FRANCE-TOGO : François Hollande et Faure Gnassingbé : Main dans la main

Date

Le chef de l’Etat du Togo, Faure Gnassingbé, a effectué une visite officielle, en France, les 14 et 15 novembre 2013. A la fois politique, diplomatique et économique, ce séjour, qui lui a permis de s’entretenir avec le président français, François Hollande, va relancer la coopération bilatérale entre les deux pays.

New York, lundi 18 novembre 2013. le Togolais, Koffi Kumelio A. Afande, est élu juge permanent au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), au deuxième tour du scrutin, avec 108 voix, soit 10 voix au-dessus de la majorité simple. Cette victoire, qui, certes, est à mettre sur le compte de son mérite personnel, mais aussi, à la bonne image que le Togo projette aux Nations-Unies, et singulièrement, au Conseil de sécurité où il siège, pour deux ans, depuis le 1er janvier 2012, comme membre non permanent, est d’autant plus éclatante que Koffi Kumelio A. Afande avait en face de lui, deux rivaux de poids : la très expérimentée juge australienne, Gabrielle Mc Intyre, qui n’a obtenu que 56 voix et son confrère estonien, Pavel Gontsarov, qui en a eu 25.

Ce succès diplomatique est arrivé trois jours, après la visite de travail et d’amitié très réussie que le chef de l’Etat togolais, Faure Gnassingbé, a effectuée, les 14 et 15 novembre, en France. Une visite officielle qui a démenti les spéculations qui tendaient à faire croire que les relations entre la France et le Togo ne sont pas au beau fixe juste parce que le président togolais n’avait pas encore été reçu, à l’Elysée. Pour tant, les deux hommes d’Etat se connaissent et se parlent. Pour preuve, en marge de la 67e Session de l’Assemblée Générale des Nations-Unies, ils s’étaient entretenus, le 26 septembre 2012, à New York, sur des sujets d’intérêt commun qui ne manquent pas quand on sait qu’au-delà du fait qu’il est le président d’un pays membre non permanent du Conseil de sécurité, Faure Gnassingbé assurait, également, la présidence en exercice, depuis mai 2011, de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) qui compte huit pays partageant la même monnaie, le F CFA, à savoir, le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo.

Sans verser dans une autosatisfaction ou dans une suffisance béate, le Togo – on peut le dire – peut se réjouir d’avoir atteint certains de ses objectifs au Conseil de sécurité grâce à la coopération privilégiée qu’il entretient avec le gouvernement français et à l’harmonisation constante de leurs positions vis-à-vis des questions internationales de l’heure. S’il ne faut pas négliger le lien historique qui existe entre les deux Etats et qui semble de facto les rapprocher, c’est la volonté de deux pays qui se sont engagés, sur tout, pour la paix en Afrique, qui s’est imprimée dans la résolution de plusieurs crises, celles que connaissent, par exemple, la Guinée Bissau et le Mali, principalement. Comme le disait François Hollande, lors de son intervention devant la 67e session de l’Assemblée Générale des Nations-Unies, « siéger au Conseil de sécurité, c’est prendre l’engagement d’agir pour la paix dans le monde ». Le Togo a fait sienne cette maxime.

En effet, les autorités françaises et togolaises ont maintenu un dialogue fructueux sur l’ensemble des affaires examinées au Conseil de sécurité et, l’accalmie relative que connaît, aujourd’hui, le Mali est le fruit de la synergie d’action des deux Etats. Plusieurs textes de résolution ou de déclarations à la presse négociés au sein du Conseil de sécurité, ont souvent été l’objet de discussions préalables entre les deux délégations des deux pays. Le partenariat va même plus loin : les textes proposés par l’un des Etats sont souvent coparrainés par l’autre, ce qui dénote de l’importance d’une voix au Conseil. Ainsi, le 12 octobre 2012, le Conseil de sécurité a adopté à l’unanimité, la résolution 2071 présentée par la France et coparrainée par le Togo et d’autres pays, appelant les groupes armés au Nord-Mali à se dissocier des mouvements terroristes, sous peine de sanctions. De même, le Togo et la France ont coparrainé, entre autres, la résolution 2085 (2012) du 20 décembre 2012 qui autorise, en ver tu du chapitre VII de la Charte des Nations-Unies, le déploiement d’une force internationale sous conduite africaine, pour aider les forces armées et de sécurité maliennes à restaurer la souveraineté de l’Etat et l’intégrité territoriale dans les régions de Gao, Tombouctou et Kidal. La résolution 2100 (2013) du 25 avril 2013, par laquelle le Conseil de sécurité a décidé, en ver tu du Chapitre VII de la Char te des Nations-Unies, de créer une Mission multidimensionnelle intégrée des Nations-Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), qui comprendra un effectif total allant jusqu’à 12.640 casques bleus et policiers. Cette collaboration s’est également traduite dans d’autres questions comme la piraterie à propos de laquelle la résolution 2039 (2012) du 29 février 2012, initiée par le Togo et coparrainée par la France, a été adoptée à l’unanimité des membres du Conseil. Il faut aussi rappeler que suite à la demande d’aide formulée par le Mali, les troupes togolaises ont été parmi les premières aux côtés de la France. Que d’exemples sur des questions diverses pour illustrer l’étroite collaboration qui existe entre les gouvernements togolais et français au Conseil de sécurité des Nations-Unies. Les fruits de la symbiose des positions française et togolaise, ne sont plus à démontrer. C’est dans cet état d’esprit, d’ailleurs, que le chef de la diplomatie togolaise, Robert Dussey, avait eu une séance de travail, le 17 octobre dernier, au Quai d’Orsay, avec son homologue, Laurent Fabius. Les deux responsables politiques ont fait le tour d’horizon de cette relation, avant de dessiner les contours de la visite que le chef de l’Etat togolais allait effectuer, en France, un mois, plus tard.

