FRANCE : Le plus vieux métier du monde mis à mal par une loi contestée

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La CEDH (Cour européenne des droits de l’homme) valide la loi française sur la prostitution : Aline Peugeot, ex-prostituée bien que membre de la grande famille du constructeur automobile Peugeot, dénonce une décision prise sans écouter la voix des intéressées.

La loi française de 2016 sur la prostitution, qui pénalise les clients, a eu de lourdes conséquences pour les travailleuses du sexe.

Contraintes à la clandestinité, les personnes prostituées sont davantage exposées aux agressions et aux infections sexuellement transmissibles. Leurs conditions de travail se sont aussi dégradées : face à la baisse du nombre de clients, elles sont souvent obligées d’accepter des pratiques qu’elles auraient refusées auparavant ou des tarifs à la baisse.

Face à cette situation, 261 hommes et femmes prostitué.e.s ont saisi la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), avec le soutien d’une vingtaine d’associations.

Le 25 juillet dernier, la CEDH a rendu son verdict : selon la Cour, la loi du 13 avril 2016 ne viole pas la Convention européenne des droits de l’homme. Les clients des prostitué.e.s restent donc toujours passibles d’une amende de 1.500 euros (3.750 euros en cas de récidive). Pour Aline Peugeot, de la famille des industriels automobiles du même nom, cette décision est une aberration. Cette ancienne prostituée, connue pour son « parler vrai », déplore que la voix des principales intéressées ne soit pas entendue.

« Je regrette qu’on écoute des parlementaires qui ne connaissent absolument rien au problème de la prostitution puisqu’ils ne l’ont pas vécue ! Actuellement, les seules informations dont ils disposent sont filtrées par des associations abolitionnistes telles que Le Nid. D’autant plus qu’ils créent des inégalités dans le milieu puisque les personnes frontalières peuvent aisément pratiquer en toute légalité hors de France. Parler de « désir  » démontre à quel point les décisionnaires ne connaissent pas le sujet, car une « passe » a pour but de satisfaire le client, comme pour toute transaction d’ailleurs. L’affinité ou l’attirance n’entrent absolument pas en ligne de compte ! Les prostituées ne sont pas toutes des nymphomanes, le but et l’intérêt premier de l’activité étant financier. »

Une priorité : intégrer les retours et les constats des personnes prostituées.

Pour Aline Peugeot, c’est une évidence : ceux et celles que l’on nomme « le peuple » ne sont jamais pris en considération. Engagée à leurs côtés, elle utilise sa notoriété pour porter leur parole et contribuer à faire bouger les lignes.

Dans un contexte marqué par la précarité économique, alors que de plus en plus de jeunes femmes la contactent car elles envisagent de se prostituer pour boucler leurs fins de mois, Aline Peugeot tord le cou à une idée reçue : non, pénaliser les clients ne mettra pas un terme à la prostitution.

La loi de 2016 ne supprime pas le problème, elle le déplace et elle l’aggrave. Car elle a un effet pervers : en poussant les prostituées et leurs clients à la clandestinité, elle exacerbe la violence inhérente à ce milieu.

« Les agressions, les vols, les pressions pour refuser le port du préservatif se multiplient. Il est aussi devenu beaucoup plus difficile pour les associations d’aller à la rencontre des prostituées pour les aider à s’en sortir. »

A contre-courant de la mouvance abolitionniste, et parce qu’elle a travaillé durant 20 ans dans une maison close de Strasbourg, Aline Peugeot privilégie une approche pragmatique de la question de la prostitution.

Elle se déclare notamment favorable à sa légalisation et à sa reconnaissance, afin de créer un cadre véritablement sécurisé pour les travailleuses du sexe. Ce qui implique notamment, pour éviter toute situation irrégulière, une réelle prise en compte de ce métier, sans discriminations, par les administrations.

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