Lors de la campagne électorale, j’avais exprimé ma position de vieux militant socialiste qui a choisi de voter Macron (notre photo) et de faire voter pour lui.
J’ai félicité le nouveau président de la République française en offrant à lui et son épouse, mon ouvrage intitulé, Un Enfant d’Afrique, parce qu’il avait évoqué le rôle de sa grand-mère maternelle dans son enfance et son éducation. Emu, j’ai pensé à la mienne, Yoruba originaire d’Abeokuta présente dans nombre de mes romans ; et me traversa l’esprit je ne sais guère pourquoi, un reportage sur Yannick Noah et sa grand-mère au Cameroun.
Qui sommes-nous dans la Francophonie ? Rien ou très peu. La présentation de nos œuvres dans la presse de l’Hexagone ? Si peu que rien. Leur diffusion ? Quasi néant : on n’en trouve pas à la FNAC ; si on rétorque qu’il y a untel, je dirai : une seule hirondelle fait-elle le printemps ? et ferai entrer dans le fonds de quelques aspects des problèmes.
1974, Albert EKUE, directeur de la division culturelle de l’ex-OUA avait invité à Addis- Abeba (Ethiopie), une brochette d’écrivains et d’artistes d’Afrique et de Madagascar pour « … s’exprimer sur les moyens de faire apprécier, urbi et orbi, les films réalisés par les cinéastes africains et malgaches » et sur « une bonne diffusion des ouvrages des écrivains africains francophones. » Au déjeuner, Sembene Ousmane et Paulin Vieyra ont mis le pied dans les plats en dénonçant « l’exclusion dont le système encore colonial frappent les films africains »; poète et journaliste très connu, Paulin Joachim devait demander sans rire si « les nègres francophones écriraient en javanais afin d’être traduits en français…».
2017, 43 ans plus tard, la projection de BAHIRY, film du Burkinabè, Pierre Yameogo, qui s’est entretenu avec Christian Velpry nous a valu cette réflexion du mathématicien-chercheur français : « Aujourd’hui ce film, après avoir reçu des encouragements et subventions pour le tournage, se trouve désormais dans une certaine impasse, et son réalisateur avec lui : les distributeurs se refusent à le distribuer. Pourquoi ? On ne sait, aucune raison n’est alléguée. Le mur du silence ».
Nous revoilà en 1974. Le rapport des débats à l’ex-OUA soulignait : « Littérature africaine, diffusion des ouvrages des écrivains des ex-colonies africaines ainsi que des films réalisés par les cinéastes négro-africains… ».
J’évoque ce souvenir parce qu’en 2017, la littérature africaine francophone est encore très mal diffusée en France, même à la Fnac ; la critique ne s’en soucie guère ou en parle sans les critiques africains. Loyauté obligeant, je précise, preuves à l’appui : avant les Indépendances, des Africains critiques littéraires faisaient des piges dans des journaux parisiens. Qu’il y ait un débat ! Maintenant, c’est la Bérézina, mais – marketing fait la loi – on monte en épingle un écrivain africain comme s’il représentait tous les autres ! Cette manie française d’humilier agace.
Que dire des livres d’écrivains africains francophones dans les Instituts français en Afrique francophone ? J’attends les protestations des responsables, voire, d’Africains compradors qu’on appellerait à la rescousse.
Quid de l’OIF ? Ouagadougou 2004. Xe Sommet de la Francophonie. Invité personnel du président, Abdou DIOUF, alors secrétaire général de cette institution, je n’ai pas hésité à lui faire part de mon constat écrit : pas un ouvrage d’écrivains africains dans les Bibliobus que ma femme-Normande, ancienne institutrice- et moi visitions le long des boulevards ; immense historien burkinabè, Joseph Ki-Zerbo était vivant dans son pays ; ministre de la Promotion des droits humains, Monique Ilboudo, romancière et auteur d’un bouleversant constat sur le Rwanda, étaient des écrivains africains francophones ignorés des Bibliobus chargés de livres d’écrivains français bon teint et d’étrangers traduits en français, comme si ces ouvrages-là étaient plus nécessaires à la connaissance des problèmes africains que ceux des Africains.
