Le chef de l’Etat malien, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), s’est rendu, jeudi, 14 juin, sur les lieux de la tuerie du village dogon de Sobane Da, dans le Centre du pays. Du tourisme ? On sait que ce genre d’événements se répètent et, visiblement, les mesures ne sont pas prises, après le passage du chef de l’Etat sur les lieux où ils se sont déroulés, pour qu’ils ne surviennent plus. Alors question : IBK est-il dépassé par les événements ? Il faut commencer à se rendre à cette évidence.
Dans ce déplacement au village où l’attaque, dimanche, 9 juin, soir, a fait 35 morts, selon un dernier bilan, IBK était accompagné d’une « forte délégation » comprenant le cardinal, Jean Zerbo, le pasteur, Marc Goita, et six ministres.
Il a apporté ses condoléances aux familles des disparus, sa compassion et son réconfort aux blessés. Le chef de l’Etat avait écourté une visite officielle à Genève pour rentrer au Mali, mardi, 11 juin, le jour où le premier ministre, Boubou Cissé, s’est, lui-même, rendu sur place.
Lors du Conseil des ministres, mercredi, 12 juin, le chef de l’Etat a proclamé un deuil national de trois jours et le gouvernement a révoqué le gouverneur de la région de Mopti (Centre), le général, Sidi Alassane Touré.
« Ce n’est pas à un cycle de vengeance, de vendetta, que ce pays doit être conduit », avait déclaré, lundi, 10 juin, à Genève, le président IBK. Il a appelé à des « retrouvailles » entre Maliens, « qui seules vont nous permettre de rebondir et permettre à notre nation de survivre. Car nous sommes en question de survie », a-t-il estimé.
Les violences inter-communautaires dans le Centre du Mali ont culminé, le 23 mars, avec le massacre à Ogossagou, près de la frontière burkinabè, de quelque 160 villageois Peuls, attribué à des chasseurs dogons.
Les villages de Sobane Da et d’Ogossagou se trouvent tous les deux dans la région de Mopti, où se concentre l’essentiel des violences au Mali.
Lors d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU, mercredi, le ministre malien des Affaires étrangères, Tiébilé Dramé, a réclamé « une présence accrue » des Casques bleus de la Mission de l’ONU au Mali (MINUSMA) dans le Centre du pays.
« Cette présence accrue est la condition du succès du processus politique que nous allons engager dans les prochains jours », a ajouté M. Dramé.
Auparavant, le chef de la Minusma, Mahamat Saleh Annadif, avait affirmé que « le cycle infernal de la violence devait être arrêté » afin d’éviter que « chacun ne se fasse justice par lui-même ».
Depuis l’apparition, en 2015, dans le Centre du Mali du groupe djihadiste du prédicateur, Amadou Koufa, recrutant, prioritairement, parmi les Peuls, traditionnellement, éleveurs, les affrontements se multiplient entre cette communauté et les ethnies bambara et dogon, pratiquant, essentiellement, l’agriculture, qui ont créé leurs « groupes d’autodéfense ».
Le Nord du Mali était tombé, en 2012, sous la coupe de groupes djihadistes, en grande partie dispersés par une intervention militaire lancée, en janvier, 2013 à l’initiative de la France, qui se poursuit.
Le Mali avait eu recours à l’intervention française parce que son armée, mal formée, peu équipée, ne pouvait pas faire face, en 2012, à la déferlante djihadiste, qui aurait pris le pouvoir à Bamako. Si une partie des torts revient, incontestablement, à l’ancien président, ATT (Amadou Toumani Touré), qui en dix ans de présence à la tête de l’Etat, avait, volontairement, fermé les yeux à la djihadisation du Nord du Mali, croyant à tort que ce problème allait être résolu par son successeur, il a, avant le terme de son deuxième mandat, été victime d’un coup d’état militaire, l’armée lui reprochant, justement, son incapacité et son inaction à prévenir le désordre qui s’abat, aujourd’hui, dans le pays.
ATT, tôt ou tard, sera devant le tribunal de l’histoire du Mali. Cela dit, son successeur élu, IBK, n’est pas plus apte à faire face à ce problème. On l’a vu avec la vague des premiers ministres qui se sont succédé pendant son premier mandat : 5 premiers ministres en 5 ans. C’est de l’incompétence tout simplement. Le problème des Maliens n’est pas ailleurs. Il est dans le (mauvais) choix de leurs dirigeants.
Après avoir été (mal) élu, l’année dernière, IBK reprend ce qu’il faisait, déjà, si mal lors du premier mandat : en 2 ans déjà de ce deuxième mandat, il en est à 2 premiers ministres. Autrement dit, en sept ans de pouvoir, 7 premiers ministres. Sa contre-performance sera très (très) difficile à défendre.
IBK n’a pas, encore, compris que ce ne sont ni Barkhane, ni la MINUSMA, qui pourront mettre fin au djihadisme, dans le Nord du pays. Mais, une armée malienne forte, aguerrie et bien équipée, qui pourra y faire face, avec, certainement, l’apport des amis de Berkhane et de la MINUSMA. Cette guerre dans le Nord, c’est d’abord une affaire de l’armée malienne, et des Maliens qui doivent, parallèlement, trouver une solution politique au drame qui sévit dans cette partie du pays. Alors alors alors, IBK ? Franchement décevant !