La France ment à elle-même. Dans le secteur de l’aide au développement comme dans d’autres compartiments de sa coopération avec l’Afrique, elle est en chute libre. Pas dans les discours où son grand expert en communication et banquier d’affaire de l’Elysée, réussit, souvent, devant ses homologues africains, à dire comment Paul est bien habillé alors que tout le monde le voit nu. Le Projet de loi de finances (PLF) pour 2021 n’échappe pas à cette démagogie ambiante qui se transmet de président en président, qu’ils soient de droite, de gauche, du centre, en attendant l’extrême-droite. Présenté au Conseil des ministres, le PLF prévoit une hausse de 680 millions d’euros pour les crédits dédiés à la mission de l’Aide publique au développement (APD) et au Fonds de solidarité pour le développement (FSD). C’est juste de la poudre aux yeux quand on sait que la crise mondiale due au coronavirus a changé, nettement, la donne avec un impact social et économique massif sur les pays africains. Ce qu’il y a lieu de faire, c’est une action digne de ce nom sur la dette des pays les plus pauvres, et une révision de l’APD à la hausse. Mais de cela, le jeune président est totalement incapable.
C’est vrai qu’il n’appartient pas à la France de s’occuper du développement des pays africains à la place des Africains. Mais quand on regarde son ingérence à travers ses pratiques françafricaines dans ces pays, lesquelles engendrent la malgouvernance avec aujourd’hui sa cohorte de 3e mandat (que Paris encourage par exemple en Côte d’Ivoire), l’absence de la démocratie et la justice totalement aux ordres du chef de l’Etat, on se dit que la fin de l’immigration (non choisie mais obligée) des Africains vers la France, à cause du soutien des dictateurs africains par cette même France, n’est pas pour demain. Et ce « savoir-faire » à la française se transmet de président en président depuis les années 60, qu’ils soient de droite (de Gaulle, Pompidou), de gauche (Mitterrand, Hollande), du centre (Giscard, Macron), et bientôt, d’extrême-droite (Le Pen).
Comme l’indiquent Coordination SUD et la patronne d’Oxfam, Cécile Duflot, le coronavirus va faire tomber 100 millions d’Africains supplémentaires dans l’extrême pauvreté.
Et Mme Duflot d’ajouter que « L’Afrique subsaharienne notamment pourrait voir un retour en arrière dramatique de 30 ans dans le combat contre la pauvreté », ce qui compromet encore plus l’atteinte des objectifs de développement durable (ODD) prévue pour 2030.
Pour soutenir les Etats les plus pauvres, les Nations-Unies appellent à la mobilisation de plus de 500 milliards de dollars additionnels.
On a fait les calculs à Coordination SUD et on trouve qu’au regard du poids de la France dans l’économie mondiale, et relativement aux estimations des besoins par les Nations-Unies, la juste contribution française devrait représenter une mobilisation de 14,5 milliards d’euros supplémentaires d’aide au développement. Ce qui est à des années lumière des (petits) 680 millions d’euros que la France alloue comme si les pays du Sud avaient besoin de s’acheter des cacahuètes alors qu’ils demandent à financer de véritables politiques de développement. Président de Coordination SUD, Philippe Jahashan (sur notre photo avec Cécile Duflot) se montre compréhensif tout en restant ferme sur les besoins d’aide : « Nous appelons le gouvernement et les parlementaires à accroître encore leur mobilisation pour la solidarité internationale en injectant davantage de moyens pour l’APD. Nous sommes conscients des difficultés économiques que traverse également notre pays et des efforts consentis pour maintenir la trajectoire de l’APD actée en 2018, mais nous pensons qu’on ne peut plus se suffire des engagements pré-crise. La donne a totalement changé, nous sommes entrés dans une rupture majeure et historique qui doit être traitée à la bonne hauteur. Le combat contre les conséquences mondiales de la pandémie ne pourra se gagner durablement sans une part ajustée à la hausse pour la solidarité internationale. Il en va de la stabilité du monde et de notre propre intérêt ».
En réalité, l’Afrique n’a pas besoin de l’aumône de la France ni de qui que ce soit. Pour se redresser durablement, l’Afrique demande juste que la France cesse de soutenir les dictateurs qui l’appauvrissent et qui font affaire-affaire avec ses dirigeants et ses patrons de grands groupes, pour le malheur des peuples africains. Avec un marché d’un milliard de consommateurs (même sans pouvoir d’achat conséquent) et un sous-sol encore à l’état de nature, l’Afrique est capable de trouver ses marques pour prendre son destin en main.