Une quarantaine de migrants ont été tués (44 exactement au moment où nous mettons en ligne cet article) dans un raid aérien nocturne contre leur centre de détention près de Tripoli, une frappe attribuée aux forces de Khalifa Haftar engagées dans une offensive sur la capitale libyenne et qui a suscité de vives condamnations.
Au moins, 70 migrants ont, également, été blessés dans l’attaque, selon un « bilan préliminaire » fourni par un porte-parole des services de secours, Osama Ali.
« Le bilan pourrait s’aggraver », a-t-il ajouté, précisant que 120 migrants étaient détenus dans le hangar quand il a été touché de plein fouet (notre photo).
Selon un photographe de l’AFP arrivé tôt sur place, mercredi, 3 juillet, plusieurs corps gisaient au sol aux côtés de restes humains mêlés aux affaires et vêtements des migrants maculés de sang.
Les services de secours recherchaient d’éventuels survivants sous les décombres, tandis que des dizaines d’ambulances avaient été déployées, selon la même source.
Dans un communiqué, le Gouvernement d’union (GNA) basé à Tripoli et reconnu par l’ONU a dénoncé « un crime odieux ». Il a attribué l’attaque au « criminel de guerre, Khalifa Haftar », l’homme fort de l’Est libyen, qui mène une offensive depuis début avril pour conquérir la capitale.
Le GNA a accusé les forces pro-Haftar d’avoir mené une attaque « préméditée » et « précise » contre le centre.
Cette frappe n’a pas été revendiquée, mais, des médias pro-Haftar ont fait état, mardi soir, d’une « série de raids aériens » à Tripoli et Tajoura. La banlieue de Tajoura, qui compte plusieurs sites militaires appartenant aux groupes armés pro-GNA, est, régulièrement, la cible de raids aériens des forces pro-Haftar.
Dans de premières réactions, l’ONU et des ONG ont fait part de leur « effroi ».
Réagissant sur Twitter, le chef du Haut commissariat pour les réfugiés (HCR), Filippo Grandi, a porté « trois messages clés : les migrants et réfugiés ne doivent PAS être en détention, les civils ne doivent PAS être des cibles, la Libye n’est PAS un lieu sûr pour un renvoi » des migrants.
« Nous sommes horrifiés par ces morts », a déclaré le porte-parole du HCR, Charlie Yaxley.
Il a évoqué « l’extrême préoccupation » de l’organisation face aux « rumeurs » selon lesquelles le centre servait de « dépôt d’armes ». « Personne ne devrait être renvoyé en Libye actuellement », a clamé M. Yaxley.
Médecins Sans Frontières (MSF) a réagi sur Twitter à « ces effroyables événements », en réclamant « l’évacuation immédiate des réfugiés et migrants enfermés dans des centres de détentions à Tripoli ».
Les agences de l’ONU et organisations humanitaires rappellent, régulièrement, leur opposition à ce que les migrants arrêtés en mer soient ramenés en Libye, en proie au chaos depuis la chute de Mu’ammar Kadhafi, en 2011, et où ils se retrouvent placés « en détention arbitraire » ou à la merci de milices.
Leur situation dans ce pays est devenue encore plus critique depuis le début de l’offensive militaire le 4 avril du maréchal Haftar.
La mission d’appui de l’ONU en Libye (MANUL) a, maintes fois, exprimé son inquiétude sur le sort d’environ 3.500 migrants et réfugiés « en danger dans des centres de détention situés près de zones d’affrontements ».
Malgré une instabilité persistante, la Libye reste un important pays de transit pour les migrants fuyant les conflits et l’instabilité dans d’autres régions d’Afrique et du Moyen-Orient.
« Les réfugiés et les migrants secourus en mer, ne peuvent PAS être renvoyés en Libye, et ceux enfermés dans des centres de détention doivent être évacués d’urgence », a réagi sur Twitter, après la frappe, Lotte Leicht, directrice de Human Rights Watch (HRW) pour l’Union européenne.
Le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, a « condamné fermement » la frappe et réclamé « une enquête indépendante pour s’assurer que les responsables du meurtre horrible de ces civils rendent des comptes ».
L’Italie a évoqué sa « consternation » et sa « condamnation claire des bombardements aveugles de zones civiles ».
« Nous devons garantir immédiatement des mesures sérieuses de protection (…) et, en particulier, transférer les migrants qui se trouvent dans les installations d’accueil dans des lieux à l’abri des combats », a avancé son chef de la diplomatie, Enzo Moavero.
Les forces du maréchal Haftar ont promis cette semaine d’intensifier les frappes aériennes contre les forces rivales du GNA, après avoir perdu Gharyan, ville au Sud de Tripoli dont le maréchal avait fait son centre opérationnel dans son offensive contre la capitale, à plus de 1.000 km de son bastion de Benghazi (Nord-Est).
Les deux camps rivaux s’accusent mutuellement de recourir à des mercenaires et de profiter du soutien militaire, notamment aérien, de puissances étrangères.