Sitôt nommé le 6 mai, le premier ministre Jean-Pierre Raffarin n’a mis que vingt-quatre heures pour former le « gouvernement de mission » que le président Jacques Chirac avait promis à la France. Ancien secrétaire général de l’Elysée, Dominique Galouzeau de Villepin s’occupera des Affaires étrangères, de la Coopération et de la Francophonie. Un très grand dossier si au lendemain des législatives des 9 et 16 juin, le chef de l’Etat n’approuve pas la nomination d’un ministère délégué à la Coopération et à la Francophonie.
Né en 1953, le nouveau chef de la diplomatie française est un ancien élève de l’Ecole nationale d’administration (ENA) promotion Voltaire. Son passage à la faculté de lettres et de droit où il a obtenu une licence, et à l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris, lui a donné une certaine aisance dans l’écriture. Après avoir été directeur de cabinet d’Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères entre 1993 et 1995, il s’est retrouvé secrétaire général de l’Elysée après la victoire de Jacques Chirac à la présidentielle de 1995, ce qui ne l’a pas contrait pour autant à sacrifier son talent d’écrivain : pendant ses heures creuses malheureusement rares, il noircit les feuilles avec des poèmes d’une densité senghorienne.
Dominique Galouzeau de Villepin arrive au Quai au moment où la grande majorité des chefs d’Etat africain ont « voté » leur ami Jacques Chirac alors que les peuples africains, en général, misaient discrètement sur une victoire de Lionel Jospin et de la Gauche à la présidentielle. Autant donc dire que la coupure commence à être nette entre la base et le sommet en Afrique. En tant que chef de la diplomatie française, qui connaît suffisamment Chirac au point d’anticiper certaines de ses réactions, il n’est pas inutile de dire qu’il faudra qu’il tienne compte de cette donne politique en Afrique.
D’autre part, les Africains d’Afrique ne « sentent » plus la France. Quel que soit le rang qu’on a dans son pays, on n’est jamais à l’abri d’une humiliation dans un consulat français. Jean-Pierre Chevènement, Hubert Védrine et leur patron, Lionel Jospin, il est vrai, avaient œuvré dans le sens de l’ « humanisation » de la politique des visas. Mais malgré cet effort, on est encore bien loin du compte (lire l’article « Idées neuves » de Gérard Simon, ancien ambassadeur de France, page 18).
L’université française accueille aujourd’hui plus facilement des Européens de l’Est, des Américains du Sud et des Asiatiques que les francophones d’Afrique. On a qu’à voir les moyens déployés, vers ces parties du monde, par une agence comme Edufrance pour attirer les étudiants étrangers non africains pour se convaincre de la marginalisation du continent noir. A cet égard, on ne dénoncera jamais assez la politique méprisante et hautaine d’un Claude Allègre envers l’Afrique noire pendant ses quatre années passées rue de Grenelle. Son successeur Jack Lang n’a pu que constater les dégâts pendant ses douze mois passés au ministère de l’Education. En Afrique, personne ne comprend que la France finance lourdement la francophonie (pour sauver sa langue) et en même temps néglige l’instruction des premiers locuteurs de cette langue qui en sont les premiers défenseurs dans le monde avant les Français eux-mêmes.
Les urgences sont nombreuses : le sida, le mauvais effet des politiques d’ajustement structurel sur les masses laborieuses et démunies du continent africain, la dégradation rapide des écosystèmes, la prolifération des armes légères, etc., voilà autant de problèmes auxquels Dominique Galouzeau de Villepin devra faire face. En espérant qu’il y donnera des suites à la hauteur des attentes qui sont, comme on peut imaginer, loin d’être négligeables.
Jean-Paul Tédga