Les Chinois rient tout le temps. Ils font partie des créateurs du « rire commercial ». Ils ont la capacité de rire jusqu’aux oreilles. Cela dit, c’est difficile de décrypter leurs rires. Quand rient-ils vrai ? Quand rient-ils faux ? Seuls eux le savent. Mais, leur présence en Afrique, depuis les indépendances, commence à faire découvrir certains pans de leurs personnalités. Non pas qu’ils soient comme les colonisateurs occidentaux, mais, leur discours qui consiste à dire qu’ils sont de véritables amis des Africains parce qu’ils n’ont colonisé personne, ne suffit plus à convaincre : leurs pratiques actuelles en Afrique sont, souvent, très repréhensibles et décriées d’autant que, contrairement, aux Occidentaux, leur exploitation (des mines, des forêts, etc.) n’a aucune limite et ne tient pas compte de l’environnement et de la notion des droits de l’homme, cette dernière étant une spécificité inconnue des Chinois. Du coup, leur passage en Afrique, fait de plus en plus hurler, même si Chinois et Occidentaux ne sont en rien comparables.
Lors de sa visite en Ethiopie, le nouveau ministre chinois des Affaires étrangères, Qin Gang, a montré un pan de la complexité de la diplomatie de ce pays. Malgré l’insistance des Africains, le nouveau chef de la diplomatie de Pékin, en poste depuis un mois, à peine, a réussi à esquiver l’appel insistant de l’Union africaine, par la bouche du président de sa Commission, en faveur d’une représentation permanente du continent au Conseil de sécurité des Nations-Unies. Qin Gang a gardé son traditionnel sourire jusqu’aux oreilles, mais n’a rien dit, absolument, rien de ce qu’on attendait de lui. Un tel silence a jeté un émoi chez les diplomates africains. A quel jeu joue la Chine dont beaucoup pensaient qu’elle est une amie traditionnelle, comme aime le déclarer le président chinois, Xi Jinping ? Lors de la deuxième édition du Sommet Etats-Unis/Afrique, en décembre, à Washington, Joe Biden a donné des assurances pour que l’Afrique devienne un membre permanent du G20. Du coup, on peut se poser la question de savoir si les Chinois redoutent une indépendance réelle de l’Afrique en accédant, aussi, comme membre permanent du Conseil de sécurité ?
S’exprimant à l’occasion de l’inauguration du siège du Centre africain de contrôle et de prévention des maladies, construit par la Chine, Qin Gang a, plutôt, mis l’accent sur le partenariat entre la Chine et l’Afrique en matière de sécurité et de développement économique (notre photo montrant la rupture du ruban symbolique par le ministre chinois des Affaires étrangères). Ici, rien de nouveau sous le soleil d’Addis Abeba. Comme ils aiment sourire jusqu’aux oreilles, peut-être croient-ils embobiner les Africains dans leur roublardise. Qu’ils sachent que ce temps est révolu.
Le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, a déclaré lors d’une conférence de presse conjointe que l’absence de représentation permanente de l’Afrique au Conseil de sécurité était une « question brûlante », étant donné que la plupart des questions à l’ordre du jour du Conseil concernent les pays africains. « Il est inacceptable que d’autres décident à la place des autres. Ce n’est pas juste. Nous avons besoin d’un nouvel ordre au niveau international qui respectera les intérêts des autres », a-t-il déclaré. Du côté du chef de la diplomatie chinoise, motus et bouche cousue. Qin a choisi de rester muet comme une carpe, laissant seul Moussa dans ses envolées lyriques.
La Chine est l’un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité, au côté des Etats-Unis, de la Grande Bretagne, de la France et de la Russie. M. Qin, qui a été nommé en décembre, effectue sa première visite à l’étranger en tant que ministre des Affaires étrangères et entame un voyage d’une semaine en Afrique, notamment, au Gabon, en Angola, au Bénin et en Egypte.
Depuis plus de trois décennies, les ministres chinois des Affaires étrangères commencent leur mandat par une visite en Afrique, dont la population en tant que continent rivalise avec celle de la Chine. La Chine a investi, massivement, dans les infrastructures des pays africains, notamment, dans les routes, les chemins de fer et les hôpitaux. Mais elle refuse, sèchement, comme les Occidentaux, de transférer sa technologie aux Africains qu’elle préfère maintenir dans un rôle de pourvoyeur des matières premières, qui font tourner les usines en Chine, considérée comme le plus grand atelier du monde.
Toujours à côté d’un Qin Gang plus silencieux que lors du discours du grand camarade, Xin Jinping, pendant la plénière du Comité central du parti communiste chinois, le président de la Commission de l’UA a asséné : « L’Afrique refuse d’être considérée comme une arène d’échange d’influence… Nous sommes ouverts à la coopération et au partenariat avec tout le monde, mais nos principes, nos priorités et nos intérêts doivent être respectés. Le partenariat que nous avons avec la Chine est fondé sur ces principes ». Mais, la Chine (dans son faux rire diplomatique) voit-elle le problème de la même manière ? On en doute !