S’adressant aux ambassadrices et ambassadeurs français, le 6 janvier 2025, Emmanuel Macron (notre photo) a reproché aux Africains de ne pas être reconnaissants pour ce que son pays aurait fait pour nous.
J’utilise le conditionnel car je ne vois pas le positif que la France nous aurait apporté et dont elle devrait se targuer. Par exemple, la Côte d’Ivoire n’a jamais connu d’alternance pacifique, le président sortant félicitant son successeur et lui cédant la place alors que c’est monnaie courante au Ghana. Dans ce cas précis, la France peut-elle se montrer aussi fière que l’Angleterre ? Devrions-nous lui dire Merci pour ce déficit de tranquille passation de pouvoir ?
Devrions-nous lui dire Merci pour tout ce qui a été fait contre nous (esclavage, colonisation et coups tordus de la Françafrique) ?
Devrions-nous lui dire Merci pour les 300 anciens combattants africains qu’elle massacra le 1er décembre 1944 au Camp de Thiaroye ?
Devrions-nous lui dire Merci pour des milliers d’Upécistes assassinés au Cameroun pour empêcher la véritable indépendance de ce pays ? Jusqu’à ce jour, François Hollande, puis, Emmanuel Macron, peinent à mettre, à la disposition des chercheurs et historiens camerounais, des archives concernant les massacres pendant cette douloureuse période. Ils créent des commissions dans ce sens qui ne fournissent aucun résultat parce qu’en réalité, ils cachent la vérité qu’on saura forcément un jour.
Un buffle blessé a-t-il déjà remercié un chasseur de lui avoir donné des coups mortels ?
Accuser les Africains d’ingratitude, c’est non seulement verser dans l’indécence mais parler en désordre. Et, si Macron débite des stupidités, c’est parce que Jupiter rend fous ceux qu’il peut perdre, parce que la France est en perte de vitesse dans ses ex-colonies, parce que ni lui ni ses semblables n’avaient imaginé que des Africains dignes et fermes comme Ibrahim Traoré (le président de transition du Burkina Faso), Assimi Goïta (président de transition du Mali) et Abdourahamane Tiani (président de transition du Niger) humilieraient la France et lui tiendraient tête.
Que Macron comprenne que l’arrogance française trouvera désormais sur son chemin des Africains debout et déterminés et que son « goumin » (chagrin) ne fait que commencer car la Côte d’Ivoire est le prochain pays d’où l’armée française sera chassée.
Jean-Claude Djéréké
est professeur de littérature à l’Université de Temple (Etats-Unis).