Par Thierry Chargé1
Comme de nombreuses structures influentes, tels les religions (l’église catholique) ou les partis politiques, les francs-maçons se composent à la base de ces organisations d’une grande majorité d’individus honnêtes et idéalistes. Cependant, les dirigeants les plus influents, les plus hauts placés aux postes de pouvoir, sont généralement attirés par l’influence et l’éclat que confèrent les postes d’influence car leur besoin de pouvoir est sou-vent important. Mais quels sont les pratiques légales, illégales et le projet des élites franc-maçonnes ? C’est ce que nous allons examiner à présent.
Les élites franc-maçonnes sont souvent liées à l’extrême droite
Le très secret OPC (Bureau pour la coordination politique) des États-Unis, dirigea différents réseaux dont les Stay Behind, provoqua le prise de pouvoir des juntes latino-américaines (généralement à l’idéologie d’extrême droite), utilisa les hautes instances franc-maçonnes notamment à travers la Loge P2 (dont fit partie Silvio Berlusconi), la mafia, le Vatican 2. Michele Sindona fut le banquier en chef de la Mafia et aussi le fondé de pouvoir du pape Paul VI. Roberto Calvi prit le relais avant d’être pendu. L’exfiltration d’Europe de cer tains agents fascistes fut réalisée par le Saint-Siège, sous la responsabilité de Mgr Giovanni Battista Montini (le futur Paul VI). Depuis sa création, la CIA entretient des relations privilégiées avec le Saint-Siège. Après le dernier Consistoire, ce fut par le biais du Cardinal Avery Dulles, lui même fils de John F. Dulles 3.
Pour créer son réseau européen, Stay Behind, de lutte contre l’extrême gauche, Allen Dulles s’appuya sur la Grande Loge Suisse Alpina. De 1848 à 1914, tous les présidents de la Confédération ont appartenu à la Grande Loge Suisse Alpina. À partir de 1914, « il y eut toujours une majorité de membres au sein du Conseil fédéral qui fut ou membre de la franc-maçonnerie, ou sous influence directe de cette dernière» 4. Cette loge franc-maçonne élitiste dont Jacques Chirac semble avoir été membre. Dans leur livre, Les frères invisibles, Ottenheimer et Lecadre ont écrit à propos de Jacques Chirac : « des maçons de haut grade affirment qu’il a été initié à la Grande Loge Alpina, une obédience suisse très élitiste » 5. En France, le représentant de l’Opus Dei, fut Geoffroy Chodron de Courcel (l’oncle de Bernadette Chirac) 6. L’on comprend mieux que la GLSA ait été élitiste (environ 4 000 membres aux deux tiers francophones) (…). Selon une source fiable mais non recoupée, le gouverneur de la Banque de France, Jean-Claude Trichet, qui fut ensuite directeur de la BCE (Banque Centrale Européenne) est aussi membre de la Grande Loge Alpina 7.
La proportion des partisans de l’extrême droite est plus importante au sein de l’armée, des services secrets (la DRM – Direction des renseignements militaires -, la RDPS, la DGSE). De même, une large partie des mercenaires français défend des idées d’extrême droite. Cette proximité idéologique facilite le passage entre les groupuscules fascistes et ces instances. Par exemple, François de Courcelles a été un haut gradé dans l’armée, au sein de la DGSE, puis, il a travaillé pour François Mitterrand, comme garde du corps pour Madame Pinjeot (la seconde femme de François Mitterrand), puis comme responsable du DPS (le service de sécurité du Front National) et enfin, comme conseiller d’un président africain 8. La proximité des deux acronymes DPS et RDPS n’est pas le fruit du hasard. Les membres du DPS souhaitant ainsi montrer leur filiation au RDPS. Ainsi, on observe une continuité idéologique autour des idées de l‘extrême droite au sein de l’armée, en particulier, les hautes instances de l’Etat Major militaire.
Le réseau des francs-maçons s’avère très utile aux services secrets
Pierre Marion fut franc-maçon et patron de la DGSE (les services secrets) et lorsqu’il les commandait, il dirigeait aussi le « Service Action, relais en France du Stay Behind. Le général Jeannou Lacaze a dirigé ce service, avant de devenir chef d’état-major des Armées et d’engager une interminable carrière de conseiller militaire auprès des dictateurs françafricains. Il est, lui, parfaitement à l’aise à la GLNF » 9, qui est « la très secrète loge La Lyre, non numérotée dans l’annuaire de la GLNF, de peur que des frères encore ingénus ne puis-sent en connaître la composition… » 10. Au sein de la loge La Lyre, Le Général Lacaze « y côtoie notamment deux anciens dirigeants de chez Bouygues, Jean-François Humbert et Pierre Boireau » 11.
