Alassane Ouattara a dit qu’il avait un doctorat en économie mais on n’a jamais vu un ouvrage écrit par lui dans son domaine. Même un petit article de lui sur la monnaie et l’économie africaine, ça n’existe nulle part. On ne sait pas non plus quelle maison d’édition a publié sa « thèse ». Enfin, les faibles d’esprit qui se laissent abuser par lui, répètent à l’envi qu’il était au FMI sans se poser la question de savoir quelles couleuvres il avala ou combien de fois il dut baisser la culotte (au sens propre et figuré du terme) pour y entrer. Bref, ils parlent de leur gourou comme si ce dernier était le premier Africain à travailler dans cette institution.
Or, le brillant économiste camerounais, agrégé des sciences-économiques, Tchundjang Pouémi, y fit ses preuves avant lui. Il intégra l’institution en 1977, c’est-à-dire, deux ans après avoir enseigné l’économie à l’Université d’Abidjan. Son ouvrage culte, « Monnaie, Servitude et Liberté », qui attaque frontalement la vassalisation de l’Afrique par le biais du F CFA et que tout Africain étudiant l’économie devrait avoir dans sa bibliothèque, paraîtra en 1980. Tchundjang démissionna du FMI une année plus tôt. Pourquoi ? Parce qu’il percevait l’organisation basée à Washington comme une organisation qui fabrique de la misère. En 1979, des Nicaraguayens protestèrent devant les bureaux du FMI contre un prêt accordé au dictateur Anastasio Somoza. Les manifestants brandissaient des pancartes portant cette inscription : « Instant Misery Fund » (IMF c’est-à-dire FMI en anglais).
Tchundjang réalisa alors que le FMI n’était rien d’autre qu’un Fonds de misère instantanée parce que les plans d’ajustement structurel, partout où ils furent appliqués, ne laissèrent derrière eux que misère et pauvreté. Or plus un pays s’appauvrit, moins, il est capable de prendre en charge la santé et l’éducation de ses populations, et plus, il abandonne les clés de sa souveraineté économique entre les mains de ceux qui lui ont conseillé de passer sous les fourches caudines du FMI.
Répondant à une question de la journaliste française, Fanny Pigeaud, sur la place de l’intellectuel au Cameroun, le philosophe, Fabien Eboussi Boulaga (décédé l’année dernière), déclarait ceci en 2011 : « La médiocrité est au pouvoir, elle empêche toute autre chose de s’exprimer et se reproduit. C’est une médiocrité militante qui ne veut pas autre chose et qui n’a peut-être même pas la vision d’une autre possibilité. Ça arrange peut-être ce qu’on appelle la communauté internationale, mais, c’est la régression de toute une génération ». Le philosophe ajoutait : « Le plus scandaleux, c’est d’avoir réduit la variété de la vie, de ses possibilités, à ce filet unique d’un Etat administratif, de carrières qui passent par des allégeances et l’improductivité dans tous les domaines. Si l’Etat gouvernait, transformait, on subirait beaucoup de choses en se disant que l’essentiel est assuré, à chacun de se battre pour donner le visage qu’il veut à son destin personnel. Mais là, c’est la transformation de tout un peuple en un peuple de mendiants qui vit d’aides ». Difficile de ne pas appliquer ce diagnostic précis et objectif à la Côte d’Ivoire de Dramane Ouattara.
Il a dit, aussi, que 5 ans lui suffisaient pour que le pays retrouve son lustre d’antan, qu’il construirait une université par an, qu’il ferait tomber une pluie de milliards sur chaque ville où il fit campagne en 2010, qu’il s’installerait dans la capitale politique, Yamoussoukro, que chaque Ivoirien aurait un toit et tutti quanti. Or, à 18 mois de la fin de son second mandat, aucun des engagements pris n’a été tenu. Au contraire, c’est sous son règne que l’inouï et l’inédit se sont produits dans notre pays : « Microbes » (il s’agit de ces enfants drogués qui attaquent et tuent à l’arme blanche dans les quartiers d’Abidjan) bénéficiant de la protection du régime, rattrapage ethnique, cimetières devenus des dortoirs, des citoyens gardés en prison sans jugement pendant plusieurs années. Alors, pourquoi croire qu’il respectera sa promesse de ne pas briguer un troisième mandat, et de transférer le pouvoir à une nouvelle génération en 2020 ? Pourquoi persister à penser que lui, qui ne connaît que la fraude et la violence, pourrait perdre une élection organisée et contrôlée par lui de bout en bout ?
Et les Ivoiriens, que disent-ils ? Nombre d’entre eux estiment que c’est plutôt un soulèvement populaire qui peut débarrasser notre pays de cette calamité et fermer la triste parenthèse (dix ans de dictature et de pillage). Un événement est venu les conforter dans leur opinion : l’extraordinaire mobilisation du Front populaire ivoirien (un million et demi de personnes au moins), le weekend dernier, à Duékoué, dans l’Ouest du pays où les pires massacres furent perpétrés par les troupes fidèles à Dramane Ouattara et Soro Kigbafori (notre photo quand ils étaient complices. Maintenant c’est la guerre entre eux). Si tous les Ivoiriens s’y mettent (et pas seulement les militants et sympathisants du FPI), si le double ou le triple de ce nombre (enregistré à Duékoué) descend dans la rue à Abidjan, l’imposteur sera obligé de prendre la tangente car aucune armée, aussi brutale soit-elle, ne pourra (jamais jamais jamais) tenir face à une telle démonstration de force.
Jean-Claude Djereke
est professeur de littérature à l’Université de Temple (Etats-Unis).