Mgr Mauricio Rueda Beltz (notre photo), le nouvel ambassadeur du Vatican en Côte d’Ivoire, était en visite à Man depuis le 26 décembre 2024. Il a annoncé, le jour suivant, que le pape François a nommé le cardinal, Jean-Pierre Kutwa, « administrateur apostolique sede plena » au diocèse de Man, ce qui veut dire que Mgr Gaspard Béby Gnéba, titulaire dudit diocèse, demeure à son poste mais voit ses pouvoirs considérablement diminués.
Parmi les nombreuses questions que soulève cette nomination, il y a celles-ci : Mgr Kutwa, qui depuis un certain temps, a du mal à se déplacer et à se tenir debout, accomplira-t-il sa tâche à partir d’Abidjan ou bien emménagera-t-il à Man ? S’il choisit de s’installer à Man, pourra-t-il aisément parcourir les routes et pistes afin de rendre visite aux différentes paroisses ? Pourra-t-il convaincre la majorité des prêtres de Man de mettre balle à terre et de faire la paix avec le successeur de Mgr Joseph Niangoran Téky ? Qu’est-ce qui prouve qu’il réussira là où Mgr Marcellin Kouadio, président de la Conférence épiscopale de Côte d’Ivoire et évêque de Daloa, a échoué ? Quand on a dit publiquement et arrogamment (à Dramane Ouattara et à Laurent Gbagbo) qu’il faut savoir partir et qu’on a déjà fait ses adieux à ses diocésains, peut-on accepter d’administrer un autre diocèse confronté à de sérieux problèmes ? Si Ouattara décide de briguer un quatrième mandat anticonstitutionnel ou bien s’il décide de laisser la place à un frère du Nord (Téné Birahima Ouattara, Adama Bictogo ou Koné Kafana), que dira Kutwa qui a choisi un ébrié comme successeur et qui reprend du service à Man à un âge où le bon sens voudrait qu’il se repose ?
Peut-être certains se demanderont-ils si on peut dire non au pape. Bien sûr qu’un prêtre ou un évêque peut refuser une mission ou une nomination. L’exemple le plus récent, dans ce domaine, est celui de Mgr Paskalis Bruno Syukur, évêque de Bogor (Indonésie). Il faisait partie des personnes qui devaient être élevées au cardinalat, le 7 décembre 2024, mais, il refusa d’être créé cardinal sans que le ciel ne lui tombe dessus.
Mgr Kutwa pouvait donc suggérer au pape de choisir un autre évêque pour montrer qu’il n’est pas attaché au pouvoir, d’une part, et pour être cohérent avec lui-même, d’autre part, car c’est quand même lui, Kutwa, qui a déclaré le 23 novembre 2024 que « les éternels permanents finissent toujours par agacer et l’amour finit par se transformer en haine ». Qui peut écouter et prendre au sérieux un évêque ou un prêtre qui n’applique pas lui-même les leçons qu’il se permet de donner aux autres (politiciens et fidèles laïcs) ?
« L’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres ou, s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont des témoins », disait le pape Paul VI dans l’exhortation apostolique « Evangelii nuntiandi » (8 décembre 1975).
Quand on est parti, on ne revient plus sur la scène d’une manière ou d’une autre. Si je dis que je suis parti et que je me remets en activité, je ne suis qu’un bon comédien, un faux tye et un homme faux.
Par ailleurs, Mgr Kutwa est-il le seul évêque ivoirien capable de ramener la paix dans le diocèse de Man ?
Et si la vraie solution était le départ de Mgr Béby car, si je ne me trompe pas, les problèmes du diocèse de Man ne sont guère différents de ceux de l’archidiocèse de Gagnoa ? Or, Rome avait réglé la crise de Gagnoa en mettant fin aux fonctions de Mgr Joseph Aké. Pourquoi voudrait-on agir différemment à Man ? Le clergé de Man tolérerait-il ce deux poids deux mesures ?
Jean-Claude Djéréké
est professeur de littérature à l’Université de Temple (Etats-Unis).