Au regard des résultats des élections municipales et régionales du 2 sept 2023, il ne serait pas exagéré de parler de Bérézina pour le Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI) et le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Une manière de dire que les deux formations politiques ont connu la même débâcle que les troupes de Napoléon bloquées en 1812 devant la Rivière Bérézina alors qu’elles étaient en route pour combattre les Russes.
La déroute des deux grands partis ne signifie cependant pas que le Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) a été plus convaincant ni qu’il a fait une meilleure campagne, ni qu’il est majoritaire dans le pays. A mon avis, trois choses ont permis au parti de Dramane Ouattara de “gagner” dans plusieurs villes : la naïveté et la division de l’opposition dans certaines villes ou régions et la fraude (Le président de l’Assemblée nationale Adama Bictogo du RHDP au pouvoir a terrassé Michel Gbagbo et Dia Houphouët de l’opposition à Yopougon : la désunion a leur a été fatale).
Aller à des élections truquées et gagnées d’avance, c’est-à-dire, sans avoir contraint les fraudeurs à réformer tout le système est une vraie connerie. Il fallait être naïf pour croire qu’une commission électorale inféodée au RHDP et ayant refusé jusqu’au bout de revoir le découpage électoral et les listes électorales pouvait laisser l’opposition remporter la majorité des sièges.
Certes, l’union n’a pas empêché le PDCI et le PPA-CI de “perdre” dans le Haut-Sassandra mais une liste commune n’avait-elle pas plus de chances de triompher à Yopougon ? N’aurait-il pas été plus difficile pour le RHDP de frauder à Yopougon si le PDCI avait accepté de soutenir le candidat du PPA-CI ? Emerge ici la seconde connerie qui n’a pas d’autre explication que l’orgueil et le peu de considération que certains ont pour l’intérêt général. S’imaginer que l’on peut gagner tout seul dans un pays où la commission électorale n’est ni indépendante ni équilibrée, est, à la fois, une chimère et une bêtise car si les voix de Michel Koudou Gbagbo et de Dia Houphouët étaient mises ensemble, la mairie de Yopougon tomberait facilement dans l’escarcelle de l’opposition.
Enfin, sans la fraude et l’achat des consciences avec les deniers publics, le RHDP n’était pas en mesure de réaliser un tel score. La fraude qui lui a donné la “victoire” à Daloa, à Yopougon et ailleurs est un avant-goût des tricheries de 2025.
A ce qui précède, je voudrais ajouter deux petites questions : les dirigeants du PPA-CI et du PDCI ont-ils présenté, partout, des candidats capables de faire gagner leurs partis ? N’a-t-on pas écarté des gens compétents pour satisfaire des copains ou des amis qui traînent pourtant de grosses casseroles ou un bilan négatif ? Je pense, entre autres, à Antoni Garou dont tout le monde admet qu’il fait un excellent travail à la tête de la mairie de Ouragahio. Je parie que cet homme aurait terrassé n’importe quel adversaire si le PPA-CI avait porté son choix sur lui pour les municipales.
Le prochain scrutin présidentiel, si on le veut juste et crédible, il conviendrait maintenant de tirer toutes les leçons de la Bérézina de septembre 2023, de se retrouver pour voir ensemble comment l’opposition peut inverser le rapport des forces avant 2025.
Jean-Claude DJEREKE
est professeur de littérature à l’Université de Temple (Etats-Unis)