Ancien très proche conseiller du professeur Pascal Lissouba, président démocratiquement élu du Congo-Brazzaville en 1992 et chassé du pouvoir, en octobre 1997, par un coup d’état militaire fomenté par l’actuel Maître du Congo, le général d’armée Denis Sassou Nguesso, Romain Bédel Soussa oeuvre au rétablissement de la démocratie et à l’instauration de la bonne gouvernance dans son pays. Candidat à l’élection présidentielle de juillet 2009 pour le compte du CRAC (Comité de résistance et d’action pour le Congo), il n’est pas allé au bout du processus, en raison du caractère mascarade de l’organisation de cette élection présidentielle. Romain Bédel Soussa, dans cette interview, nous parle de la situation de son pays, de la visite de Denis Sassou Nguesso, en France, du Congo actuel (avec les pratiques mystico-fétichistes de ses dirigeants), et du Congo tel qu’il souhaiterait le façonner.
AFRIQUEDUCATION : Le président Denis Sassou Nguesso vient d’effectuer, en France, une visite de travail de trois jours qui lui a permis de rencontrer le président François Hollande, plusieurs ministres et le patronat. Dans son entourage, on se félicite des échanges entre les deux parties, et on se frotte les mains que Paris puisse renouer avec Brazzaville, en grandes pompes, ce qui était loin d’être évident. S’agit-il, selon vous, d’une visite de routine telle que votre président les affectionnait sous les pouvoirs de droite précédents ou bien avez-vous des raisons d’être inquiet d’une normalisation des relations franco-congolaises qui mettrait à mal le dossier de la démocratie, des droits de l’homme et de la gouvernance au Congo?
Romain Bédel Soussa : La visite du président Denis Sassou Nguesso en France, est un non-événement qui ne peut inquiéter personne. Dans une relation, quelle que soit sa forme, il faut que les deux parties s’accordent pour que la relation soit sincère et durable. Il ne faut jamais forcer une relation. Elle se mérite. Oui, après une forte pression, voire, même des menaces, le président Denis Sassou Nguesso est enfin reçu à l’Élysée. Je pense que le Congo est un État souverain. On n’a donc pas besoin d’exercer une pression pour être reçu à l’Élysée. Ce n’est ni une visite de routine, ni une visite de normalisation des relations franco-congolaises. Le président Hollande, je crois, est un homme de parole. Il a promis de mettre fin à des pratiques honteuses de la France-Afrique qui humilient la France. Voici ce qu’il avait déclaré lors de la convention de son investiture : « La France répugnera sans regret, les miasmes de ce qu’on appelle la France-Afrique et qui déshonorent, non pas les Africains, mais tous ceux qui s’accommodent de la corruption en Afrique au point de financer leurs campagnes électorales passées avec l’argent de la pauvreté, avec l’argent de la misère, avec l’argent des armes. Ce temps-là, est révolu ». Personnellement, je crois à la sincérité de ses propos. Il n’y a aucune raison d’être inquiet. Bien entendu, le Congo et la France sont deux pays amis, liés par leur histoire.
En date du 15 février 2013, vous avez adressé une lettre au président Denis Sassou Nguesso à laquelle il n’a pas répondu. Quelle en était la teneur ?
Votre question m’amène à vous rappeler ce qui est écrit dans une revue hebdomadaire N°2720 du 24 février au 2 mars 2012 , je cite : « A 70 ans, Denis Sassou Nguesso a toujours autant envie qu’on ait envie de lui, Sassou Nguesso pourra en outre compter sur les gros bataillants électeurs de provinces, sevrés de candidats crédibles et touchés par les bienfaits d’une politique de municipalisation accélérée qui a porté ses fruits ».
Dans cet article, il faut noter trois choses :
Premièrement : L’auteur fait bien son travail de pub pour bien vendre son produit. Mais, il oublie que lors de l’élection présidentielle du 13 juillet 2009, il y avait 85% de taux d’abstention et que son client n’était élu qu’avec un faible taux de 15%, sans compter le bourrage des urnes.
Deuxièmement : L’auteur de cet article prépare déjà l’opinion avant l’annonce de la révision de la constitution du 20 janvier 2002. C’est une simple mise en scène.
