Elue en octobre 2021 à la tête du Conseil italien après s’être engagée à régler la question des flux migratoires vers l’Italie, Giorgia Meloni présente, aujourd’hui, un double visage, qui est loin de passer inaperçu. En effet, sous sa gouvernance, l’immigration clandestine a atteint des chiffres jamais enregistrés depuis douze ans, et l’Etat italien a décidé d’ouvrir ses frontières aux étrangers. Ces deux événements, qui sont aux antipodes de la promesse électorale de Giorgia Meloni, offrent une lueur d’espoir aux nombreux migrants d’Afrique subsaharienne risquant leur vie pour rejoindre l’Italie.
La régulation des flux migratoires est une préoccupation pour Giorgia Meloni (sur notre photo, elle affirme que la colonisation française avec son système du F CFA est à l’origine de la pauvreté en Afrique et de la venue massive des Africains en Europe). Pour le prouver, la première ministre italienne n’a pas hésité à se quereller avec ses voisins français et allemand pour leur rôle dans l’explosion du nombre d’arrivées sur sa péninsule cette année par rapport à 2022, Emmanuel Macron étant accusé de piller les ressources en Afrique, ce qui pousse les Africains à rappliquer vers l’Occident, Olaf Scholz étant, quant à lui, soupçonné d’encourager l’immigration non désirée en finançant des ONG dont la mission est de sauver les migrants en péril lors de leur périple risqué. C’est également grâce à l’activisme de la présidente du gouvernement de Rome que la question migratoire figure de nouveau parmi les dossiers brûlants de l’Union européenne (UE), les Etats membres s’étant accordés le 4 octobre dernier sur un durcissement de leur politique commune sur le sujet.
Cependant, alors qu’elle continue à s’afficher avec d’autres leaders européens, dont son homologue anglais, Rishi Sunak, qui se démène, actuellement, pour faire passer l’accord migratoire controversé avec le Rwanda, qui partagent sa détermination à contrôler les flux migratoires, Giorgia Meloni poursuit, parallèlement, des mesures favorisant la venue de travailleurs étrangers en Italie. Son gouvernement vient de faire passer à 452 000, soit, une hausse de plus de 150%, les quotas de visas de travailleurs issus de pays hors de la zone UE pour la période 2023-2025. Confrontées à un déficit de main-d’œuvre dans plusieurs pans de l’économie, dont l’agriculture, la restauration, ou la pêche, les autorités espèrent, ainsi, pallier le faible taux de natalité italien et le désintérêt de la jeunesse italienne pour ces secteurs.
En première ligne des conséquences de cette situation, le patronat italien n’a eu de cesse d’interpeller Giorgia Meloni afin qu’elle revoie sa position sur les migrants, au risque de voir l’économie nationale être paralysée. Cette mise en garde s’est confirmée par l’afflux en 24 heures de 609 000 demandes de visas de travail adressées par des employeurs, lorsqu’en ce début de mois, le ministère de l’Intérieur a ouvert son système de loterie migratoire prévoyant l’octroi d’un maximum de 136 000 visas de travailleurs. Cet écart significatif entre les quotas et le nombre de demandes souligne l’urgence du problème de main-d’œuvre pour Giorgia Meloni.
Rattrapée par des réalités qu’elle ignorait avant d’accéder à la primature italienne, Giorgia Meloni est, aujourd’hui, obligée de tenir un double langage sur la question migratoire, ce qui ne sera pas sans conséquence pour elle ni pour son parti, notamment, auprès de ceux à qui elle avait promis des mesures fortes contre l’immigration clandestine. En transformant les centres d’accueil des migrants en cellules de recrutement express pour les employeurs italiens, la cheffe du gouvernement de Rome offre une véritable lueur d’espoir aux nombreux migrants bravant la mort pour améliorer leur vie et celles de leurs proches restés en Afrique.
Paul-Patrick Tédga
MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)