L’actuelle secrétaire générale de l’OIF n’avait point omis son ascendance africaine quand elle se battait pour être élue ; quelle considération a-t-elle pour la littérature africaine de langue française ? Auteur d’Un Enfant d’Afrique, je lui ai envoyé, par courrier recommandé, un exemplaire dédicacé de cet ouvrage déjà traduit en russe, salué par le président, L.S.Senghor, René Maheu (feu DG de l’UNESCO) et par Henri Queffelec (Académie Goncourt), Madame Michaelle Jean ne m’a jamais envoyé un mot de remerciement. Eminence grise de l’Académie française et très populaire, Jean d’Ormesson, a exprimé ses remerciements et souhaité « Bonne chance à Un enfant d’Afrique ». Madame Nathalie VAN DE WIELE, agrégée de physique, professeur à l’Ecole normale supérieure de Paris, a écrit : « Cher Monsieur, « […] Et lire Un enfant d’Afrique aussi. Petit Homme nous apprend bien des choses sur la vie sur son continent, et sur la vie tout court. J’aimerais, à votre âge, garder cette jeunesse que vous avez tout en étant entouré d’une grande descendance comme celle que vous décrivez. C’est magnifique ».
Au Bénin, mon pays natal, c’est par un fait du prince que Paulin Hountondji, agrégé de philosophie, a ostracisé du programme scolaire, cet ouvrage pour jeunes. Tant que l’acte gratuit n’aura pas été réparé, même mon décès ne sera pas annoncé au Bénin.
Dans la presse de l’Hexagone, un quotidien de Droite qui – marketing payant aidant- n’a pas osé étouffer le roman d’un écrivain africain en vogue, m’a écrit : « Nous recevons chaque jour un très grand nombre de livres et nous ne pouvons malheureusement les présenter tous dans nos colonnes. Je ne puis donc vous assurer qu’un écho sera donné à votre ouvrage.»
Il y a un mois, à Gauche, un jeune homme de 31 ans, Grande Ecole, père de famille et écrivain, déclara : « je n’ai jamais mis les pied au Ghana ». Qu’à cela ne tienne, en imaginant ce grand pays d’Afrique lourd de potentiels, il n’y a vu que des enfants misérables fouillant dans des immondices, à la recherche de quoi récupérer et à vendre afin de survivre. De la compassion ? Non, du racisme à visage découvert.
Bénin ? « un lieu au nom imaginé » : Agbogloshie. C’est Inadmissible! J’ai envoyé une Explication de texte « En colère, je déclare : c’est du racisme ! AGBO est un patronyme, les descendants AGBO sont plus que légion au Bénin ; Franco-Béninois, Lionel AGBO, avocat, s’était réfugié en France quand il était dans l’opposition. Olympe BHÊLY-QUENUM, ma mère était de la famille AGBO qui ne pouvait pas être imaginée par un étranger.
AGBOGLOSHIE. Sauf erreur de ma part, la graphie shie n’existe dans aucun mot de la langue fon ( Bénin), ni en yoruba, langue de ma grand-mère maternelle. En fon, AGBO signifie bélier. GLO signifie résistance ; AGBOGLO = le bélier résiste. Mon arrière grand-père paternel, le prince Agboglofa, Anikokou, Azanmado XWENU était cabécère (proconsul) et ministre de Commerce du roi GHEZO, à Ouidah, où il affrontait Francisco de Souza, esclavagiste (nous avons les faits) ; GHEZO était le grand-père du roi BEHANZIN ; viscéralement, nationaliste, il ne s’était jamais rendu au général DODDS (nous pouvons en fournir les preuves). DODDS a dépouillé le Dahomey des objets d’art et de rituels vodún qui font l’admiration payante du musée du Quai Branly ».
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Voici la rentrée scolaire en France. Des éditeurs déversent sur l’Afrique francophone des albums bien illustrés pour Ecole maternelle et des livres pour jeunes ; j’en ai parcouru : rien d’africain dans ces manuels ; l’acculturation continue comme à l’époque coloniale ; qu’on cesse de nous assener : « pourquoi vous ne faites pas éditer en Afrique ? » En Afrique anglophone, oui, en Afrique francophone, c’est la catastrophe ! J’en ai fait l’expérience pour des volumes de nouvelles autoédités, bien vendus, traduits en anglais et utilisés par des doctorants. « On n’a pas vos moyens… à quoi nous sert-il d’écrire, surtout, en français, hélas !», m’a-t-on écrit, dit et répété.
Voilà d’autres pains sur la planche pour le président Macron à Ouagadougou.
Olmpe.BHÊLY-QUENUM