« Nous ne sommes pas venus pour un accord, nous venons aider les Gambiens à organiser la transition. Ce n’est pas quelque chose qui peut aboutir en un seul jour, il faut y travailler », a déclaré, avec raison, à la presse, Ellen Johnson Sirleaf, présidente en exercice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et chef de la délégation (notre photo). La CEDEAO, à Banjul, marche sur des œufs. A la demande du Sénégal, Ellen Johnson Sirleaf avait souhaité y venir au lendemain du revirement de Yahya Jammeh. A l’époque, elle ambitionnait de rencontrer le président sortant et le président élu, Adama Barrow. Mais sur ordre de Jammeh, toujours, homme fort du pays, son avion n’avait pas obtenu l’autorisation d’atterrir. Voilà pourquoi, cette fois-ci, elle ne pouvait se permettre de venir toute seule. Pour impressionner Jammeh, on a tout fait pour mettre le président du Nigeria, Muhammadu Buhari, dans la délégation, lui, qui aime déléguer son vice-président pour toutes les questions de la CEDEAO.
Mais Yahya Jammeh qui est d’habitude imprévisible, n’a pas changé de position. En réalité, après avoir régné pendant 22 ans, parfois, en marchant sur des cadavres de Gambiens, il n’est pas du tout prêt à affronter la justice internationale à la CPI (Cour pénale internationale) où trône, par ailleurs, son ancienne ministre de la Justice, Fatou Bensouda.
C’est à ce niveau qu’il faut relever la bourde d’Adama Barrow. On se demande quelle mouche l’a piqué pour qu’il annonce urbi et orbi que Jammeh pouvait être extradé à la CPI ? Une institution que la Gambie venait d’ailleurs de quitter le mois dernier. Il s’agit, là, d’un comportement de quelqu’un qui n’est pas du tout politique. On rappelle, en effet, que milliardaire de son état, Barrow est avant tout un homme d’affaires, qui s’est retrouvé, candidat à l’élection présidentielle, après s’être servi de son porte-monnaie.
Aujourd’hui, alors que Yahya Jammeh avait accepté sa défaite et avait même félicité Adama Barrow et offert son aide pour relever le pays de la crise, le président élu oblige la CEDEAO, l’Union africaine, le Conseil de sécurité à mettre leur énergie pour résoudre un problème qui ne se posait pas. On appelle cela : bêtise politique.
Les dirigeants ouest-africains, comprenant le Nigérian, Muhammadu Buhari, le Ghanéen, John Dramani Mahama, et le Sierra-Léonais, Ernest Bai Koroma, ont rencontré Yahya Jammeh qui, selon Ellen Johnson Sirleaf, leur a « exprimé certaines préoccupations », qui n’ont pas été précisées. Mais, on connaît ses préoccupations : c’est la préservation de son intégrité et celle de sa famille, ainsi que, celle de tous ses biens. Pas de chasse aux sorcières non plus. Comment peut-on faire pour assurer cette sécurité à vie à Jammeh ?
La négociation continuera cette fin de semaine à Abuja où les chefs d’Etat de la CEDEAO doivent se réunir pour en parler, avant de passer le dossier à l’Union africaine et au Conseil de sécurité.