Troisièmement : L’auteur oublie que la politique du développement du territoire ne se fait pas en accéléré. Une politique du développement se planifie et s’inscrit dans la durée. La mise en œuvre de cette politique de municipalisation accélérée qui a commencé à Pointe Noire est un échec total. Il suffit seulement d’aller à Pointe Noire, à Owando ou à Ewo aujourd’hui, pour se rendre compte qu’il n’y a aucun bienfait pour ces populations.
C’est pourquoi, au regard de tout ce qui précède, je pense qu’après 32 ans de pouvoir, le président Denis Sassou Nguesso doit tirer les leçons de son échec. Il doit savoir qu’il ne peut plus donner à la nation congolaise et au peuple congolais ce qu’ils attendent d’un président de la République. Ce que le président Sassou Nguesso n’a pas pu faire hier et aujourd’hui, ce n’est pas à plus de 70 ans, et avec l’usure du pouvoir qu’il pourra le faire. Le Congo et son peuple n’attendent plus rien de cet homme. Telles sont les raisons qui ont motivé la rédaction du courrier que je lui ai adressé en recommandé. Dans cette lettre, je lui ai rappelé qu’en sa qualité de citoyen congolais, il doit, lui aussi, se conformer au dispositif de l’article 50 de la constitution qui spécifie que « tout citoyen a le devoir de se conformer à la constitution, aux lois et règlements de la République ». Cette constitution précise clairement dans les articles 7 et 9 du titre II que « La personne humaine est sacrée et a droit à la vie. L’État a l’obligation absolue de la respecter et de la protéger. Chaque citoyen a le droit au libre développement et au plein épanouissement de sa personne. La liberté de la personne humaine est inviolable. Nul ne peut être arbitrairement accusé, arrêté ou détenu ». Je lui ai également rappelé que selon les termes de sa propre constitution, les règles de l’exercice du pouvoir au Congo, sont définies dans son article 57. Elles précisent bien : « Le président de la République est élu pour sept ans au suffrage universel direct. Il est réélu une fois ». Cet article fixe donc le mandat présidentiel à sept ans, renouvelable une fois. Ainsi, le Président Sassou Nguesso est à son dernier mandat.
En effet, dans cette lettre, vous écrivez précisément : « Aujourd’hui, il est explicitement établi qu’à défaut d’un successeur crédible au sein de votre entourage, vous vous engagez avec votre équipe à modifier l’article 57 de la constitution pour vous maintenir à vie au trône. C’est ce qui justifie actuellement l’accumulation massive des armes de guerre et le recrutement des mercenaires ».
Quelle est la relation entre la modification de l’article 57 et l’accumulation massive des armes ? Ne lui prêtez-vous pas des intentions de vouloir modifier la constitution alors que lui-même n’en parle pas ?
Je pense que beaucoup de Congolais y compris ceux qui ont travaillé avec lui au Bureau politique et au Comité central du PCT (Parti congolais du travail), ne le connaissent pas réellement. Comme vous le savez, la caractéristique d’un homme « fort », c’est qu’il est toujours imprévisible. Il ne recule devant rien. L’homme « fort » est prêt à tout, il n’a pas pitié. Sa seule préoccupation, c’est le pouvoir, la domination, la gloire et l’argent. Pour cela, il est prêt à tout. Sachant qu’il arrive au terme de son dernier mandat constitutionnel, et ayant le goût du pouvoir à vie, il tient à se maintenir par tous les moyens, y compris le recours aux armes. La constitution lui autorise un mandat de sept ans renouvelable une fois. Donc, au lieu de chercher la guerre pour s’imposer, il doit se retirer pour garantir la paix dans le pays. C’est la voie de la sagesse, un gage pour la sécurité des siens.
Où accumule-t-il massivement des armes de guerre qu’il achète et où recrute-t-il des mercenaires ? Où ces derniers sont-ils casernés ?
