« La France s’inquiète, comme ses partenaires de la communauté internationale, des disparitions signalées par les organisations de défense des droits de l’homme, de militaires tchadiens », a répondu, ce matin, le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Romain Nadal, interrogé sur la situation au Tchad. Jusque là, c’est bien, peut-on dire. Mais, là où le porte parole du Quai d’Orsay enlève tout le crédit qu’on pouvait donner à la France, dans cette intervention, c’est quand il ajoute : « Nous souhaitons qu’une enquête des autorités tchadiennes permette de faire toute la lumière sur ces affaires ». Le porte-parole du Quai d’Orsay est-il, vraiment, sérieux quand il demande au « sultan » de N’Djamena (Idriss Déby Itno) d’enquêter, lui-même, sur ses propres forfaits ?
Paris espère, sans doute, que son allié tchadien fera, aussi bien que dans l’enquête qui devait apporter la lumière dans l’assassinat de l’opposant tchadien, Ibni Oumar Mahamat Saleh. Selon le député fédéraliste, Ngarlejy Yorongar, Déby l’a tué avant de plonger son corps dans l’acide pour qu’il disparaisse à jamais. Depuis que Déby enquête sur cette disparition, à la demande de la France, et aussi, du parti socialiste français, qu’a-t-il apporté de nouveau dans cette recherche de la vérité ?
Amnesty International et la Ligue tchadienne des droits de l’homme (LTDH) ont fait état de plus de vingt cas de disparitions présumées de militaires et policiers, qui n’auraient pas voté pour le parti au pouvoir, et demandé aux autorités l’ouverture d’une enquête indépendante.
Selon certains médias, plus de 40 membres des forces de défense et de sécurité seraient portés disparus depuis le 9 avril, les militaires ayant voté un jour plus tôt.
Le chef de l’opposition, Saleh Kebzabo, lui-même, s’en était, publiquement, ému, en appuyant la version des tueries massives organisées par Déby, sans que personne, au niveau de la (fameuse) communauté internationale ne l’écoute. On aura compris que le Tchad est un allié important pour la France, dans des opérations militaires, dans le Sahel, pour qu’elle prête sa voix à ceux qui emmerdent Déby. La politique africaine de l’actuel président socialiste (qui va justement ce week-end au Nigeria pour des questions de sécurité) sera-t-elle défendable quand quelqu’un de son camp (ou lui-même) cherchera à garder l’Elysée l’année prochaine ? On en doute.
La présidentielle, au Tchad, s’est déroulée dans un climat tendu en raison de la répression de marches pacifiques que voulait organiser la société civile. L’opposition a, ensuite, accusé le pouvoir de « hold-up électoral ».
Les autorités ont affirmé que les personnes concernées avaient été déployées en mission commandée et, le 21 avril, quatre des présumés disparus ont été présentés à la télévision nationale. Mais leurs familles n’ont reçu, depuis, aucune nouvelle sur leur sort, selon Amnesty International.
Dans, au moins, deux bureaux de vote, des responsables militaires ont contraint des éléments des forces de défense et de sécurité à, publiquement, voter pour le parti au pouvoir. C’est une pratique courante au Tchad. Sans intimider et sans frauder, Déby est incapable de gagner une élection, tellement, il est impopulaire. Selon le décompte de l’opposition, il y avait un deuxième tour qui excluait le « sultan ».