Le samedi 25 mai 2019, la jeunesse malienne est sortie massivement dans les rues de Bamako pour conspuer et menacer la France. « France Dégage », « France Terroriste », « Mort à la France », « France Complice », ou encore, « Plus jamais la France au Mali », pouvait-on lire sur quelques pancartes brandies par les manifestants. Comme l’on était loin de l’époque où les Maliens, arborant le drapeau français, chantaient pour la France et Hollande, les remerciant de les avoir libérés d’islamistes barbares !
Pour être barbares, ces islamistes l’étaient vraiment puisqu’ils égorgeaient les militaires, mariaient de force les filles de moins de 13 ans, fouettaient quiconque fumait dans la rue, etc. Mais, pourquoi les jeunes maliens demandaient-ils à la France de plier bagage et de s’en aller ? Quelle est la raison de leur colère ? Qu’est-ce qui s’est passé pour que les dithyrambes de janvier 2013 à l’égard de la France fassent place, en mai 2019, à des discours incendiaires ?
Pour mémoire, les soldats français étaient arrivés au Mali pour combattre les islamistes. Ils avaient, pour mission, d’épauler l’armée malienne qui, à l’époque, était désorganisée et trop peu équipée pour « faire le job ». Censée durer, environ, une année et demie (janvier 2013-juillet 2014), l’Opération Serval (du nom de code de l’intervention de l’armée française au Mali) a, cependant, fini par s’installer. Plus grave, encore, la situation sécuritaire au Nord du Mali ne s’est, guère, améliorée puisque des militaires et des civils maliens y sont, quotidiennement, tués par les djihadistes malgré la présence des 3.000 militaires français. Certes, un demi-millier de terroristes ont été neutralisés et des villes comme Gao et Tombouctou, sécurisées mais ça, c’était en 2013, quand la vie des Maliens « préoccupait », encore, les soldats français (sur notre photo le président intérimaire du Mali le professeur Dioncounda Traoré décorant son homologue François Hollande en juillet 2013 à l’ambassade du Mali en France pour saluer cette intervention militaire). Aujourd’hui, ce sont les richesses du Mali (l’or, l’uranium et le pétrole) qui semblent les préoccuper. Et c’est cette hypocrisie et ce mensonge de la France, qui mettent la jeunesse malienne en colère. Pour elle, les forces françaises ne luttent pas contre les terroristes, mais, font semblant. Elle pense même que « le vrai terroriste au Mali, c’est la France [et que] le terrorisme est un prétexte de la présence française au Mali ».
Les jeunes Maliens ne se bornent pas à pointer un doigt accusateur sur l’ancienne puissance colonisatrice. Ils vont plus loin en promettant de « répondre œil pour œil, dent pour dent, [de] brûler les véhicules de la MINUSMA et deux stations Total, [de s’en prendre] aux Français du Mali si on entend encore un mort malien ». L’un d’entre eux ajoute : « Nous sommes déterminés à jamais pour nous débarrasser de la France au Mali, et ça se fera ! » ( http://news.abamako.com/h/213654).
On aurait aimé que la jeunesse malienne soutienne celle de Côte d’Ivoire lorsque celle-ci se battait en 2002 contre la même France, qui se cachait derrière une rébellion meurtrière et inculte ; on eût souhaité que les Maliens de Côte d’Ivoire n’embrassent pas la cause d’un imposteur (Dramane Ouattara), pion de la France en Afrique francophone. N’empêche que le réveil, la révolte et la détermination des jeunes Maliens sont une bonne nouvelle. Je me réjouis que ces derniers aient, enfin, pris conscience de la fourberie et du rôle néfaste de la France dans ses ex-colonies. Les autres jeunesses emboîteront-elles le pas à celle du Mali ? Il faut l’espérer car c’est ensemble et de façon concomitante que la jeunesse africaine doit se lever et briser le joug français, qui pèse sur les populations africaines, depuis 1960, année des pseudo-indépendances.
Jean-Claude DJEREKE
est professeur de littérature à l’Université de Temple (Etats-Unis)