D’abord, un petit rappel d’un fait passé inaperçu mais qui a tout son sens : Lors du premier Sommet extraordinaire de la CEDEAO sur le coup d’état au Niger, Sommet pendant lequel la position jusqu’au boutiste du président en exercice, Bola Tinubu, a été remarquée et commentée, la fin des travaux avait donné lieu à une motion de félicitation et de remerciement pour saluer la qualité du radicalisme affiché par la CEDEAO pendant les travaux. Cette motion (rédigée par la diplomatie ivoirienne) fut lue, en personne, par le président, Alassane Ouattara. Ce dernier avait salué comme il le fallait l’ultimatum de sept jours donné à la junte pour quitter le fauteuil arraché à son ami, Mohamed Bazoum. Sauf, que par la suite, on a plutôt constaté le tollé de protestations des anti-interventions au Niger, au Nigeria, en Afrique de l’Ouest, en Afrique et partout dans le monde. Bola Tinubu a baissé d’un cran et en allant au deuxième Sommet à Abuja, on pensait tendre vers l’acceptation de la normalisation du putsch au Niger d’autant plus que le CNSP a déjà formé un gouvernement.
Alassane Ouattara voyant la tournure que prennent les événements, a presque arraché la vedette du radicalisme à Bola Tinubu. Il s’y connaît dans la rébellion, ce cher Alassane. Car il ne faut jamais oublier que ce sont les soldats (surtout du Nord de la Côte d’Ivoire) proches de lui, qui firent le coup d’état militaire au président démocratiquement élu, Henri Konan Bédié, le 25 décembre 1999. Alassane Ouattara étant musulman, il n’avait donné aucune importance à la date du 25 décembre pour chasser son ennemi du pouvoir. Cela dit, ne pouvant pas s’installer lui-même, il mit le général, Robert Gueï, à sa place, pour une courte transition avant son installation au lendemain d’une élection présidentielle comme il sait les organiser en Côte d’Ivoire. Sans jamais les perdre. Sauf que l’appétit venant en mangeant, Robert Gueï décida de rester président de la République, se présentant lui-même à l’élection présidentielle où il fut battu par le candidat du FPI, Laurent Gbagbo, grâce au soutien actif de Ouattara et de son parti, le RDR.
Une fois installé au palais, en octobre 2000, Laurent Gbagbo (qui vit aujourd’hui à Abidjan après 10 ans passés dans les prisons de la CPI où Ouattara l’avait envoyé croyant qu’il n’allait plus jamais revenir en Côte d’Ivoire) essuya plusieurs tentatives de coups d’état fomentés par Alassane Ouattara, au point où en 2002, la Côte d’Ivoire fut, carrément, divisée en deux : le président Gbagbo contrôlant la partie Sud du pays (le Sud chrétien), tandis que celle du Nord musulman, à partir de Bouaké étant sous le contrôle direct et total de la rébellion des Forces nouvelles, financée par Alassane Ouattara, leur véritable patron.
Les rebelles d’Alassane Ouattara étaient entraînés au Burkina Faso au vu et au su de tout le monde, pays que dirigeait Blaise Compaoré qui a finalement, lui aussi, été chassé du pouvoir par sa garde présidentielle et qui vit, aujourd’hui, en exil à Abidjan. Ils avaient aussi des centres d’entraînement chez le président centrafricain, François Bozizé, lui aussi, en exil involontaire en Guinée Bissau. Interdit de se présenter à la présidentielle pour « nationalité douteuse » (Henri Konan Bédié soutenait qu’il est un Burkinabé), il eut gain de cause grâce à la médiation du président sud-africain, Thabo Mbeki, qui regrette, aujourd’hui, amèrement, d’avoir forcé la main à Laurent Gbagbo pour qu’il accepte sa candidature, dès l’élection de 2005.
Tout le monde se souvient de la façon dont Ouattara accéda au pouvoir pendant l’élection d’octobre 2010. Contestée à la fois par Gbagbo et Ouattara, chacun disant que c’est lui qui a gagné, cette élection donna lieu à une intervention de l’armée française envoyée par le président, Nicolas Sarkozy, pour installer, de force, Ouattara au palais présidentiel en avril 2011. Et depuis cette date, Alassane Ouattara fait de la théorie (j’y suis j’y reste) sa maxime principale. Il a, ainsi, décidé de ne plus quitter le pouvoir, d’y mourir, car il sait ce qui l’attend si jamais, il n’était plus président de la République.
Dans la crise du Niger, il est le chef de file des présidents de la CEDEAO qui sont contre les changements anticonstitutionnels… uniquement militaires. Cette précision est de taille. Car quand on dit que la CEDEAO fait du deux poids deux mesures, en donnant l’impression d’avoir peur de sanctionner certains chefs d’Etat dits puissants, c’est justement parce que Alassane Ouattara a modifié la constitution au terme de son deuxième et dernier mandat (alors qu’il n’avait pas droit de le faire) pour s’octroyer plusieurs autres mandats. Si la CEDEAO était crédible, elle n’allait pas valider ce changement constitutionnel et Ouattara serait, aujourd’hui, un ancien président. Tout comme le Sénégalais, Macky Sall, sera dès mars 2024, un ancien président de la République parce qu’il a accepté de quitter le pouvoir au terme de son deuxième et dernier mandat. Honneur à lui !
Malheureusement, la CEDEAO est une organisation très faible qui ne tient pas son rang. Ouattara n’était pas le seul chef d’Etat à changer la constitution pour demeurer au pouvoir. Son ami très proche et frère dont il était, par ailleurs, le conseiller économique, Alpha Condé, président de la Guinée, qui, lui aussi, avait changé la constitution pour les mêmes motifs, essuya un coup d’état militaire, qui l’a envoyé en exil en Turquie. Ce sont les militaires qui gèrent la Guinée actuellement. Et dans de bonnes conditions.
Mais, plus rusé que Condé, Alassane Ouattara, lui, essaie de tout faire pour éviter une telle issue avec son armée. Pour cela, il a fait des généraux, des colonels et des ComZones, tous, des milliardaires. Tous roulent sur l’or. Alassane leur a enlevé l’envie de lui faire un coup d’état militaire comme en Guinée. Sauf que l’arrivée par surprise d’un capitaine à la tête du Burkina Faso lui a fait perdre le sommeil. « Aaah Lala. Même les capitaines maintenant », se serait-il exclamé après l’éviction du colonel Damiba par le jeune capitaine Ibrahim Traoré. Nous lui conseillons de poursuive son effort de corruption jusqu’aux capitaines et même jusqu’aux sergents de l’armée ivoirienne.
« Nous sommes déterminés à réinstaller le président Bazoum dans ses fonctions », a-t-il déclaré, jeudi, 10 août, dès son retour du Sommet d’Abuja. Alassane Ouattara n’a pas cette position en flèche dans le retour de Mohamed Bazoum parce qu’il est un grand démocrate. Loin de là. Ancien (vrai) chef de la rébellion des Forces Nouvelles, il ne croit à la démocratie que quand ça lui est favorable.
Question à un million de F CFA : Après le Mali, le Burkina Faso, la Guinée, le Niger, vers qui se tournent maintenant les regards ?