Le pouvoir camerounais a beau lancer l’Opération Epervier qui traque les délinquants en col blanc depuis 2006. Circulez y a rien à voir, semble lui répondre les corrompus du régime, qui se recrutent, dans tous les milieux sociaux. Ministres, directeurs généraux, hauts et même (très) hauts fonctionnaires, régisseurs des recettes, etc. « La chèvre broute où elle est attachée ». Voilà l’expression courante.
Mais il n’y a pas qu’Epervier qui relève, du reste, du ministère de la Justice, même, un département qui n’est confié qu’à des fidèles du président, Paul Biya (après Amadou Ali rappelé à la présidence de la République comme vice-premier ministre, ce portefeuille stratégique est revenu à Laurent Esso). Il y a, aussi, la CONAC (Commission nationale anti-corruption) dont la présidence est assurée par le …révérend pasteur, Dieudonné Massi Gams, mais dont l’action ne fait, encore, trembler aucun gestionnaire de la fortune publique. Il existe d’autres organismes dont le Contrôle de l’Etat, directement, rattaché à la présidence de la République. Mais les voleurs volent toujours sans être inquiétés.
Avec cette batterie d’organismes censés moraliser la gestion des finances publiques, le Cameroun s’en sort avec un classement qui est loin de l’honorer. Il y a même de quoi effrayer les investisseurs qu’on attire, en leur accordant mille facilités, ce que vient, d’ailleurs, de dénoncer, la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, pendant son séjour, début janvier, au Cameroun. Alors que faire ? Que celui qui a la réponse prenne attache avec les tenants du pouvoir camerounais.
Dans son rapport annuel publié, très récemment, Transparency international classe le Cameroun à la 130e place sur 168 pays, avec une note de 27/100, identique à celle engrangée en 2014. Si le Cameroun était un étudiant inscrit à l’Université de Yaoundé II (Soa), il aurait eu droit à un renvoi sec de cet établissement pour cause de médiocrité avec deux sévères échecs. En effet, le Cameroun n’a pas du tout progressé dans la lutte contre la corruption en 2015, et cela n’a pas échappé à l’ONG Transparency International. Personne, au gouvernement, ne se fâche plus contre cet organisme : la corruption a fini par être admise par tous. Publiquement. Beaucoup de Camerounais s’en donnent à coeur joie : du planton du ministère, parfois, jusqu’au ministre, lui-même ; du vigile d’une société au directeur général. Bref, personne ne jette plus la pierre à Transparency International, comme avant. Le problème qui intéresse les Camerounais, et même leur chef d’Etat, c’est comme l’enrayer ? Comment l’éradiquer ? Au moins, comment freiner ce cancer social ? La réponse miracle reste à trouver.
Selon le rédacteur en chef de ce rapport, l’avocat Charles Nguini, «Ce classement suggère une fois de plus au Cameroun, au-delà des condamnations des gestionnaires de la fortune publique, de se doter de mécanismes juridiques, politiques et d’intégrité publique pouvant efficacement empêcher les titulaires de charges publiques d’abuser de leurs positions pour leurs profits personnels». Ce responsable local de Transparency International dénonce : «la non ratification de la Convention de l’Union africaine contre la corruption, la non application de l’article 66 de la constitution sur la déclaration des biens et avoirs, l’absence d’une loi anti-corruption qui sanctionne l’enrichissement illicite, la non-protection des dénonciateurs…», etc. Pour lui, ce sont des paramètres qui favorisent la prééminence du fléau.