Le conseil d’administration du Fonds monétaire international (FMI) a confirmé, lundi, 11 octobre, soir, son soutien à sa directrice générale, Kristalina Georgieva, après avoir examiné de manière approfondie les accusations selon lesquelles elle avait manipulé un rapport pour favoriser la Chine lorsqu’elle était en poste à la Banque mondiale. Disons que Kristalina Georgieva a pu sauver sa tête qui était mise à prix par les Américains. Elle a obtenu dans la douleur son maintien au poste de directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), recevant, lundi, 11 octobre, dans la soirée, le soutien du conseil d’administration de l’institution. Cela dit, elle ressort très éprouvée de ces semaines d’investigation. Une expérience très difficile qu’on ne souhaite pas à son pire ennemi.
La question du maintien de Kristalina Georgieva, 68 ans, à la tête du FMI était posée depuis la publication, le 16 septembre, des conclusions d’une enquête du cabinet d’avocats américains, WilmerHale, menée à la demande du comité d’éthique de la Banque mondiale, institution dont les Américains assurent le contrôle total. Le président de la Banque mondiale est toujours américain sauf exception : cas de la Bulgare, Kristalina Georgieva, qui en assura la présidence pour remplacer au pied levé, l’Américain, Jim Yong Kim, qui avait démissionné (sans raison connue), en janvier 2019, après l’avoir présidée pendant six ans. Kim avait annoncé qu’il quittait la Banque mondiale pour aller présider une société privée. Une démission suspecte.
Remplacé par la Bulgare (notre photo) qui était la directrice générale de la Banque mondiale, Jim Yong Kim aurait-il de près ou de loin été associé à cette accusation de favoritisme ?
La Bulgare était accusée d’avoir manipulé un rapport pour favoriser la Chine, des faits qu’elle a toujours niés.
« Le conseil d’administration a estimé que les informations présentées au cours de son examen n’ont pas démontré de manière concluante que la directrice générale a joué un rôle inapproprié concernant le rapport ‘Doing Business 2018’ lorsqu’elle était directrice générale de la Banque mondiale », selon un communiqué du FMI.
« Après examen de l’ensemble des éléments de preuve présentés, le directoire réaffirme sa pleine confiance dans le leadership et la capacité de la directrice générale à continuer à s’acquitter efficacement de ses fonctions », ajoute le texte.
Cette annonce est faite alors que le FMI et la Banque mondiale ont entamé, lundi, 11 octobre, leurs réunions d’automne avec en toile de fond la question de leur intégrité.
Les instances dirigeantes ajoutent qu’elles ont confiance « dans l’engagement » de Kristalina Georgieva « à maintenir les meilleures normes de gouvernance et d’intégrité au FMI ». Le conseil d’administration prévoit, toutefois, de se réunir à l’avenir « pour examiner d’éventuelles mesures supplémentaires visant à garantir la solidité » de l’institution en la matière.
Le conseil d’administration divisé
De son côté, la directrice générale a souligné que cette affaire avait été « un épisode difficile sur le plan personnel » tout en réaffirmant que les faits étaient « infondés ».
« Alors que le FMI se réunit cette semaine, je suis honorée de diriger une équipe aussi talentueuse qui travaille sans relâche pour relever les plus grands défis du monde, de la lutte contre le Covid-19 à la lutte contre le changement climatique et la lutte contre les inégalités économiques », a-t-elle également réagi.
Cette affaire a profondément divisé les 24 membres du conseil d’administration. Si la France, le Royaume-Uni et plus largement l’Europe ont fait part de leur soutien à Kristalina Georgieva, les Etats-Unis se sont montrés plus réticents à renouveler leur confiance.
Kristalina Georgieva a pu sauver sa tête au FMI grâce notamment aux Européens qui ont fait bloc contre les Américains. Ici la patronne du FMI discute avec la présidente de la Commission européenne, l’Allemande Ursula von der Leyen. Le lobby féminin des grandes organisations a été efficace.
Dans un communiqué séparé, la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a indiqué s’être entretenue, lundi, avec la patronne du FMI « pour discuter des graves problèmes soulevés » par cette enquête, qui a généré des « préoccupations légitimes ». Elle a souligné que sa priorité était « de préserver l’intégrité et la crédibilité de la Banque mondiale et du FMI ».
Pour autant, à l’instar d’autres membres du conseil d’administration du FMI, le Trésor a estimé qu' »en l’absence de preuves directes supplémentaires concernant le rôle de la directrice générale, il n’y a pas de base pour un changement de direction » du Fonds.
« Des mesures proactives doivent être prises »
Le FMI a précisé avoir mené un examen « complet » et « objectif » de cette affaire, se réunissant huit fois au total.
Le Trésor a, toutefois, prévenu lundi soir qu’il évaluera « tout fait nouveau ». Washington estime, aussi, que « des mesures proactives doivent être prises pour renforcer l’intégrité et la crédibilité des données au FMI ».
De son côté, le conseil d’administration du FMI a souligné qu’une enquête de la Banque mondiale sur une éventuelle faute professionnelle de salariés dans l’affaire du rapport « Doing Business » était « en cours ».
Kristalina Georgieva avait pris la tête du Fonds le 1er octobre 2019, en remplacement de la Française, Christine Lagarde, qui avait été nommée à la Banque centrale européenne. Elle était alors la seule candidate à ce poste.
Selon un partage des rôles hérité de la création des institutions de Bretton Woods, le Fonds est traditionnellement dirigé par un Européen tandis que la Banque mondiale est aux mains d’un Américain, actuellement, David Malpass.
En 2019, les instances du FMI avaient toutefois dû changer les statuts pour pouvoir entériner la nomination de Kristalina Georgieva, qui dépassait la limite d’âge, alors fixée à 65 ans.