années de lumière et de libération !
L’un des socles du grand moment vécu en 1991 fut l’unité de pensée et à propos de ce qui devait être abandonné et de ce qu’il fallait mettre à la place. Se départir de cette belle démarche devant 2016, serait marcher comme un peuple sans mémoire de ses victoires passées. Sassou garde les méthodes qui lui ont permis d’accéder au pouvoir et de le garder jusqu’ici. Pourquoi abandonnerions-nous celle qui nous a permis de le faire tomber en 1991 : l’unité de pensée, le refus de la servitude volontaire (ngirisation), participation à des scrutins pièges) ? Pourquoi nous laissons-nous diviser en plus de 150 partis dits politiques alors qu’ils sont ethniques, tribaux, claniques ? Alors qu’ils font le jeu du tyran ? Ce n’est pas par 100 ou 200 « partis de termitière » que nous rassemblerons le peuple congolais contre celui qui l’écrase pratiquement depuis 1979 et dont le serment secret est : « garder le pouvoir, coûte que coûte, dans sa termitière natale ».
Prochain article : Congo-Brazzaville : Un seul repère de salut en 2016.
(1) Midas-aux-oreilles-d’âne. Il était roi de Phrygie. Un jour, le dieu Apollon lui demanda d’arbitrer un concours de chant entre lui et Pan. Midas décréta Pan vainqueur. Le dieu de la lyre irrité le punit sur le champ : Midas se retrouva avec des oreilles d’âne (voir Mythologie grecque).
(2) A propos de date d’anniversaire. Il vient de choisir celle du 5 juin (déclenchement de sa guerre de retour au pouvoir) pour aller s’incliner sur la tombe de Saint Cardinal Emile Biayenda assassiné par le même vent meurtrier de 1997 que Ngouabi, Massembat-Débat et tant d’autres. Comment comprendre ce geste ? Remord ? Aveu ? Repentir ? Regret ? Confession ? Début de réparation ? Poids du sang et des larmes des autres sur la conscience ou manœuvre ?
(3) Les consultations au Palais. Avec un parti majoritaire dans le pays, un parlement dominé par celui-ci, un gouvernement composé de ministres dits éclairés et compétents, et mis en place sans le moindre contrôle de personne, Sassou consulte à présent ceux qu’il a dépourvus de tout pouvoir. Et ceux-ci se rendent à l’invitation. O puissance du « ngiri » (billets de banque) !
(4) Un autre Kaka ngé : Même enfermé à La Haye, Sassou jubilerait de joie comme au lendemain du 15 octobre 1997, s’il y apprenait que le Congo croupit sous un autre Kaka ngé.