La peur instillée à toutes les couches de la société par le caractère arbitraire du régime de Yahya Jammeh (notre photo), a brouillé les frontières entre réalité et fiction, alimentant les rumeurs les plus folles, dans un pays où les superstitions sont, déjà, vivaces.
Début février, les soldats de la force ouest-africaine chargés d’assurer la protection du nouveau président, Adama Barrow, et dont le mandat vient d’être prolongé de trois mois, ont arrêté un ancien militaire armé d’un pistolet dans la mosquée où le président accomplissait la grande prière du vendredi.
L’arme a été découverte pendant la fouille des fidèles par les gendarmes sénégalais, a précisé la force de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), ajoutant que le suspect avait déclaré avoir appartenu à la garde rapprochée de l’ex-président, Yahya Jammeh.
Pour des raisons, encore, inexpliquées, Adama Barrow, rentré en Gambie le 26 janvier, cinq jours après le départ de son prédécesseur vers la Guinée équatoriale, ne s’est, toujours, pas installé à la présidence, pourtant, passée au peigne fin par les troupes ouest-africaines.
Le chef de la force de la CEDEAO, le général, François Ndiaye, a indiqué le 30 janvier que des armements avaient été saisis dans une maison de M. Jammeh, à Kanilai, son village natal, à une centaine de km, à l’Est de la capitale Banjul, mais, affirmé que « la sécurité du pays était totalement sous contrôle ».
Le général Ndiaye a balayé les bruits sur la présence de produits toxiques dans les climatiseurs de la présidence, précisant que les seules substances chimiques retrouvées étaient des insecticides contre les termites.
Ce n’était pas la première fois que Yahya Jammeh était soupçonné de tentative d’empoisonnement.
En 2009, d’après des témoignages recueillis, des centaines de villageois avaient été contraints de boire des concoctions qui avaient tué plusieurs d’entre eux, lors d’une opération « anti-sorcellerie », Yahya Jammeh imputant le récent décès de sa tante à des pratiques occultes, selon Amnesty International.
La croyance au surnaturel, notamment, aux gris-gris, est très répandue en Gambie. Le chef d’état-major, Ousman Badjie, qui a prêté allégeance au président Barrow après avoir servi son prédécesseur, a, ainsi, été vu, ces derniers mois, arborant une dizaine de ces talismans, au cou et aux poignets.
« Nous cousons ce gri-gri, et il protège des armes à feu et des couteaux », a expliqué Mohammed Ba, un « faraba », ou fabricant d’amulettes, dans son échoppe de Serrekunda, près de Banjul.
La mort le 15 janvier, à Banjul, dans des circonstances étranges d’un jeune fils de M. Barrow – qui lui-même avait quitté le pays quelques jours auparavant, la CEDEAO craignant pour sa sécurité tant que M. Jammeh était en place – a, également, enflammé l’imagination des Gambiens.
Un chien dont les morsures avaient provoqué le décès de l’enfant a subi une injection mortelle cinq jours après le retour du nouveau président, mais, cet épilogue n’a pas, totalement, fait taire les rumeurs de sorcellerie.
Au-delà de la dimension, parfois, fantasmagorique des crimes qui lui sont attribués, si Yahya Jammeh reste redouté par de nombreux Gambiens, il le doit, surtout, aux violations des droits de l’homme de son régime, assumées, publiquement, dans son rejet systématique des protestations internationales.
Le président Barrow a exclu toute « chasse aux sorcières », privilégiant la création d’une Commission Vérité et Réconciliation et accepté que Yahya Jammeh emporte tous les biens qu’il souhaitait, y compris, sa collection de voitures de luxe.