Son arme fatale c’est le génocide. Un argument que le président du Rwanda, Paul Kagame, n’hésite jamais à brandir quand il est en difficulté. Surtout quand il est en face d’un dirigeant occidental dont le pays ne fit pas grand chose pour l’empêcher en 1994. Devant un Emmanuel Macron, terriblement, affaibli sur le plan intérieur français, Paul Kagame, ses fonctions de président en exercice de l’Union africaine aidant, lui a fait accepter « l’inacceptable », à savoir, une candidature de la ministre, Louise Mushikiwabo, au poste de secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Un choix qu’Emmanuel Macron a eu du mal à assumer, par la suite. Le tollé général que son choix a suscité jusqu’au sein de la classe politique française, n’est pas du genre à consolider une institution dont l’utilité peine à être prouvée sauf quand il s’agit d’accompagner les dictateurs dans leur parcours de potentats.
Preuve (s’il en est) que le président français est dérangé aux entournures et qu’il avait la peine à regarder dans les yeux la Canadienne, Michaëlle Jean, il est sorti de la salle au moment où cette dernière prononçait son discours-bilan dans lequel elle n’a pas manqué de régler quelques comptes aux pays qui mettent en avant leurs « petits arrangements » au détriment des nobles valeurs de l’organisation que sont, « la démocratie, la liberté, les droits de l’homme ». Pour ne pas laisser le fauteuil du président français vide, le chef de la diplomatie, Jean Yves Le Drian, l’a, momentanément, occupé. Mais une chose a été notée par tous : à la fin du discours de Michaëlle Jean, toute l’assistance l’a applaudie, sauf le ministre français des Affaires étrangères.
Afriqueeducation.com, ces derniers mois, a dit et redit le mal qu’il pensait de la candidature de la cheffe de la diplomatie rwandaise au poste de nouvelle patronne de la francophonie. Souhaitons maintenant qu’elle est élue que l’ancien banquier d’affaire, Emmanuel Macron, ne garde pas son chéquier dans le tiroir au moment où Louise Mushikiwabo aura besoin de lui pour promouvoir ses projets.
Femme très politique et de caractère, elle a salué, dans son premier discours en tant que patronne de l’OIF, une « Afrique unie qui gagne ». Dans les prochains mois, on va suivre avec intérêt la composition de son cabinet et les nominations qu’elle va susciter dans les différentes directions. On s’intéressera, aussi, à sa feuille de route. Son mandat démarrant le 2 janvier 2019, on sera attentif à son indépendance vis-à-vis de la France qui l’a fait élire, n’en déplaise à l’Union africaine qui a été surtout suiviste qu’autre chose. C’était, toujours, la (même) France qui avait fait passer la Canadienne, Michaëlle Jean, au Sommet de Dakar, il y a quatre ans. Alors que la majorité des votes des Africains voulait se porter sur le Congolais, Henri Lopès, François Hollande (pour éviter la honte à son retour à Paris d’avoir sponsorisé un candidat soutenu par une dictature alors que, sur le fond, le profil de Lopès était excellent) avait pesé de tout son poids devant Macky Sall et le secrétaire général sortant, Abdou Diouf, médusés, pour faire passer la Canadienne (notre photo montrant Abdou Diouf et Michaëlle Jean après sa victoire à Dakar en 2014). Récolte-t-elle la monnaie de sa pièce aujourd’hui ? Car c’est la même France, en effet, qui vient de signer son échec pour un deuxième mandat.
Boutros Boutros-Ghali, pas du tout aimé par les présidents africains, était un pion du Français, Jacques Chirac. Son successeur, Abdou Diouf (12 ans de présence à la tête de l’OIF), avait, lui aussi, été placé à l’OIF par l’Elysée alors que le Congolais, Henri Lopès, avait cru que son tour était arrivé. C’est dire que le fameux « consensus » tant évoqué ne penche que d’un seul côté, celui des intérêts français.
On observera, attentivement, le degré de soumission de la nouvelle venue à la tête de l’OIF. Arrivé au pouvoir au bout d’une longue lutte armée (comme les mouvements de libération d’antan), Paul Kagame ne pouvait que présenter une candidate qui force du respect. Une candidate qui est à son image : rigoureuse, incorruptible et ferme. Bonne chance à Louise Mushikawabo.