« La DST (l’ancêtre de la DCRI) s’est autant servie de la structure (qu’est la loge maçonnique Memphis-Misraïm) que la structure s’est servie de la DST», explique le Grand Maître français de cette loge. Deux espions membres de la DST « se seraient infiltrés dans la Nouvelle Acropole, groupuscule ésotérique paramilitaire. » « L’obédience Memphis-Misraïm est la cible de […] comploteurs d’extrême droite». Les trois grandes obédiences (GO, GLF, GLNF), remarquent encore Ottenheimer et Lecadre, ont subi un “entrisme” d’extrême droite : « À la fin des années 70, elles ont vu affluer dans leurs loges des soldats perdus de l’OAS […] ou du SAC […] venus y trouver un moyen de pour-suivre leurs coups tordus » 12. Pour Verschave, « une autre lecture est possible de cette invasion. La Ve République est née d’un coup d’état voulu par l’Otan, avec la participation d’un réseau Stay Behind très porté sur l’extrême-droite. Celui-ci a mal vécu le retournement réa-liste du Général sur la question algérienne. Mais Jacques Foccart, en liaison avec l’Otan, n’a eu de cesse de récupérer pour ses barbouzeries françaises et africaines ces hommes de main prompts à toutes les besognes – moyennant un stage, par exemple, auprès des régimes rhodésien ou sud-africain d’apartheid, ou dans le ranch de Denard au Gabon » 13. « Tous les services officiels (de l’Etat) étaient systématique-ment noyautés » (par les francs-maçons), reconnaît Fred Zeller, ancien Grand Maître du GO, qui a présidé la fraternelle des policiers : « en consultant notre fichier, je m’aperçus que le nombre de policiers était considérable. Je ne pouvais toutefois pas m’y retrouver entre les honorables correspondants du Sdece et les gens du SAC» 14.
La plus célèbre des “infiltrations” est celle réussie par Michel Baroin. Ce jeune et brillant commissaire des Renseignements généraux réussit à devenir Grand Maître du Grand Orient de France, en même temps que le patron d’une grande mutuelle, la GMF. C’était aussi un banquier, un libraire (la Fnac), un homme d’affaires, un diplomate parallèle. Michel Baroin était « proche de Jacques Chirac» 15. Il est décédé dans un accident d’avion, dans des circonstances plus que suspectes.
Le réseau des francs-maçons est utile pour les affaires et la Françafrique
Les membres de la loge La Lyre sont allés « à Brazzaville célébrer l’élévation au titre de Grand Maître d’un vaillant combattant du mon-de libre et du pétrole, l’ex-marxiste Denis Sassou Nguesso, dont le retour au pouvoir s’est corsé d’une rafale de crimes contre l’humanité » 16.
Durant la guerre froide, « la France avait pour mission de contrôler ses anciennes colonies africaines. La franc-maçonnerie, plus spéciale-ment la GLNF, a été instrumentalisée à cet effet, c’est donc une des raisons pour laquelle elle doit rester cachée. Yves Trestournel ne le cache pas : « Si les dirigeants français veulent comprendre quelque chose à l’Afrique, il faut qu’ils s’adressent aux maçons… Pasqua en sait quelque chose !» 17.
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1 Thierry CHARGÉ est sociologue.
2 GANSER Danièle, 2007, Les armées secrètes de l’OTAN; Réseaux
Stay Behind, Gladio et Terrorisme en Europe de l’Ouest, éditions
Demi-Lune.
3 VERSCHAVE 2003, p. 37.
4 BERT Éric, La Suisse et la Franc-maçonnerie, in Alias du
10/04/2000. Albin Michel, 2001.
5 VERSCHAVE, 2003, p.36 et 47.
6 VERSCHAVE, 2003, p. 72.
7 VERSCHAVE François-Xavier, 2000, Noir Silence, Les arènes
8 VERSCHAVE, 2003, p. 74.
9 OTTENHEIMER, 2001, p. 175.
10 VERSCHAVE, 2003, p. 74.
11 OTTENHEIMER, 2001, p. 65.
12 VERSCHAVE, 2003, p. 76.
13 ZELLER Fred, Trois points c’est tout, Robert Laffont, 1976
14 OTTENHEIMER, p. 270
15 VERSCHAVE, 2003, p. 74.
16 DE VILLENEUVE Christian, Les francs-maçons des années Mitter-rand, Grasset, 1994. p. 200.
17 VERSCHAVE, 2003, p. 75