Comme le dit un proverbe français : « un homme averti, en vaut deux ». Pour se maintenir au pouvoir coûte que coûte, le Président Sassou sait désormais qu’il doit prendre toutes les précautions. Voici ce qu’il a déclaré au mois de février 2012 dans la revue déjà citée : « Au tout début du mois d’octobre 1997, j’ai cru que j’allais perdre la guerre. J’étais à bout de forces. Je n’avais plus d’armes, plus de munitions. J’ai demandé à mon frère Dos Santos (qu’il expose d’ailleurs), le président angolais, de m’en fournir. Il a accepté. Avec l’accord de Laurent Désiré Kabila, il les a fait transiter sur l’aéroport de Kinshasa. Elles devaient traverser le fleuve Congo. Mais, Kabila s’est rétracté. Le matériel a donc regagné Luanda et j’ai dû supplier Omar Bongo pour qu’il accepte de le faire transiter par l’aéroport de Franceville. Bongo a dit, oui, à condition que le transbordement se fasse en deux nuits, pas une de plus. Entre temps, nous avions pris le petit aérodrome d’Owando où les armes ont pu être acheminées depuis le Gabon. 15 jours plus tard, j’entrais dans Brazzaville ». Cette révélation nous enseigne clairement que Monsieur Sassou avait bien préparé un coup d’état en 1997. Il avait un réel problème de transport, d’acheminement et de stockage des armes et de matériels de guerre. Donc, pour se maintenir à vie au pouvoir, il lui fallait résoudre ce problème. C’est ce qui l’a poussé à construire dans un premier temps, à coût de milliards un aéroport international (non rentable) à Ollombo, à environ 20 km d’Oyo (son village natal, ndlr), uniquement, pour acheminer les armes et le matériel de guerre. Ensuite, depuis 2008, Monsieur Denis Sassou Nguesso et son clan s’activent dans l’achat d’armes et de matériels de guerre en Chine, en Corée du Nord, à Singapour et en Lybie avant la mort de Kadhafi. Depuis le drame de Mpila, les armes achetées sont stockées et gardées secrètes dans les lieux connus des seuls services de la présidence.
Vous avez tenu une conférence de presse, à Paris, le 3 avril dans un grand hôtel où on a vu du beau monde, à savoir, pas seulement des journalistes, mais aussi, des diplomates africains et occidentaux des pays amis du Congo, ainsi que des hommes politiques français. Pendant votre intervention, vous n’avez pas du tout été tendre à l’endroit du pouvoir de Brazzaville. Vous avez dit que Sassou ne peut plus donner en quelques années ce qu’il n’a pas pu faire en 30 longues années de pouvoir. Quel bilan faites-vous du passage de Denis Sassou Nguesso à la tête de l’État du Congo ?
Le Congo vit, aujourd’hui, une des heures les plus sombres de son histoire. Le Congo est dans une situation extrêmement difficile sur tous les plans :
Sur le plan politique, les acquis de la Conférence nationale souveraine sont mis en cause, notamment, la Constitution du 15 mars 1992 qui fut votée à 95% par le peuple congolais. Cette constitution fut violée et supprimée dès l’arrivée au pouvoir par les armes du Général Denis Sassou Nguesso. Sa propre constitution du 20 janvier 2002 est constamment violée. Les lois et règlements de la République sont quotidiennement violés. Les droits du peuple congolais sont quotidiennement bafoués. Les règles du jeu démocratique sont quasiment interdites. Un système électoral antidémocratique et illégal est caractérisé par une loi électorale scélérate qui ne peut garantir l’organisation des élections en toute impartialité, régulière et transparente. La Commission d’organisation des élections (CONEL) est totalement aux ordres du pouvoir. Rappelons ici, qu’en 1996, dans le cadre de la préparation de l’élection présidentielle de 1997, les Forces démocratiques unies (FDU), groupement politique de l’opposition que dirigeait Monsieur Denis Sassou Nguesso, avaient dénoncé vigoureusement la mise en place par le pouvoir, du principe de l’organisation paritaire des élections et avaient signé avec d’autres leaders de l’opposition, un mémorandum dans lequel, ces personnalités réclamaient la mise en place d’une commission indépendante d’organisation des élections. Le président Pascal Lissouba, pour garantir la paix et sauvegarder la démocratie, avait accédé à cette revendication de l’opposition. Les signataires du mémorandum avaient également obtenu du président Pascal Lissouba ce qu’ils demandaient, lorsque le premier ministre David Charles Ganao avait annoncé le projet de réalisation de façon paritaire, d’un recensement administratif spécial, qu’ils exigeaient, pour déterminer un corps électoral crédible. Mais, dès le retour au pouvoir du Général Denis Sassou Nguesso, le Congo a rompu avec cette pratique d’élections libres, transparentes et équitables.
