Et je ne suis pas le seul ! C’est pourquoi je voudrais ici exhorter les autorités ivoiriennes, ainsi que, la Commission électorale indépendante, qui sont à cheval sur la question de la nationalité ivoirienne, à reprendre la liste électorale pour en extirper tous les Ivoiriens qui ont acquis la double nationalité, afin que justice soit faite une bonne fois pour toutes ; parce que l’article 48 n’est pas seulement valable pour ceux qui veulent se porter candidats à l’élection présidentielle. Je ne suis pas juriste, et je ne vais pas faire du juridisme, mais voici ce que m’inspire la décision judiciaire qui vient d’être rendue sur l’Affaire Tidjane Thiam.
Il y a au moins 30 ans, des membres de « l’élite » ivoirienne actuelle, formés à l’étranger sous Houphouët-Boigny, ont dû, pour diverses raisons et souvent à contre cœur, se trouver un emploi dans leur pays d’accueil, une fois leurs études terminées, soit à cause de leur spécialité, soit parce que le marché de l’emploi en Côte d’Ivoire commençait déjà à devenir exsangue. Ils avaient été happés par les grandes entreprises françaises ou américaines, alors même qu’en Côte d’Ivoire, à l’exception de ceux qui étaient « des fils de… », ils pouvaient passer des mois à arpenter les rues du Plateau pour déposer leurs Curriculum Vitae ici et là, à la recherche d’un emploi. Nombreux sont les membres de cette « l’élite » qui ont dû se résoudre à se prévaloir de la nationalité de leur pays d’accueil pour diverses raisons. Dans mon cas particulier, le renouvellement du passeport ivoirien, par le biais du Consulat de France, allait durer un peu plus de 6 mois. Non seulement, je ne pouvais rester six mois sans document officiel d’identité, ce délai aurait sérieusement affecté ma carrière professionnelle. Alors oui, j’ai dû acquérir la nationalité de mon pays d’accueil.
Cependant, à quelques années de l’âge légal de la retraite, j’ai décidé de rentrer dans le seul pays au monde qui me restait gravé dans le cœur et dans l’âme pour y apporter ma contribution, aussi infime qu’elle soit. Je tombe donc sous le coup de la même règle que Tidjane Thiam, même si je n’ai nulle intention de me porter candidat à une élection quelle qu’elle soit. Et je sais que plusieurs membres de « l’élite » ivoirienne de ma génération tombent donc sous le coup de cette même règle. Alors, s’il ne s’agit pas là d’écarter un candidat qui gêne, que justice soit faite, et que tous les Ivoiriens qui ont acquis la double nationalité soient rayés de la liste électorale. Ce sera facile, ils se connaissent tous, et je suis sûr qu’ils ne voudront pas s’associer à une telle forfaiture.

Mais puisqu’on y est, poussons le raisonnement un peu plus loin, et demandons à tous nos frères et sœurs qui, par concours de circonstance ou par nécessité, se sont prévalus de la nationalité ivoirienne, sans pour autant se séparer de leur nationalité d’origine. Et comme Jeannot Ahoussou Kouadio (ancien premier ministre, ancien président du Sénat, et d’origine burkinabé comme le président Alassane Ouattara, ndlr), à moins d’avoir subi une lobotomie, ils se connaissent et nous les connaissons. Ils sont nombreux dans les hautes sphères de l’administration ivoirienne et même au sein du gouvernement. Eux au moins auront l’avantage de ne pas se retrouver apatrides. Auront-ils le courage de s’identifier et de rejoindre Tidjane Thiam ou voudront-ils s’associer à une telle forfaiture et ouvrir la voie royale à ceux qui veulent à tout prix vaincre sans péril ? Les dieux ne rendent fous que ceux qu’ils veulent perdre (Sophocle). Allons-y seulement … et que cette folie prenne fin en 2025.
Par Paulin G. Djité, PhD., NAATI III, AIIC
Chevalier dans l’Ordre des Palmes Académiques