Le professeur, Robert Dussey, ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration africaine et des Togolais de l’extérieur, a effectué une visite de travail en France, du 23 au 24 juillet 2019, à l’invitation de son homologue, Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères de la République française (notre photo). Si cette rencontre relève de tout ce qu’il y a de classique, les deux ministres ont mis les pieds dans le plat en mettant l’accent sur ce qui ne va pas, notamment, sur le plan multilatéral.
On n’a pas besoin de faire la faculté de droit de l’Université de Lomé pour savoir que les relations entre la France et le Togo, sont au beau fixe. Faure Gnassingbé dans sa sagesse héritée de son distingué père, le Sage, Gnassingbé Eyadèma, entretient d’excellentes relations avec Emmanuel Macron, le locataire de l’Elysée. Nous ne nous attarderons, donc, pas sur les trains qui arrivent à l’heure car ils sont, justement, programmés pour arriver à l’heure.
Par contre, il y a à dire sur le plan multilatéral entre la France et l’Afrique, et en tant que président ce mois de juillet de la Commission Paix et Sécurité de l’Union africaine (UE), mais aussi, en tant que chef des négociateurs pour le compte des ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique), de la future Convention ACP-UE, qui devrait prendre effet au cours de l’année prochaine, le professeur, Robert Dussey, et son homologue français, se devaient d’aborder toutes les questions, surtout, celles qui fâchent.
Parmi les questions qui font hérisser le poil, on compte la Libye. Voilà un sujet qui est gravissime au point que le fait d’en parler, même à voix basse, finit par mettre les Africains en colère. De quoi est-il question ? Le problème que connaît la Libye, aujourd’hui, est né de la volonté d’un ancien président français, Nicolas Sarkozy pour ne pas le nommer, d’y établir la démocratie comme en Europe. Sans l’accord ni des Africains, ni de l’Union africaine, ni des Nations-Unies. Après avoir pris la tête des pays qui allaient installer en Libye cette forme de démocratie occidentale (par la force des armes), la France de Nicolas Sarkozy a eu le contraire de ce qu’elle escomptait. Mais plus grave, en déstabilisant la Libye, elle a, directement, donné la liberté à des milliers de djihadistes que feu le Frère Guide (Kadhafi) confinait dans son pays, par force, à des endroits bien déterminés. Résultat, à la mort de celui-ci et suite à la destruction de son régime, ces milliers de djihadistes se sont retrouvés dans le Sahel où ils font, aujourd’hui, la pluie et le beau temps au Mali, au Niger, et au Burkina Faso, notamment.
Si les pays africains étaient dirigés par des chefs d’Etat belliqueux, ils auraient engagé, depuis belle lurette, des actions contre les organisateurs de cette déstabilisation programmée auprès des instances juridiques internationales. Cela dit, les Africains ont demandé aux Européens, notamment, à la France, de corriger ce qu’ils ont détruit. Résultat, ils ont créé le G5 Sahel qui peine, aujourd’hui, à fonctionner faute de financements, comme si les principaux bailleurs de fonds internationaux (notamment les Etats-Unis) entendaient par leur refus de soutien au G 5 Sahel, signifier à la France et aux Européens de réparer, eux-mêmes, eux seuls, les dégâts qu’ils ont provoqués de façon bien consciente. La France ayant perdu depuis des lustres les moyens de sa politique (impérialiste) en Afrique, tourne en rond avec son (fameux) G5 Sahel.
A Paris, le professeur, Robert Dussey, n’avait, vraiment, pas besoin de le rappeler à son interlocuteur, qui ne le sait que trop bien. Ce sujet fâche énormément les Africains. Voilà un exemple qui montre pourquoi la France a une très mauvaise image en Afrique.
Le professeur Dussey (qui fait partie de la nouvelle génération des dirigeants africains complètement décomplexés) a demandé à son interlocuteur de laisser les Africains (Union africaine) en collaboration avec les Nations-Unies, régler le problème libyen avec les Libyens et ce, sans interférence française, européenne, américaine, turque, qatarie, russe ou autre. Sera-t-il compris ? Il parlait au nom de l’UA.
La Libye devrait servir d’exemple à la France qui, parfois, entreprend des actions (calamiteuses) en Afrique, sans, réellement, penser aux graves conséquences que celles-ci pourront avoir sur la vie des populations concernées.
A Paris (où les sujets n’ont pas manqué entre les deux ministres), le professeur, Robert Dussey, a, aussi, évoqué les négociations qui ont, actuellement, lieu dans le cadre de la future Convention ACP-UE, négociations où il agit comme chef des négociateurs côté ACP.
Ici, aussi, les choses doivent être claires : les Africains et leurs frères déportés dans les Iles des Caraïbes et du Pacifique, refusent l’ingérence manifeste et insupportable dont ils font l’objet dans cette Convention.
Les ACP sont suffisamment mûrs pour qualifier la forme de démocratie et de libertés dont ils ont besoin, dans leurs pays, sans qu’ils reçoivent, en retour, des remontrances venant de l’UE. Ceci doit être très clair et honneur au professeur Dussey de traduire cette demande, cette exigence des ACP, auprès des partenaires de l’UE. Sinon, l’UE devra garder sa Convention. Les ACP n’en mourront pas pour autant.