Notre pays est soumis à un régime tyrannique qui arrête et emprisonne arbitrairement les opposants politiques pour délit d’opinion. Des organes indépendants de presse sont suspendus de façon arbitraire par le Conseil supérieur de la liberté de la communication, instance dont la vocation est pourtant de protéger la liber té de la presse. Les médias d’État sont totalement verrouillés et interdits aux Forces de la Résistance, Or, une véritable démocratie a besoin d’une véritable presse indépendante. La paix, la sécurité, la liber té et la justice font partie des droits fondamentaux de l’homme dans une démocratie.
Or, en République du Congo, ces droits sont bafoués. La paix imposée au peuple congolais, se caractérise par la peur et les intimidations. Comme vous le savez, un peuple peureux est un peuple soumis, opprimé, affaibli, impuissant et écrasé. La peur est un moyen que les dictateurs utilisent pour contrôler la vie de chaque citoyen, anéantir les opposants. La paix ne peut se construire dans la peur, les intimidations, la privation des libertés, l’angoisse et la mort. La paix se construit dans l’amour, le respect des droits fondamentaux des citoyens, afin de garantir l’épanouissement, la créativité de chaque citoyen.
Vous êtes de l’ethnie Mbochi comme le président Sassou, mais cela ne vous empêche pas de sortir des vérités sur lui et son pouvoir, qui dérangent. Dites-nous, comment expliquez-vous que beaucoup de sang coule, ainsi, au Congo depuis qu’il est au pouvoir ? Les Mbochi aiment-ils faire couler le sang ou s’agit-il d’un problème de personne ?
La réponse à cette question nécessite un bref rappel historique pour bien comprendre la mentalité de la classe politique congolaise. En effet, dès les premières heures qui suivirent son indépendance, le Congo sombra dans un cauchemar. Son histoire est émaillée de crimes de sang, de complots, de coups d’état, de violences, de guerres civiles, d’assassinats et de tortures. Le Congo prend donc naissance dans un climat de guerre civile entre partisans des partis politiques ethniques dominants. La lutte politique se transforme en lutte d’intérêts, la pratique politique est souvent caractérisée par les affrontements, la haine et la défense des intérêts partisans, claniques qui sont à l’origine des guerres fratricides. Le positionnement des leaders politiques en bloc ethnique ou régional depuis l’indépendance, joue un rôle négatif dans la vie politique congolaise. Le fondement étant mal bâti depuis le départ, le chemin politique suivi par le Congo va être ainsi un chemin de croix, un tunnel de souffrances et de misère dans lequel tout est possible : les complots, les crimes de sang, la trahison, les calculs donnant lieu à des alliances instables qui se font et se défont.
Certes, j’ai des origines Mbochi et Téké, mais sachez que tous les Mbochis ne sont pas des criminels. Pour ce qui me concerne, je hais le tribalisme, je condamne les crimes du sang, je suis contre l’injustice et je suis un démocrate convaincu. J’aime mes compatriotes. Le crime caractérise l’état d’esprit d’un individu animé par le mal. Cela peut être le fait d’un héritage familial qui n’a rien à voir avec l’ethnie. Tous les Mbochi ne sont pas amis de Monsieur Sassou Nguesso. Il y a aussi dans notre pays, des gens qui lui ressemblent, mais qui ne sont pas des Mbochi. Il ne s’agit donc pas d’un problème d’ethnie.
Afrique Education, dans ces deux précédentes parutions (364 du 16 au 31 mars et 365-366 du 1er au 30 avril) a révélé deux documents confidentiels rédigés par l’ancien secrétaire général du PCT et ancien ministre de la Défense, Justin Lekoundzou Itihi Ossetoumba, et par le général Norbert Dabira. Quels commentaires faites-vous à la lecture de ces deux documents ?
