L’ancien banquier d’affaires de l’Elysée pour qui un « centime est un centime » et son premier ministre, qui, contre vents et marées, entendaient faire appliquer cette fâcheuse disposition de l’augmentation vertigineuse des droits universitaires pour les étudiants non-européens, dont la conséquence immédiate, était l’éloignement encore plus de l’université française de l’attractivité internationale, en ont eu pour leur grade. Les Sages du Conseil constitutionnel leur ont dit « Niet » ! Le principe de la gratuité de l’enseignement supérieur en France doit être maintenu pour assurer l’égalité de tous à faire des études supérieures. Bien fait pour l’exécutif qui est pourfendé depuis plus d’un an par les Gilets Jaunes de (toujours) prendre chez les petits et les moins nantis pour accroître (toujours et toujours) la fortune des plus riches.
L’arrêt du Conseil constitutionnel, du vendredi, 11 octobre, annule donc de fait le fameux arrêté sur la hausse des frais universitaires, décidé par le gouvernement, pour les étudiants étrangers (hors Union européenne), et qui suscitait l’ire de la communauté universitaire depuis près d’un an.
A la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) invoquée par un collectif d’associations étudiantes et professionnelles en juillet dernier, les Sages ont tranché. Dans leur décision, ceux-ci ont estimé « de façon inédite » que « l’exigence constitutionnelle de gratuité s’applique à l’enseignement supérieur public », remettant ainsi en question l’augmentation des droits d’inscription décidée par l’exécutif, en novembre 2018, pour les étudiants extra-communautaires.
En septembre dernier, seules sept universités – sur 75 – ont décidé de mettre en place ce principe de « droits différenciés ». Elles devront, immédiatement, revenir à la position ante. L’augmentation portait à 2 770 euros (1.814.350 F CFA) l’inscription en licence, et 3 770 euros (2.469.350 F CFA) l’inscription en master, contre 170 (111.350 F CFA) et 243 euros (159.165 F CFA) pour les étudiants français et européens. De la discrimination pure et simple !
D’autres universités, à l’instar de Clermont-Auvergne, Aix-Marseille, Toulouse Jean-Jaurès, Lyon 2 (Lumière), Paris-Nanterre et Rennes 2, fermement, opposées à la réforme, s’en sont tenues au statu quo. « On souhaitait éviter de recourir aux droits différenciés dans la mesure du possible en décidant d’exonérer tous ceux qui devaient y être soumis », explique Nathalie Dompnier, présidente de l’Université Lyon 2. Comme elle, la majeure partie des universités françaises ont utilisé la brèche d’un décret datant de 2013 leur permettant d’exonérer 10 % de leurs étudiants afin de ne pas avoir à augmenter les droits d’inscription des étudiants extra-communautaires.
« Personnellement, je suis dans l’expectative », réagit-elle à la décision du Conseil constitutionnel. « L’affirmation de la gratuité y compris pour l’enseignement supérieur est un élément décisif pour la suite, certes, mais il y a toujours de grosses interrogations, notamment autour des droits d’inscriptions ‘modiques’ annoncés dans la décision ».
En effet, le Conseil constitutionnel précise que « cette exigence ne fait pas obstacle, pour ce degré d’enseignement, à ce que des droits d’inscription modiques soient perçus en tenant compte, le cas échéant, des capacités financières des étudiants ». Cependant, la question est de savoir si ces « capacités financières des étudiants » seront évaluées au regard de la feuille d’impôt de leurs parents laissés en Afrique, en Amérique, en Asie ou en Australie ? Autant dire qu’une telle disposition est inenvisageable et que la gratuité sera de fait et de plein droit appliquée à tous les étudiants. Et c’est bien ainsi !
Cela dit, après avoir salué une décision « historique » permettant d’avoir des « bases solides » pour « faire avancer la cause des étudiants étrangers », Mélanie Luce, présidente de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF, syndicat de gauche), principal syndicat étudiant explique, quant à elle, que « la bataille est désormais sur la définition de ce que signifie ’modique’.
« J’espère que l’on ne va pas considérer que 3 770 euros est une somme modique », déclare-t-elle avec une pointe d’ironie. « C’est une somme qui peut faire toute l’année universitaire, voire plus, à un étudiant pour se restaurer. Aucune aide étudiante ne permettrait de couvrir ce montant, et c’est bien plus que ce que chacun peut recevoir par le biais des aides au logement ».
Les Sages ont, par ailleurs, fait le choix de laisser à l’exécutif la faculté de fixer, seul, le montant des droits d’inscription. Bonne nouvelle pour les associations. « Avec ce garde-fou constitutionnel, il ne sera plus [possible] pour l’exécutif de procéder à une augmentation généralisée et importante des frais d’inscription dans l’enseignement supérieur », se félicitent, notamment, l’UNEF, le SNESUP-FSU, Solidaires ou FO. Tous s’inscrivent dans la mouvance de la gauche.
« C’était justement l’esprit de la loi de 1951 que de maintenir des droits d’inscription très bas et de limiter leur modulation », ajoute Mélanie Luce. « On ne peut pas laisser toute latitude au gouvernement, et on ne doit pas le laisser prendre et publier des arrêtés en catimini sans débat public à l’Assemblée nationale et au Sénat », insiste-t-elle. A un moment où le gouvernement (des économies) d’Edouard Philippe fait la chasse à ce qu’il considère comme « gaspillage », les étudiants et leurs syndicats devront être, particulièrement, vigilants. Et descendre dans la rue le cas échéant.
Il appartient, désormais, au Conseil d’Etat de décider de ce qui se passera pour les étudiants extra-communautaires. La plus haute juridiction administrative doit statuer d’ici quelques mois, et sa décision est espérée par les associations et syndicats pour le premier trimestre 2020. Mais la voie à suivre a, d’ores et déjà, été tracée par les Sages et le Conseil d’Etat n’inventera pas le fil à couper le beurre.
« En attendant, on demande aux universités de maintenir l’exonération des frais d’inscription des étudiants étrangers cette année et l’année prochaine », explique Mélanie Luce, précisant que la hausse des droits d’inscription fait l’objet d’un « très grand désaveu » de la communauté universitaire. « Personne, dans les universités, n’a soutenu cette mesure : ni les présidents d’universités, ni les étudiants, ni les enseignants, ni les personnels », ajoute-t-elle, invitant l’ensemble de ces acteurs à tenir bon. « Que ce soit par décision juridique ou par décision du gouvernement, on veut obtenir l’annulation de cet arrêté et l’abandon des mesures discriminatoires ». Emmanuel Macron va reculer dans ce dossier. Il ne pourra, guère, s’octroyer le luxe d’ une contestation estudiantine (qui est toujours fatale pour le pouvoir en place) alors qu’il cherche sa réélection en 2022 avec une torche.
De son côté, Nathalie Dompnier, qui s’est, récemment, rendue à une table ronde organisée à Lyon par des associations d’étudiants étrangers, assure que la mobilisation est toujours forte. « Cette décision est un premier pas non négligeable », concède-t-elle, « mais il est trop tôt pour crier victoire ».