« Aujourd’hui, il n’y a pas lieu de se demander si notre pays peut assumer ses prises de décisions contraires aux positions des ‘puissants’, au regard de sa taille. Ce qui est important, c’est la voix que représente un Etat au Conseil. Les Etats ne sont pas au Conseil de sécurité pour des gains matériels ou financiers. Il y est question, au contraire, de défendre une éthique, une morale, une justice et notre pays a fait montre de sa capacité d’assurer ses responsabilités », relève le ministre togolais des Affaires étrangères, Robert Dussey.

Ce n’est pas courant que François Hollande se montre détendu et souriant quand il tient un point de presse, à l’issue d’une audience accordée à un chef d’Etat. C’est rarement le cas quand il s’agit d’un chef d’Etat africain. Généralement, il affiche une mine grave au regard des sujets traités. Plusieurs chefs d’Etat africains n’ont pas souvent eu la faveur de se retrouver avec leur homologue français, avant de faire face au feu des questions des journalistes, à leur sortie de l’Elysée. Quand un chef d’Etat est qualifié de peu recommandable, ce qui est le cas pour beaucoup de chefs d’Etat africains, c’est même à peine que le président français lui adresse un sourire devant les photographes au moment où il gravit la dernière marche de l’Elysée. Avec le président togolais, François Hollande a montré, en serrant la main de son hôte, pendant plusieurs secondes, qu’il éprouvait, vraiment, du plaisir à le recevoir. Une fois, à l’intérieur, les deux chefs d’Etat se sont isolés pour un tête à tête, qui a précédé la traditionnelle séance de travail qui réunit, autour de la grande table de travail, les deux délégations. Mieux encore, après cette étape, François Hollande est venu, accompagné de son invité, s’adresser aux journalistes, comme pour souligner l’identité de vues et la convergence des positions entre la partie française et la partie togolaise, sur les sujets abordés. On a souvent vu François Hollande éviter de s’afficher à côté de ceux qu’on qualifie généralement de « dictateurs ». Avec Faure Gnassingbé, il était parfaitement à l’aise. Et qu’a-t-il déclaré à la presse ?

Comme pour dire qu’il n’y a pas que les journalistes qui ne s’attardent pas sur les trains qui arrivent à l’heure (car ce n’est pas une information si un train arrive à l’heure ; il est fait pour cela), le président français, côte à côte de son homologue togolais, devant la presse, après leurs 45 minutes d’entretien, a sur volé le volet diplomatique de la rencontre, pour mettre l’accent sur le partenariat économique : « Quelques mots pour dire que j’ai accueilli le président du Togo. Nous avons évoqué les questions de sécurité en Afrique de l’Ouest. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors du Sommet qui sera organisé, au mois de décembre, entre la France, l’Europe et l’ensemble des pays africains. Là-dessus, je sais le rôle que joue le Togo, l’appui qui a été donné à l’action internationale que nous avons engagée au Mali. Il y a des forces togolaises qui sont présentes dans le cadre de la Minusma. Nous avons aussi une coopération économique qui a été encore renforcée ces dernières heures par rapport au Port autonome de Lomé. L’Agence française de développement (AFD) joue tout son rôle ; les entreprises françaises répondent à des appels d’offre qui peuvent leur être lancés, en sachant que l’économie togolaise est dynamique mais, qu’en même temps, ses ressources restent limitées ». Pour montrer aux journalistes qu’il parlait concret et qu’il y avait des signes de partenariat économique fécond entre les deux pays, il a repris la parole, une deuxième fois, après avoir laissé son hôte donner son sentiment sur la synergie entre la France et le Togo : « Hier, le président (togolais) était en Bretagne, où il était dans les chantiers de Lorient, pour la livraison de patrouilleurs. La sécurité maritime lui a, aussi, été exposée. La Bretagne est une région dynamique qui, même si elle connaît des difficultés, a aussi des commandes et peut avoir un avenir. C’est le sens de ce que nous faisons aussi et je suis heureux que vous ayez pu le constater ».

