L’ancien premier ministre français, Edouard Balladur, a annoncé ce lundi, 04 janvier, l’ouverture prochaine de ses archives sur le Rwanda, à quelques semaines de la remise d’un rapport d’historiens sur le rôle controversé de Paris pendant le génocide de 1994. Pourquoi Balladur prend-il les devants comme s’il avait quelque chose à se reprocher ?
« J’ai décidé d’autoriser le moment venu l’ouverture de mes archives de premier ministre, afin que chacun puisse librement constater ce que furent nos actions et ses résultats, se défend-il, ce lundi, 4 janvier, Édouard Balladur, qui fut entre 1993 et 1995, le chef d’un gouvernement de droite dit « de cohabitation », sous la présidence socialiste de François Mitterrand (sur notre photo, il est entre Jack Lang et Nicolas Sarkozy).
Dans sa déclaration, Edouard Balladur défend, notamment, l’Opération Turquoise, une intervention militaro-humanitaire lancée par Paris au Rwanda, sous mandat de l’ONU entre juin et août 1994, qui a, selon lui, assuré la sauvegarde des victimes quelles qu’elles soient et dissuadé la poursuite des violences. Du moins, c’est ainsi qu’il se défend, pensant dissimuler le rôle très controversé de la France, pendant ce génocide.
Les détracteurs de Turquoise estiment que cette opération visait en réalité à soutenir le gouvernement génocidaire hutu, et s’inscrivait dans une stratégie de longue date menée notamment par la présidence française.
Les archives de Edouard Balladur vont faire apparaître que le gouvernement de l’époque et l’armée n’avaient rien à se reprocher, a déclaré un ancien conseiller du premier ministre, Hugues Hourdin.
Balladur aimerait que les doutes soient levés sur l’action du gouvernement qu’il a conduit, il s’agit de purger ce débat lancinant depuis 25 ans, a-t-il ajouté.
On en doute mais si tel est vraiment le cas, pourquoi juste maintenant qu’il rend ses archives publiques ? Pourquoi une telle précipitation à vouloir se défendre alors que personne, à l’heure actuelle, a directement attaqué l’action de son gouvernement. Le rapport va parler. Est-ce pour cela que les souris sortent des placards ?
Les zones d’ombre sur le rôle de Paris avant, pendant et après le génocide des Tutsis au Rwanda – qui fit selon l’ONU au moins 800 000 morts d’avril à juillet 1994 – restent une source récurrente de polémiques en France et empoisonnent les relations avec Kigali depuis près de 25 ans.
Quand on examine, aujourd’hui, l’action de la France en Afrique, avant les indépendances et après celles-ci, même le Saint-Esprit ne peut manquer de condamner sévèrement Paris. Toutes ses actions en Afrique sont teintées de néocolonialisme et de la volonté de garder les pays africains sous ses diktats. Ses actions ne sont pas animées par le souci d’instaurer la démocratie et le bien-être réel entre les citoyens. Alors, l’action de Balladur ne trompera que ceux qui sont de son côté, et non les honnêtes personnes qui pensent que la France n’a pas à chercher à rester en Afrique alors qu’elle clame partout avoir accordé l’indépendance aux pays africains concernés depuis les années 60. Le Rwanda n’est pas à proprement parler une ancienne colonie française mais la France a réussi au fil des ans à y imposer sa domination comme dans ses anciennes colonies au point d’y favoriser un génocide en 1994.
Edouard Balladur avec Alain Juppé le ministre français des Affaires étrangères pendant le génocide rwandais.
Les archives de Edouard Balladur, des centaines de notes personnelles, de notes de cabinet, de PV d’entretiens avec le président Mitterrand, seront ouvertes au grand public début avril, en même temps que la publication du rapport de la commission d’historiens dirigée par Vincent Duclert pour faire la lumière sur le rôle de Paris.
Mise en place par Emmanuel Macron en 2019, cette commission a eu accès aux archives de Edouard Balladur, mais également, à celles de François Mitterrand, le plus grand protecteur français du général-président rwandais, Juvénal Habyarimana.
L’annonce de leur ouverture au grand public est une première victoire, a réagi M. Duclert, qui espère, également, l’ouverture du Fonds Mitterrand.