JUSTICE : La suppression des jurys populaires auprès des Cours criminelles départementales serait-elle un premier signe de l’effondrement de la démocratie française ?

Date

Universitaires, agents de l’Etat, étudiants ou encore simples citoyens, nous sommes nombreux à nous interroger sur la question de l’intérêt général et surtout comment le défendre. Nous cherchons tous à comprendre comment fonctionnent les administrations et les différents services publics pour mieux les optimiser pour les générations futures. La communication autour des grandes réformes de l’action publique peut mobiliser des notions juridiques riches et très exigeantes. Cette diffusion de l’information n’est pas forcément optimale aujourd’hui. En faisant ce constat et dans le cadre de mes études, j’ai donc proposé au magazine AfriquEducation (revue créée il y a 32 ans qui publie des articles sur divers sujets internationaux), d’accepter de lancer une nouvelle série d’articles sur la transformation des services publics français, que je rédigerai pendant mon cycle universitaire et qui aura pour objectif de démontrer, d’illustrer et d’expliquer que l’Etat est – ou devrait être – au service de la société, tout en gardant bien évidemment, une forme très importante de neutralité. Nous parlerons dans cet article des jurys populaires des Cours criminelles départementales (CCD).

Parce que les Cours d’Assises sont soumises à une très forte pression et mettent parfois plusieurs années à rendre un verdict, la réforme de la justice a décidé d’expérimenter en 2019, une toute nouvelle instance : La Cour criminelle départementale. Prévue aux articles 380-16 à 380-22 du Code de procédure pénale (CPP) et compétente pour juger des peines encourues de 15 et 20 ans de réclusion (vol à main armée, viol…), hors récidive légale, elle a été généralisée, le 1er janvier 2023, sur l’étendue du territoire national sauf certaines exceptions ultramarines comme en Nouvelle Calédonie, à Mayotte ou en Polynésie française, notamment, faute de suffisamment de magistrats. La Cour criminelle départementale qui a succédé à une tentative éphémère de tribunaux correctionnels citoyens entre 2011 et 2013, est composée de cinq magistrats professionnels, d’un avocat général qui représente l’intérêt de la société, la défense qui représentera l’accusé et la partie civile comme plaignante. L’une des spécificités et l’un des problèmes de cette institution nouvelle : Les Cours criminelles départementales ne disposent pas de jury populaire, contrairement, aux Cours d’Assises. Le jury populaire, principe datant de la Révolution française, avait pour but de garantir l’équilibre d’une justice représentative et participative. Beaucoup voient la suppression du jury populaire des CCD comme une atteinte à la démocratie. Cette suppression peut avoir un impact significatif sur la confiance des populations à propos de l’impartialité de la justice française. Plusieurs acteurs de la justice en France dont le syndicat de la magistrature pensent que l’état de droit dans notre pays serait en danger. Si la réforme sur la modernisation de la justice connaît des changements très importants et nettement critiquables, c’est aussi parce que notre société est en perpétuelle évolution depuis la fin du 19ème siècle.

Dire que l’état de droit et la démocratie seraient en danger est contestable, car si le requérant n’est pas satisfait de la décision d’une Cour criminelle départementale, il peut interjeter appel et il sera alors jugé par la Cour d’Assises traditionnelle. Le gouvernement de M. Jean Castex se voulait rassurant envers « les fans » des Cours d’Assises en précisant que cette juridiction pénale est loin d’être supprimée. D’ailleurs, concernant les Cours d’assises, à propos du jury populaire, on ne peut pas prétendre que le peuple n’est pas respecté, car M. Eric Dupond-Moretti (notre photo), ancien Garde des Sceaux, ministre de la Justice, avait œuvré pour que la condamnation du jury populaire ne puisse plus intervenir sans avoir obtenu préalablement une majorité des jurés favorables à la condamnation. Ce qui n’était plus le cas depuis plusieurs années. Un individu pouvait être condamné par une Cour d’Assises sans que la majorité des jurés se soient exprimés, ce qui pouvait donc porter atteinte au principe de souveraineté populaire. Il est notable de savoir que réunir des jurés populaires n’était pas une mince affaire (indisponibilité des jurés, crainte d’affronter les accusés, demande de récusations…), ce qui pouvait provoquer un allongement des procédures et des frais de justice supplémentaire.

Un jury populaire.

La suppression du jury populaire des Cours criminelles départementales n’est pas un signe de l’effondrement de la démocratie, car d’une part, la sécurité juridique est toujours bien garantie, avec pour exemple : le droit d’appel et le maintien de la collégialité ; d’autre part, la justice, même professionnelle, statue toujours au nom du peuple français et applique la loi, surtout, en droit pénal. J’interprète plutôt à titre personnel cette suppression comme une volonté de l’Etat d’agir au profit du peuple pour une justice plus dynamique dans ses décisions et peut-être plus sévère, sans que les droits fondamentaux des individus ne soit bafoués. La véritable question que nous devons nous poser est : Pouvons-nous faire des économie dans nos finances publiques tout en garantissant une justice équitable ?

TEDGA Marc Aurélien

Est étudiant en double licence 3 dans les universités de

Paris-Saclay et Paris-Nanterre

Envie d’accéder aux contenus réservés aux abonnés ?

More
articles

×
×

Panier