D’abord, une précision importante sur les onze membres de la Commission technique de révision du code de la presse et de la communication : au moins cinq d’entre eux, et ce n’est un secret pour personne au Togo, appartiennent à l’opposition. C’est par exemple le cas d’Amuzun Francis Pédro, affilié à l’UFC de Gilchrist Olympio et directeur de l’hebdomadaire privé, Crocodile. Il en est de même du représentant du syndicat Ujit, Lawson-Drackey Daniel, dont les sympathies pour ce même parti d’opposition (UFC), sont connues de tous à Lomé. Quant à Teko Jean-Jacques Folly, il appartient au syndicat Saintjop, également, très proche de l’opposition. Akakpo Assiba Claudine du Syndicat Apac/Togo, de son côté, est aussi connue pour ses prises de position en faveur de l’opposition, tout comme Gbadayi Kodjovi du syndicat Cab/Mcfc.
Parmi les six autres membres de la Commission qui n’affichent pas ostensiblement (ou pas du tout) leur préférence pour l’opposition, on compte Sodzi Kouami John, correspondant de Reuters et représentant de l’ONG Reporters sans frontières, membre du syndical local Ucpe, Bitho Essohouna de la Haac, Tebie Mazalo du Cab/Mcfc, Mathias Ayena du Synlico, Djakouti Laya Jacques de l’Uratel-Togo et Messan Lucien du Ctep.
Autant donc dire que la Commission qui a rédigé le nouveau code de la presse était équilibrée, ce qui lui a valu le soutien de la population, et a donné une certaine crédibilité à l’application des 21 autres engagements que le gouvernement avait pris à Bruxelles.
En effet, le nouveau code n’est pas un simple toilettage de la loi n° 2002-026 du 25 septembre 2002 : 35 des 112 articles ont complètement été réécrits sinon supprimés, après avoir fait l’objet d’un consensus des 11 membres de la Commission.
Tout commence à l’article 2 où les notions de « secret d’Etat classé comme tel, secret de l’instruction et des affaires mises en délibéré devant les cours et tribunaux », disparaissent purement et simplement dans le nouveau code.
L’article 54 ne reconnaît plus de « journaliste professionnel », mais tout simplement comme « journaliste », « toute personne qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée, la recherche, la collecte, la sélection, l’exploitation, la publication et la présentation de l’information … ». Autrement dit, est désormais « journaliste » au Togo, toute personne qui vit de ce métier, quelle que soit sa formation, le secteur d’activité de sa provenance. En France, par exemple, 80% des journalistes professionnels c’est-à-dire titulaires d’une carte de presse, n’ont pas de diplôme de journalisme. Avec le nouveau code, le Togo va aussi loin que la France, pays des droits de l’homme.
Autre assouplissement notable : les amendes de l’article 76 ont été divisées par cinq : « En cas de refus d’insertion ou de diffusion de la réponse malgré l’ordonnance de référé prévue à l’article 53 du présent code, le directeur de l’organe de publication ou de diffusion en cause est passible d’une peine d’amende de 100.000 f cfa (150 euros) à 500.000 f cfa (762 euros) » au lieu de 500.000 f cfa (762 euros) à 1.000.000 f cfa (1.524 euros), comme l’énonçait l’ancienne loi de 2002.
L’article 82 responsabilise les directeurs des supports en évitant de faire d’eux de simples caisses de résonance des fausses nouvelles diffusées par des médias étrangers même si dorénavant, « la preuve doit être faite que les informations reprises sont fausses ». Les amendes restent celles prévues dans le code de 2002 : « 500.000 f cfa à 2.000.000 f cfa ».
L’offense au président de la République n’est plus punie d’un emprisonnement d’un à cinq ans sans sursis et d’une amende d’un million à cinq millions de f cfa, comme l’indique l’article 89 de la loi de 2002. Avec le nouveau code, une amende de 2.000.000 f cfa à 5.000.000 f cfa, suffira. Plus d’emprisonnement de journaliste. La même amende est retenue pour l’offense commise publiquement envers les chefs d’Etat étrangers. Par contre, la peine d’emprisonnement d’un mois a trois mois qui était prévue, saute.
Désormais au Togo, la diffamation n’est plus passible d’une peine d’emprisonnement comme l’énonçait la loi de 2002 : avec le nouveau code, « la publication directe, la diffusion ou la reproduction d’une allégation ou imputation qualifiée de diffamation est punie d’une simple amende d’un million à deux millions de f cfa » (article 89 ). En cas de condamnation, le juge peut ordonner la suspension de l’organe de communication pour une durée d’un à trois mois, contre « trois mis à un an » (loi de 2002).
Autre disposition coercitive qui saute : l’article 108 qui permettait au ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, dans le cadre de ses pouvoirs de police, d’ordonner par arrêté la saisie des journaux. Dorénavant, seul le procureur de la République est habilité à saisir les journaux conformément au nouveau code. « L’ordonnance de saisie doit alors être motivée et notifiée au directeur de publication qui peut saisir le juge des référés. Le président de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la Communication et le ministre de la Communication sont informés de cette mesure ».
Voilà brièvement énoncées les grandes lignes du nouveau code de la presse au Togo, objet d’un consensus entre les représentants de la presse publique et de la presse privée du Togo. Un code de la presse qui est d’un standard européen.
Jean-Paul Tédga