Considéré comme l’un des meilleurs alliés français dans la guerre qui est menée contre le djihadisme dans le Sahel, le président nigérien, Mohamed Bazoum, appelle les dirigeants français et européens à «prendre plus de risques et ne pas être hantés par les pertes» pour assurer le succès de leurs opérations militaires au Sahel. Il le dit sans ambages chez nos confrères de La Croix et de L’Obs.
Mohamed Bazoum acte la «mort» de l’organisation régionale G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad) à la suite du retrait du Mali et le fait que le Burkina Faso soit dans la même situation que le Mali qui connait un régime issu d’un coup d’état militaire. Pour le président du Niger, la guerre en Ukraine montre «que les Occidentaux ont beaucoup d’argent, dont ils peuvent mettre une partie significative dans le combat contre le terrorisme, dans la stabilisation de nos pays». Parlant cash comme il le fait quand il sermonne les colonels maliens, il exhorte le président français, son ami, Emmanuel Macron, et ses pairs européens à en faire davantage au Sahel. Un franc-parler qui va faire plaisir à beaucoup d’Africains. C’est ainsi qu’on les aime, nos chefs d’Etat, quand ils ne s’économisent pas et disent tout haut ce qui se murmure dans les salons présidentiels.
Il précise souhaiter une présence de la force française Barkhane «plus conséquente, des règles d’engagement différentes et plus d’équipements pour nos armées». «Les Occidentaux en opération prennent trop de précautions, ce qui rend difficile la réussite de leurs actions. Ils sont obnubilés par cette idée qu’il faut zéro perte pour réussir. Ils doivent consentir à un peu plus de sacrifices, prendre plus de risques et ne pas être hantés par les pertes», insiste le président nigérien. Depuis 2013, l’armée française a perdu plus de 50 soldats au Sahel. Mais au final, le Mali lui a demandé de quitter le pays avec tout ce que cela comporte en terme d’humiliation.
Mohamed Bazoum réaffirme par ailleurs sa volonté d’un déploiement des forces françaises et européennes dans son pays «à la frontière du Mali et du Burkina». «Nous attendons qu’elles y soient envoyées en nombre, avec des capacités aériennes conséquentes, des règles d’engagement efficaces, des sacrifices, des moyens financiers, avec beaucoup plus d’hélicoptères, de bombes. Nous serons très déçus si, demain, la France et l’Europe positionnent chez nous des forces symboliques pour combattre l’extension du terrorisme», prévient-il.
«Notre frontière avec le Mali est aujourd’hui sous la coupe de l’État islamique au Grand Sahara (EIGS). Bamako n’a pas investi les postes militaires avancés à notre frontière», dit-il. «Le G5 Sahel est mort. Depuis le second coup d’état au Mali (en mai 2021, NDLR), Bamako est dans une fuite en avant qui l’isole en Afrique et nous prive d’une stratégie concertée et coordonnée pour lutter contre le terrorisme», déplore-t-il. Le pouvoir malien a annoncé, dimanche, 15 mai, soir, le retrait du Mali G5 Sahel, y compris de sa force conjointe antidjihadiste lancée en 2017, pour protester contre le refus opposé au pays d’assurer la présidence tournante de cette organisation régionale, qui, pourtant était dirigée par le président du Tchad, lui aussi, issu d’un coup d’état militaire. Comprenne qui pourra !