Dans une interview accordée, ce 26 avril, à la télévision nationale burkinabè, le président de la transition, Ibrahim Traoré, n’a pas mis de gants pour taxer son homologue de la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara, de déstabilisateur. Une accusation gravissime, qui fait suite au repli, en fin de semaine dernière, des rebelles hostiles aux autorités du Burkina Faso vers le territoire ivoirien, sans que les militaires censés surveiller la frontière ne daignent intervenir.
Pourtant, cela faisait à peine quelques jours que Abidjan avait contacté Ouagadougou pour solliciter la rencontre du 19 avril 2024 entre leurs ministres de la Défense respectifs, dans l’optique d’un réchauffement des rapports bilatéraux. Le fait que cet incident ait eu lieu dans l’intervalle de cette reprise de contact est tout sauf une coïncidence. Surtout, dans un contexte diplomatique aussi sensible, qui prévaut actuellement entre les deux pays.
Et ça, le capitaine-président, Traoré, l’a vite compris. Lui qui a parfaitement su lire dans le jeu de son voisin ivoirien, bénéficiant, il est vrai, des précieuses confidences qu’a dû lui faire Guillaume Soro sur la manière de faire de Ouattara, lors de leur rencontre du 21 novembre 2023. Bien qu’ayant eu de la hauteur pendant longtemps face aux manœuvres incessantes d’Alassane Ouattara, Ibrahim Traoré a décidé de clarifier les choses à la façon militaire.
La boîte de Pandore étant désormais ouverte, le président ivoirien sait, aujourd’hui, qu’il ne pourra plus opérer dans l’ombre. Ce qui est embêtant pour lui, qui cherche par tous les moyens à se débarrasser des nombreux ennemis nationaux et étrangers qu’il s’est constitués par son seul fait. Parallèlement à la tentative menée auprès d’Ibrahim Traoré, Alassane Ouattara a, également, initié un simulacre de réconciliation nationale afin d’attirer Guillaume Soro dans ses filets.
Invité par des cadres du parti au pouvoir (RHDP) en Côte d’Ivoire, dont le controversé, Cissé Bacongo, à mettre fin à son exil, ce dernier traîne les pieds par pure méfiance. En effet, la demande des proches d’Alassane Ouattara s’inscrivant dans la logique du prochain scrutin de 2025, le président ivoirien fera tout pour rempiler un quatrième mandat. Et s’il y a bien une personne qui sache exactement tout ce dont il est capable, c’est l’ancien premier ministre, Guillaume Soro.
Finalement, on ne sait qui d’Ibrahim Traoré ou de Guillaume Soro est le plus méfiant envers Alassane Ouattara. Mais, une chose est sûre, le niveau de quiétude que ce dernier affichait est en chute libre depuis un long moment, et continuera à plonger à mesure que l’horizon de la présidentielle de 2025 se rapprochera.
Paul-Patrick Tédga
MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)