Un proverbe dit ceci : « Le mensonge prend toujours l’ascenseur pour arriver vite. Mais la vérité prend les marches d’escalier. Tout doucement, elle finira par arriver au même endroit ». Ce qui se passe, c’est un avertissement. En effet, la parole de sagesse dit : « Ils écrasent ton peuple, ils oppriment ton héritage, ils égorgent la veuve et assassinent les orphelins. Ils disent que celui qui a créé la terre et le ciel ne voit pas, il ne fait pas attention ! Prenez-y garde, hommes stupides ! Insensés, quand serez-vous sages » ?
Celui qui a planté l’oreille n’entendrait-il pas ? Celui qui a formé l’œil ne verrait-il pas ?
Il y a un temps pour tout. Nous sommes dans le temps de la justice de Dieu. Ces révélations nécessitent de la part du président Sassou, son retrait de la vie politique. On ne peut pas diriger le pays dans ces conditions. C’est d’ailleurs le conseil que je lui ai donné dans ma lettre. Monsieur Justin Lekoundzou fut un ami très proche du Président Sassou Nguesso. Il le connaît mieux que quiconque. Le Général Dabira également est son homme de confiance. De ces accusations, le peuple congolais attend du président Sassou Nguesso, une réponse.
Les pratiques mystiques dont s’entoure le pouvoir du président Sassou, sont-elles une simple vue de l’esprit de ses ennemis ? A quoi servent-elles ? Au moment où il effectuait sa visite de travail en France, l’abbé d’Oyo, le prêtre Joseph Piszczek de nationalité polonaise, est décédé sans qu’il n’ait été malade. On a découvert son corps trois jours après sa disparition flottant dans l’Alima (fleuve qui arrose Oyo, le village natal du chef de l’État), comme s’il s’était noyé dans ce fleuve où il se baignait régulièrement depuis des années. Énormément de Congolais de la diaspora pensent qu’il aurait fait l’objet d’un sacrifice, pour permettre le succès de la visite du président congolais en France. Sornettes ? Sans faire de la science fiction ou mystique, en tant que Mbochi, que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?
Monsieur Justin Lékoundzou a révélé au monde entier la vraie nature de son grand ami de longue date. Dans la revue Afrique Education N° 364 du 16 au 31 mars 2013, il écrit ce qui suit : « Il est de notoriété publique que Monsieur Denis Sassou affectionne particulièrement la pratique mysticofétichiste et ne s’en cache pas. Il pratique la magie et la sorcellerie dans un seul but : asseoir sa domination et la pérennité au pouvoir. Tous les compatriotes adeptes de sa secte doivent savoir que leurs étoiles, leurs âmes et leurs familles sont à sa merci ». Monsieur Lékoundzou, je le pense, a trouvé les mots qu’il faut pour répondre à cette question.
Pour ma part, je n’accorde aucune importance à ces œuvres ténébreuses car je sais que la fin de tous ceux qui affectionnent ces pratiques mystiques, de sorcellerie, et qui ont souillé leurs mains de sang de sacrifices humains et leurs doigts de crimes, tomberont sous le jugement du Très Haut tôt ou tard. En toute chose, il faut considérer la fin.
En ce qui concerne la mort du prêtre, il est certain que le Vatican et la France ne manqueront pas de diligenter une enquête pour connaître la cause exacte de sa mort.
Vous avez conçu un projet de transition démocratique. Avant de nous en parler, pourquoi pensez-vous que le Congo doive nécessairement passer préalablement par une transition démocratique alors que l’élection présidentielle aura lieu en 2016 ?
La guerre est un piège dont il faut sortir le plus rapidement et du mieux que l’on peut. Sortir rapidement de la guerre, c’est doter le pays d’institutions véritablement démocratiques. Toute guerre laisse derrière elle des blessures à guérir, des fossés à combler, des misères à consoler et des divisions à réconcilier. Le choix opté par le pouvoir insurrectionnel est un danger permanent. En effet, aucune partie du Congo ne peut gagner durablement contre une autre partie du pays. Puisque les deux sont un ensemble indivisible. Le mal fait à une partie du pays, ne peut que se retourner à terme contre la partie coupable. D’où la nécessité d’une transition démocratique pour guérir les plaies, rassembler et réconcilier les congolais.
