GABON : Coup d’état militaire consensuel visiblement accepté par la population

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La fameuse communauté (dite) internationale de l’ONU se préoccupe-t-elle beaucoup plus des Gabonais que les Gabonais eux-mêmes ? Non ! L’Union africaine (UA) connaît-elle les réalités du Gabon plus que les Gabonais eux-mêmes ? Non ! La Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) est-elle plus affectée par les conséquences de la gouvernance Ali Bongo Ondimba que les Gabonais eux-mêmes ? Non ! Voilà quelques questions qu’on doit se poser avant d’analyser l’euphorie des Gabonais et des Gabonaises depuis le coup d’état de fin août, qui vient d’installer les militaires au pouvoir. Sans faire couler une goutte de sang.

Après avoir réussi à faire valider sa réforme constitutionnelle que l’opposition qualifie de coup d’état institutionnel, le président centrafricain, Faustin Archange Touadéra, a été nommé médiateur de la crise gabono-gabonaise par la CEEAC (Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale). Actuel président en exercice de la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale) pour un an, le président centrafricain était en réalité l’unique choix possible sauf à faire venir un médiateur hors zone CEMAC. Il lui revient donc de définir un programme de travail pour aider les Gabonais à se sortir le plus rapidement possible de cette période de transition.

Cela dit, les Gabonais ne boudent pas leur plaisir et disent à qui veut les entendre que le coup d’état des militaires donne la vraie indépendance aux Gabonais. Beaucoup d’espoir est donc placé sur les épaules du général-président de transition, Brice Oligui Nguéma, qui le sait d’ailleurs très bien puisqu’il a d’ores et déjà commencé à travailler sans avoir installé un gouvernement. Il a prescrit aux secrétaires généraux des ministères de liquider les affaires courantes de leurs départements en attendant la nomination de l’équipe gouvernementale. Il a, aussi, rencontré le patronat gabonais auprès de qui il a exigé la fin des surfacturations, ainsi que, l’obligation de l’exécution en totalité de tout marché public gagné. Ce 1er septembre, il a tenu une rencontre avec les partis politiques afin que lui soit proposée la durée de la transition. A charge pour ces derniers d’y réfléchir et de revenir vers lui pour lui soumettre des propositions concrètes ayant trait aux urgences de la transition. Il sera, donc, question de proposer au général-président quelques idées-force et des dossiers (qui ne peuvent pas attendre le retour d’un pouvoir civil) pour faire avancer le pays pendant cette période.

Cela dit, le CTRI (Comité de transition pour la restauration des institutions) ne fait pas dans la dentelle. Des arrestations sont opérées au sein de l’ancienne équipe depuis quelques jours. Plusieurs anciens dignitaires comme le secrétaire général du PDG (Parti démocratique gabonais que préside Ali Bongo Ondimba), le premier ministre, Alain Claude Bilié By Nzé, pour ne citer que ces deux-là sont, actuellement, entre les mains des responsables du CTRI. Depuis Paris, les avocats de l’ancienne première dame, Sylvia Bongo Ondimba, remuent ciel et terre pour retrouver celle que les militaires auraient arraché à son époux, quelques heures après le début du putsch. Si on sait où se trouve leur fils, Nourredine Valentin Bongo Ondimba, lui aussi arrêté et accusé de « haute trahison et de détournements massifs des fonds publics », sa mère, Sylvia, par contre, reste aux abonnés absents et ne répond à aucun numéro de téléphone. Personne ne sait où elle a été conduite par les militaires, d’où l’action de ses avocats à Paris (pas au Gabon), qui ont déposé plainte contre la détention arbitraire de l’épouse d’Ali Bongo. Sa fondation, Sylvia Bongo Ondimba, du reste, va, certainement, connaître le même sort que celui de son initiatrice, maintenant où il est acquis que le pouvoir et ses avantages, c’est terminé.

Voici rapidement brossées en vrac, les missions de la transition sous la direction du CTRI :

  • rétablir la dignité des Gabonais
  • faire des assises avec toutes les forces vives de la nation pour élaborer une nouvelle constitution sur la base de celle de 2011
  • élaborer un code électoral fiable. A ce sujet, les partis politiques sont libres d’exercer leurs activités à la différence qu’il n’existe plus de partis d’opposition et de partis de la majorité
  • mettre en place une assemblée constituante
  • nommer un gouvernement de transition avec les forces vives…
  • faire un référendum pour l’adoption de la nouvelle constitution
  • toiletter la loi électorale et organiser des élections séparées : présidentielle, législatives et locales
  • ne devait être candidat à l’élection présidentielle qu’un Gabonais né de père et de mère gabonais et ayant une épouse gabonaise (à la maison)
  • la durée de la transition sera donnée par les assises et non le CTRI
  • le rétablissement des bourses scolaires aux élèves gabonais a aussi l’assentiment des partis politiques venus rencontrer le chef de l’Etat de transition
  • lancement des audits des certificats de nationalité attribués lors des 14 dernières années (à ce sujet, un coup de canif sera porté à la fameuse « légion étrangère »)
  • lancement de l’audit des agences
  • la prestation de serment aura lieu lundi 4 septembre sur la base d’une charte en cours de rédaction et non sur la constitution dissoute. Elle aura lieu à la Cour constitutionnelle mais pas devant les anciens juges. Les hommes passent, l’administration reste, dit le général-président de la transition, qui souhaiterait une transition aussi courte que possible.

Professeur Paul Tédga (envoyé spécial à la frontière gabonaise depuis le Cameroun)

est docteur de l’Université de Paris 9 Dauphine (1988)

auteur de sept ouvrages

fondateur en France de la revue Afrique Education (1993).

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