En réalité, la visite officielle du président togolais était beaucoup plus axée sur des sujets d’intérêt économique même si la politique pour ce genre de rencontre a toujours droit de cité. Faure Gnassingbé a, ainsi, reçu une délégation d’une dizaine de patrons du Medef, à son hôtel, le 15 novembre, sous la conduite de Michel Roussin. Il a, aussi pu, s’entretenir avec le président du groupe Castel, Pierre Castel, propriétaire des Brasseries du Bénin, et avec Anne Paugam, directrice générale de l’AFD, qui va, dans les prochains mois, accroître ses interventions au Togo. L’ancienne présidente d’Areva, Anne Lauvergeon, a, également, été reçue par le président togolais. Membre du conseil d’administration du groupe EADS et du Conseil présidentiel (togolais) pour l’investissement, Anne Lauvergeon va dynamiser son rôle de « go between » que les autorités togolaises souhaitent la voir jouer auprès des industriels et opérateurs économiques français.

Le 14 novembre, premier jour de sa visite, en France, Faure Gnassingbé s’est déplacé à Ergué-Gaberic, près de Quimper, pour visiter la nouvelle usine de batteries électriques, Blue Solutions du Groupe Bolloré, en présence de son fondateur, Vincent Bolloré. Le président s’est, également, rendu, à Lorient, pour visiter les deux patrouilleurs destinés à la Marine togolaise, en construction, au chantier naval, Raidco Marine, et saluer, par la même occasion, les ouvriers dudit chantier.

Autrement dit, le président a passé la grande partie de son séjour à parler de partenariat économique. Cela dit, le succès de cette visite se mesure à l’aune de la franche collaboration et de la convergence de vues qui prévalent entre la France et le Togo, ce qui n’a pas été démenti au Conseil de sécurité où les deux pays ont souvent affiché les mêmes positions sur les grandes questions qui touchent à la paix et à la sécurité internationale. Voilà pourquoi, à côté de son homologue, face à la presse, Faure Gnassingbé pouvait, fièrement, affirmer : « J’ai voulu rendre hommage à la France et au président François Hollande pour son engagement aux côtés de l’Afrique. Son engagement qui a permis de sauver le Mali, mais qui va au-delà. Je l’ai félicité pour la Conférence qu’il a convoquée au mois de décembre pour la paix et la sécurité, parce que nous devons tirer toutes les leçons de ce qui s’est passé au Mali. Si nous étions tentés de l’oublier, la situation en RCA vient nous rappeler que cela peut se reproduire demain, par tout, dans d’autres pays. Il est important que, si cette fois-ci, la France est accourue à notre aide, demain, le continent africain puisse se doter des moyens et des capacités militaires qui lui permettent de répondre à ces défis-là. L’Afrique doit prendre toute sa place dans la lutte contre le terrorisme international. Je me suis, également, félicité de la collaboration qu’il y a entre la France et le Togo, au Conseil de sécurité des Nations-Unies. Nous avons eu des convergences de points de vue sur pratiquement toutes les questions depuis le Mali, la question de la Syrie et la question de la RCA. J’ai prié le président Hollande de se faire l’avocat de la RCA, de se faire l’avocat de l’Afrique, de façon à ce que ce pays ne tombe pas dans l’oubli. J’ai dit qu’a mon avis, si le France ne prend pas le leadership, ne mobilise pas la communauté internationale, nous risquons d’avoir un sanctuaire pour les terroristes en RCA. Et cela, nous ne pouvons pas l’accepter. Bien sûr, la France le fera en collaboration avec les pays de la CEEAC (Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale), qui est une organisation régionale et qui a, également, des forces dans ce pays ».

Une fois n’est pas coutume : François Hollande, avant de se séparer de son invité, a salué, devant la presse, la bonne tenue des élections législatives du 25 juillet 2013 qui se sont déroulées de façon libre, transparente, équitable et sans violence, au Togo. Il a encouragé son homologue togolais à continuer par privilégier le dialogue et la recherche du consensus pour le règlement des différends politiques en vue de la préservation de la paix sociale et de la consolidation de la démocratie et des acquis de la gouvernance économique au Togo. Pour sa part, le président Faure Gnassingbé, a rassuré son homologue français de sa détermination à réconcilier tous les Togolais et à poursuivre les réformes politiques, en vue de faire du Togo un Etat de droit, respectueux des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

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