Guillaume Soro, candidat à l’élection présidentielle ivoirienne de 2020 visé par un mandat d’arrêt, est accusé d’avoir préparé « une insurrection civile et militaire » par le procureur de la République d’Abidjan, Richard Adou. Des accusations « fallacieuses », estime, jeudi, 26 décembre, la défense de l’ex-chef rebelle. Entre les deux anciens amis, qui dit la vérité ? Qui est le menteur ?
Un « complot contre l’autorité de l’Etat ». Selon la justice ivoirienne, l’ex-chef de la rébellion et candidat à la présidentielle de 2020 préparait « une insurrection civile et militaire » pour s’emparer « incessamment » du pouvoir. Des accusations, aussitôt, balayées par sa défense.
L’ancien président de l’Assemblée nationale (2012-2019), qui devait rentrer, lundi, 23 décembre, en Côte d’Ivoire mais qui a dérouté son avion pour retourner en Europe, préparait « un complot » en deux parties : d’abord une opération de communication à l’étranger pour « jeter le discrédit sur le régime » ivoirien, puis, « une insurrection civile et militaire », a affirmé le procureur de la République d’Abidjan, Richard Adou, lors d’une conférence de presse.
Ces accusations s’appuient, en particulier, sur un enregistrement sonore effectué par les services de renseignement ivoiriens, selon le procureur, qui a été diffusé pendant la conférence de presse. On y entend deux hommes dialoguer dont Guillaume Soro. Il n’a pas précisé où, ni quand, ni comment il a été réalisé, se retranchant derrière le secret de l’enquête.
Selon Richard Adou, des armes ont, aussi, été découvertes lors de perquisitions, dont il n’a pas précisé les dates et les lieux. « Nous avons dépassé une quinzaine d’arrestations » de complices de l’ancien premier ministre, a indiqué le procureur, qui les accuse, comme Guillaume Soro, désormais, visé par un mandat d’arrêt international, de « complot contre l’autorité de l’Etat », un crime passible de la prison à vie.
Parmi eux, cinq députés pro-Soro ont été arrêtés malgré leur immunité de parlementaires, en vertu d’une procédure de « flagrance », selon le procureur.
La défense de Guillaume Soro a rejeté en bloc toutes ces accusations « fallacieuses », fustigeant une « opération d’espionnage mal montée par Abidjan », selon une déclaration de l’avocate Affoussiata Bamba-Lamine diffusée sur sa page Facebook jeudi (sur notre photo avec Guillaume Soro).
Me Bamba-Lamine ne conteste pas l’authenticité de l’enregistrement audio, mais, affirme qu’il « date de 2017 » et qu’il est « incomplet ». Dans une précédente déclaration mercredi soir, elle dénonçait une « machination » politique destinée à « écarter de la course » à la présidentielle de 2020 Guillaume Soro.
L’histoire de Soro et Ouattara ressemble à celle des anciens amants, qui ne se supportent plus et qui sont incapables à nouveau de cheminer ensemble. Chacun connaît les secrets de l’autre, qu’il peut étaler sur la place publique, à tout moment.
A l’analyse (rapide) des deux profils, on constate que Soro est un jeune homme politique animé d’une grande ambition. Pour y parvenir, il est prêt à tout. De la FESCI, un syndicat de gauche, où il pactisait avec le couple Gbagbo dans les années 80, il n’a pas hésité une seconde à prendre un virage à 180° quand il a vu son intérêt à se mettre au service de Ouattara qu’il a fini par mettre au pouvoir au prix de la destruction de l’Etat de Côte d’Ivoire via l’éviction de son président de l’époque, Henri Konan Bédié. Pour faire oublier son passé sulfureux, il demande aujourd’hui pardon aux Ivoiriens, sans se faire prier. Un pardon du bout des lèvres… Personne n’oublie, pas non plus, que Blaise Compaoré, à l’époque, président du Burkina Faso, était à la manœuvre, à Ouagadougou. Chassé du pouvoir par la rue de son pays, en 2014, ce dernier vit un exil humiliant à Abidjan où Ouattara lui a octroyé la nationale ivoirienne pour lui permettre d’échapper (momentanément) à la justice burkinabé. Les déboires de Soro s’expliquent aussi par le fait que Compaoré n’est plus au pouvoir à Ouagadougou. Cette situation fait les affaires de Ouattara puisque, désormais les mains libres sans Compaoré à Ouaga qui aurait pu le gêner, il est de facto candidat non déclaré à un troisième mandat dont personne ne veut en Côte d’Ivoire en dehors de ses partisans. On peut donc comprendre que Soro qui se considère comme un perdant dans cette affaire, puisse utiliser les méthodes qu’il maîtrise le plus : la déstabilisation politique.
Cela dit, si Soro est aveuglé par le pouvoir, Ouattara, lui, est un faux gentil, un faux doux, une vraie fausse personne qui a su cacher ses airs de disciple de Machiavel. Ceux qui ont, souvent, considéré l’actuel président comme un excellent technocrate de l’économie et des finances et piètre politique, doivent revoir leurs copies. Ouattara comme beaucoup d’autres, a, lui aussi, bien assimilé les leçons de leur maître politique à tous : Félix Houphouët-Boigny.