Quelles sont les grandes lignes de ce projet de transition démocratique ?
La réconciliation et la paix au Congo étant une œuvre gigantesque qui demande un sursaut national, la transition démocratique est un passage obligé. Elle vise comme objectifs :
1 – Rebâtir une nation fraternelle, démocratique et respectueuse des principes et des droits de l’homme. Mais aussi de gagner à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, la confiance sans laquelle la quête de la promotion politique, économique et sociale ne peut être qu’un vœu pieux.
2 – Définir une nouvelle culture d’exercice de la démocratie dans un État reformé.
3 – Créer les conditions nécessaires pour rendre les processus démocratiques irréversibles.
4 – Jeter les bases d’un redressement économique, social et culturel à partir des mesures de redressement qui seront prises et la mise en place de vraies institutions démocratiques soutenues par les quatre piliers, à savoir : Une armée républicaine, une police citoyenne, une justice véritablement indépendante et enfin, des institutions de la République (Assemblée, Sénat, Conseils Généraux….) libres et démocratiques.
5 – Mettre en place un organe indépendant d’organisation des élections et un cadre juridique fiable, crédible et adapté.
6 – Procéder au recensement administratif en vue d’établir un fichier électoral crédible.
Nous avons indiqué que vous étiez de l’ethnie Mbochi comme le chef de l’État. Pourtant, vous avez toujours refusé de travailler avec lui. Vous n’avez jamais adhéré au PCT. Vous aviez même dans le passé été un proche conseiller du président Pascal Lissouba, qui, lui, est du Sud (Niari).
Pourquoi ce choix ?
Le tribalisme est un cancer qu’il faut vaincre par tous les moyens. Dans mon projet pour le Congo, j’ai prévu une loi qui luttera contre ce fléau. Le Congo a commencé son indépendance dans le sang à cause de ce cancer. La segmentation des partis politiques en bloc ethnique comme je l’ai déjà dit, est un mal pour notre pays. J’ai adhéré à l’UPADS à cause de la vision d’un homme, Pascal Lissouba. Sa vision et son projet de société étaient en phase avec l’idée que j’ai du Congo et du panafricanisme. On ne doit pas s’allier à quelqu’un parce qu’il est fort. Une alliance doit se faire sur des bases saines : parce que nous voyons la même chose, nous pouvons marcher ensemble pour atteindre le but commun. Le problème du tribalisme dans mon pays devient un danger pour la nation. Et pour tant, dans le cadre des mariages, nous constatons qu’il n’ y a aucune interdiction. Les hommes originaires du Nord se marient avec les filles originaires du Sud et vice versa. Mais, quand il s’agit de la politique, chacun brandit son ethnie ou sa région. C’est une escroquerie que je ne peux accepter. Dans le mariage, tout comme dans la vie politique, il faut faire des choix par conviction. Tout ce qui se fait sans conviction, c’est purement de la ruse.
D’ici la fin de l’année, vous avez conçu un programme de travail qui allie réflexion et voyages. Qu’en est-il exactement ?
Nous sommes dans le temps du changement au Congo Brazzaville. Le programme du CRAC (Comité de résistance et d’action pour le Congo) est de préparer de manière pacifique et active le Changement en République du Congo.
Tenant compte de l’état de dégradation très avancé de la situation socioéconomique du pays, il est plus que temps pour chaque Congolais, chaque Congolaise, de lire les signes des temps, de suivre la direction de la flamme de l’espoir. L’heure est donc à l‘action pour le changement. L’heure est à la liberté, à l’amélioration des conditions de vie des populations. Aujourd’hui, deux voies s’ouvrent au peuple congolais : celle de la tyrannie, de la privation des libertés, de l’oppression incarnée par le pouvoir en place ou celle du changement et de l’espoir inspirée par les Forces de la Résistance et de l’Action pour le Congo.
TOUS UNIS, CHOISISSONS LE CHANGEMENT !
Propos recueillis par
Jean Paul Tédga